Chapitre 86 : Nolan

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D'un cliquetis, nous entendons la porte s'ouvrir. Je ne sais pas comment l'Escouade l'a fait, mais elle a réussi à déverrouiller l'entrée en silence. Là encore, le fruit de leur expérience et de leur formation, j'imagine.

Gab et moi n'avons pas besoin de parler pour savoir ce que nous devons faire. Il prend la tête et je le suis de près, comme tout notre groupe. Je ressens tout de même une grande prudence de la part de mon frère, qui n'avance pas aussi vite que je le souhaiterais. Je le laisse pourtant mener. Il est le plus entraîné de nous deux pour ce genre de mission.

La porte s'entrouvre dans un long couloir, illuminé par des spots placés à plusieurs mètres de distance. Je note tout de suite la vétusté des lieux. Cet endroit n'est plus utilisé depuis longtemps. Il nous faut traverser une vingtaine de mètres, ainsi, à la file indienne, avant d'atteindre une nouvelle porte.

Cette fois, l'odeur est encore plus suffocante qu'il y a quelques minutes. Je ne perçois même plus celle de Jade, tant l'effluve de la créature nous entoure, et cette autre senteur... de la pourriture... oui, elle a dû se nourrir ici, à l'abri des regards.

L'équipe qui avait ouvert la première fois recommence son manège. Quand j'entre, c'est le choc. Un laboratoire ? Des tables en inox s'alignent les unes derrière les autres, sur lesquelles des instruments de biologie sont placés çà et là. Dans de larges bouteilles en verre, des visages à la gueule béante flottent en me fixant et je manque de vomir. Un chien ? Un loup ? Était-ce même un garou ? J'entends un couinement derrière moi, mes frères sont tout aussi secoués que moi alors que nous découvrons un peu plus la folie de ce lieu. Des membres d'un ou plusieurs corps gisent dans des liquides différents, certainement du formol. Une odeur d'antiseptique mélangée à celle de la pourriture nous submerge. Ici, quelqu'un faisait des expériences.

Aurions-nous affaire à un humain ? Qui recherchait sur des garous ?

Nous traversons cette salle macabre pour nous diriger vers plusieurs portes alignées, mais des râles m'interpellent, me rappelant ceux de la créature. Elle est ici, derrière ce battant. Peut-être en train de tuer Jade ? Pourtant, je n'entends aucun cri. Est-elle déjà morte ? Ou bien s'est-elle évanouie de peur ?

Je n'en ai aucune idée et ça me rend fou.

D'un hochement de tête, je laisse de nouveau Gabriel prendre les devants, cette fois avec son équipe. Mes frères et moi nous mettons à l'arrière, prêts à charger s'il le faut. Cependant, je sens une fébrilité les envahir. Je crois que passer par ce laboratoire les a fragilisés. Moi-même, je ne peux m'empêcher de penser aux horreurs qui ont dû se jouer entre ces murs... Qui se trouve derrière tout ça ?

C'est lié à madame Louvois, mais la concierge ne montrait aucun signe distinctif. Son CV était simple et exemplaire. Peut-être trop ? Qui est-elle finalement ? La créature ? Et pourquoi ? Cette question me taraude depuis le début de l'affaire... Pourquoi ? Pour devenir elle aussi un garou ? Pour déstabiliser la Wolf Academy ? Pour nous exterminer ou au contraire, utiliser notre pouvoir ?

Aucune réponse ne vient à moi alors que je vois Gabriel défoncer la porte et se jeter dans cette pièce. Des jappements ainsi que des bruits de lutte s'élèvent. Nous attendons que l'Escouade entre, avant de pénétrer dans la pièce, mais je me rends vite compte que nous sommes beaucoup trop nombreux dans ce lien. Et je grogne à l'attention de ma meute pour qu'elle reste en arrière.

Là, mon regard se pose immédiatement sur Jade, le menton avachi sur sa poitrine. Ses mains, retenues par des crochets, ne lui permettent pas de s'asseoir. Mon sang ne fait qu'un tour alors que je saute dans sa direction. Mon museau la renifle pour savoir si elle est blessée quelque part, mais je ne détecte rien.

Derrière moi, la bataille continue, mais mon cerveau reste concentré sur Jade. Je décide de reprendre forme humaine afin de la libérer. Problème : les menottes, en titane, nécessitent une clé. Amine, qui a repris également sa forme originelle, se met à mon niveau avec une pince coupe fer qu'il devait garder dans son sac à dos. Sans difficulté, il arrive à libérer Jade des accroches, elle s'affale aussitôt contre moi.

Sans hésiter une seconde, je la porte et l'emmène en dehors de la pièce, où le combat semble s'affaiblir. Un dernier coup d'œil m'indique que la créature, ventre contre terre, a été maîtrisée. Un soulagement m'étreint. C'est terminé !

Avec délicatesse, j'allonge Jade sur une table et viens chercher son pouls. Son corps tiède m'inquiète : sa peau semble plus blanche qu'à l'ordinaire. Que lui est-il arrivé ?

Faites qu'elle soit encore vivante ! prié-je intérieurement.

Très faible, je perçois un battement, puis un deuxième. Je la prends dans mes bras, le cœur soulagé.

— Appelle une ambulance ! crié-je à Asia, qui a repris elle aussi forme humaine, comme quelques autres de mes membres.

Pour ma part, il n'est pas question de lâcher Jade. Je la serre contre moi, pour la réchauffer. Ses mains que j'attrape sont glacées. C'est là que je remarque une incision au niveau de son poignet qui a été recousu maladroitement. Sa nature de garou a du mal à refermer la plaie, je le vois, comme elle saigne encore un peu. La créature lui a pris du sang, je le comprends aussitôt. D'où, son état de faiblesse et son évanouissement.

Des voix m'interpellent et je lève la tête : sans surprise, mon père ainsi que mon oncle arrivent, en compagnie d'autres membres de l'Escouade. Le regard furibond de mon père me scanne de haut en bas : quand il voit le corps de Jade entre mes bras, un air de dégoût l'étreint. Il ne s'arrête pas et continue sa marche jusqu'à la créature, désormais enchaînée et muselée. Elle n'a pas encore repris forme humaine, mais ça ne saurait tarder, j'imagine.

Quand les secours arrivent enfin, je les suis. Jade reste ma priorité.

Lune ArdenteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant