Chapitre 10

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Shanarielle

🎶 What was I made for, Billie Eilish

Je ne sais combien de temps s'est écoulé depuis le départ du Prince. Ankylosée et incapable de me relever, je gis toujours sur ce sol froid et mouillé. Mon bras et ma hanche meurtrie me dictent de bouger. Pourtant, la moindre parcelle d'énergie m'a quittée à la seconde où j'ai perdu toute dignité. Je me sens comme paralysée, prisonnière de mon propre corps.

Ma sœur m'a abandonnée. 

Pire, elle m'a reniée et pris part dans l'exécution des plans machiavéliques de cet être inhumain dénué de toute compassion. Qu'a-t-il pu lui dire ou faire pour l'encourager à me trahir de la sorte ? 

Je lui ai tout donné et tout supporté pour elle. Elle était la seule chose qui me restait d'eux. Mes parents.

Je l'ai perdue. Je l'ai vu dans son regard voilé, elle n'était plus celle qui a grandi à mes côtés. 

Je me sens si sale et nue malgré la blouse qui me couvre les épaules. Décidément, je suis vouée à essuyer trahison après trahison. C'est dingue, dire que je pensais être au bord d'une falaise prête à tomber quand ma louve se manifestait. J'étais à dix mille lieues d'imaginer à quel point j'étais loin de la vérité.

Le vrai vertige qui envahit le corps avant sa chute mortelle est en fait là, maintenant que je suis véritablement seule.

— Je t'avais demandé de te reposer sur la table d'examen.

Je ne l'ai même pas entendu rentrer, la voix de Noah charge l'atmosphère de contrariété. 

Qu'importe. 

Toujours clouée au sol, je ne change pas de position. Il est fort probable qu'il prenne mon immobilité pour de la provocation pure et dure mais je m'en moque. Si mon corps est encore vivant, mon âme, elle, est morte quand ma sœur m'a tourné le dos. Je ne crains plus que tout s'arrête ici, je serais même reconnaissante d'être libérée de tous ces tourments qui me hantent.

— La nuit est passée, je t'amène de quoi manger.

Sa voix est douce comme du velours. Chacune de ses syllabes caresse mes oreilles. Étrangement, un sentiment d'apaisement réchauffe légèrement ma peau. C'est idiot car il est un métamorphe mortellement dangereux et il se tient seulement à quelques mètres de moi. Je ne sais pas si c'est le timbre de sa voix ou l'acceptation de mon funeste destin qui embaume mon cœur de sérénité mais je la reçois avec gratitude. C'est la première fois depuis des jours que je ne suis plus rongée par la peur et je compte bien en profiter. J'attends patiemment d'être délivrée de ce cauchemar car je le sais maintenant, ce n'est plus qu'une question de temps.

Il m'a promis qu'il m'aiderait à comprendre qui je suis. Quelle ironie quand j'y pense. C'est une telle perte de temps de partir à la recherche de quelque chose que je sais déjà perdue dans l'immensité du néant. Quand il s'en rendra compte lui-même , il achèvera ma misérable vie.

Il s'approche, je peux sentir son odeur titiller mon nez. Contre toute attente, elle est une distraction bienvenue aux effluves pestilentielles de l'urine de ma sœur qui me colle aux cuisses. Je sens terriblement mauvais.

Mon estomac affamé me trahit lui aussi lorsqu'il laisse échapper de légers gargouillis résonnant dans la pièce

— Tu ne voudrais pas goûter un peu ce bœuf fumant ? Il sort tout juste du feu.

Si.

Je salive à la seconde où mon esprit repère l'odeur de la viande cuisinée. Mon agonie ne sera que plus longue, rien ne sert de reculer pour mieux sauter. Un nouveau gargouillis me supplie de céder à la tentation. Je ferme les yeux et résiste. Chaque inspiration de cette odeur alléchante me fait frissonner de désir.

Sur les traces d'une Oméga - L'appel de la Louve (Tome1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant