Chapitre 57 : Jade

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Je fronce les sourcils et la fixe, tout en buvant par petites gorgées mon thé brûlant. Qu'entend-elle par-là ? Son regard se pose sur un cadre. Je le suis de mes yeux et repère trois silhouettes de taille différente. Serait-ce elle avec ses parents ? Ou ses enfants ? A-t-elle même des enfants ? Je détaille son logement et rien n'indique qu'elle vit avec d'autres personnes. J'avoue ne pas du tout la connaître. Mais ai-je envie d'en savoir plus ? Ma poitrine se comprime : il vaut mieux que j'interrompe cette entrevue au plus vite. S'attacher aux gens, c'est douloureux. Bien trop...

— J'avais un fils, mais il est décédé aujourd'hui, me raconte-t-elle soudain.

— Oh... Je... je suis désolée.

Pétrifiée, je ne sais pas quoi dire de plus. Pourquoi me révèle-t-elle cette information ?

— Il avait à peu près ton âge quand il est mort, mais je suis sûre qu'il aurait aimé étudier dans une telle université.

Elle pouffe de rire. Je reste statufiée.

— Bien sûr, il n'aurait pas pu venir étudier ici.

— Oui... soufflé-je.

— En tout cas, tu as beaucoup de chance. En plus... je crois que tu t'entends bien avec Nolan, le fils du directeur ?

Là, mon coeur s'arrête tout simplement. Pourquoi l'évoque-t-elle ? Je ne veux plus entendre son nom de la bouche de qui que ce soit. Je risque de commettre un meurtre, ou de me prostrer dans un coin et pleurer toutes les larmes de mon corps. Tout est encore flou dans mon esprit.

Comme je ne réponds pas, elle pense qu'elle peut continuer à parler.

— C'est un gentil jeune homme. Il m'a été présenté l'an passé, quand j'ai passé les entretiens pour devenir la concierge de ce bâtiment. Ma place n'a pas été évidente. Peu d'humains peuvent travailler au sein de la Wolf Academy. Ils préfèrent les loups-garous, ce qui est logique. Mais avec l'ouverture de l'université, je me suis dit que c'était une chance d'en faire partie. Et j'avais de bonnes références.

— Oh... je vois...

Je ne sais même pas pourquoi je réagis. Depuis qu'elle a prononcé le prénom de Nolan, tout me passe au travers de la tête. Je prends une longue inspiration et détourne le visage vers la fenêtre. Peut-être comprendra-t-elle d'elle-même que je ne désire pas parler de lui ? Mes yeux dérivent vers un écusson noir et rouge accroché à la poignée de la vitre, mais madame Louvois se racle la gorge.

— C'était bizarre de passer un entretien avec un jeune homme aussi jeune, mais il a la tête sur les épaules, son père l'a bien éduqué.

Est-ce une adepte de la famille Wolf, ou quoi ? Je crois qu'il est temps de partir. Sans me soucier de mon palet, je bois plus vite mon thé encore bien chaud.

— Il m'a tout de suite plu et...

Je cogne ma tasse vide sur la soucoupe et me lève. Qu'elle arrête de parler de Nolan !

— Je dois y aller, j'ai des devoirs ! Déclaré-je.

— Oh, désolée, Jade, je n'avais pas vu qu'il était si tard.

— Merci pour l'invitation et pour le courrier. À bientôt !

— Je t'en prie !

Elle m'accompagne pendant que je me précipite vers la sortie. Je me fiche qu'elle note mon désir de partir, mais je n'en peux plus. Tout m'étouffe. Cette pièce, ses paroles, la concierge, tout ! Je me dépêche de la saluer pour monter jusqu'à ma chambre. Dès que j'y pénètre, je souffle, le dos contre le battant refermé. Soudain, ma poitrine me serre à tel point que je suis obligée de mettre mes paumes sur mon coeur. Mes jambes me lâchent et je m'écroule au sol, ma respiration a du mal à reprendre un rythme normal. Des gouttes tombent sur le dos de mes mains, à plat sur mes cuisses. Quoi ? Je suis obligée de me toucher les joues pour remarques mes larmes.

Tout devient trop dur. J'étouffe... Le coeur comprimé, je suffoque. Mon cerveau s'était fermé à la douleur pour m'épargner, pour garder une certaine contenance. Maintenant que je me trouve isolée, dans ma chambre, ma peine ressort puissance mille.

Nolan m'a quittée.

Nolan n'est qu'un couard, il ne m'a pas tout dit.

Nolan m'a menti, il n'a pas suivi ce que nous nous étions promis.

Et moi... je pleure... Je m'étais pourtant obligée à ne pas l'aimer, mais là, les émotions me submergent. Je me rends compte qu'en réalité, mes sentiments étaient bien plus forts que prévus. Peut-être ai-je voulu imposer cette règle de ne pas s'aimer pour m'obliger à ne pas succomber ? Seulement, il était déjà trop tard. Je l'aimais déjà. Quand ? Comment ? Pourquoi ? Je ne me l'explique pas, mais Nolan était ce rayon de soleil dans mon quotidien morne, esseulé et dangereux.

Avec lui, je me sentais capable de tout affronter. Même alors qu'il n'était qu'un simple mentor, ça me suffisait. Il était cette constante qui me permettait d'avancer sans m'interroger. Désormais, tout ça, c'est terminé. Il n'est plus question qu'il reste mon mentor. Je ne pourrais plus l'accepter à mes côtés. Quant à nos séances, c'est du pareil au même. Comment me concentrer alors qu'il s'installe à chaque fois face à moi ? Comment ne pas ressentir ce tumulte qui m'envahit quand je suis près de lui ? Impossible. Au fond, je savais que je ne devais pas me bercer d'illusions. J'ai toujours su que sa position d'alpha et de loup-garou deviendrait un obstacle pour nous, mais j'ai préféré ignorer toutes les alarmes pour me plonger dans une relation impossible.

Je suis trop bête. Je déteste Nolan pour ce qu'il vient de faire. Mais je me déteste encore plus d'avoir succombé.

Lune ArdenteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant