Chapitre 15

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 Margaret observait songeuse le polaroid de Sade et d'elle. Au lieu de l'afficher, elle l'avait discrètement rangé dans la poche de son sweatshirt. Aujourd'hui, il était en congé et Maggie en avait profité pour appeler Ruby sans risquer d'être interrompue. Parler à son amie lui avait fait un bien fou. Elles avaient ri à en pleurer et échangé des confiances. La tueuse s'était épanchée sur la relation incompréhensible et tumultueuse qu'elle entretenait avec Sade. Au début, Ruby avait hurlé en apprenant tout ce qui s'était passé. Elle ne parvenait pas à croire que Maggie avait embrassé son persécuteur.

— Fais attention à toi, l'avait mis en garde Ruby, il est officiellement passé premier dans le classement de l'EAA il y a trois jours. Qui sait le genre de personne qui veut le voir tomber ?

— Je n'arrive pas à me détacher de lui. C'est comme si j'étais capable de tout pour qu'il m'appartienne. Une fois qu'il sera complètement amouraché, je me désintéresserai, prédit Margaret.

Silence au bout du fil. Ruby répondit d'une intonation sérieuse :

— Je n'ai pas l'impression qu'il s'agit véritablement d'un jeu, ni pour toi ni pour lui. Et c'est en continuant de vous aveugler comme ça que cette histoire va mal finir.

Une heure plus tard, Margaret contemplait le polaroid en repensant aux paroles de son amie. Était-elle en train de se fourvoyer ? Risquait-elle de s'attacher à Sade plus qu'elle ne le souhaitait ?

Non sûrement pas.

Elle cacha la photo entre les pages de Notre-Dame de Paris et entreposa le livre dans son bureau. Elle alluma son ordinateur portable et commença ses recherches. Marius, qui es-tu ?

C'était comme chercher une aiguille dans une botte de foin. Cela faisait plus de deux heures qu'elle arpentait la toile avec trois informations seulement. Sans cesse, elle passait d'une page web au traducteur, puis vice-versa. Désormais, elle connaissait quelques mots en français. C'était l'heure de manger, mais elle se contenta d'un large mug de café. Il fallait qu'elle reste concentrée.

Cela aurait été tellement plus rapide de demander à Bill l'informaticien de faire ces recherches. Mais elle ne souhaitait pas impliquer un membre de Voss dans cette histoire.

Au bout d'un certain temps, elle tomba sur quelque chose d'intéressant. Un drame dans une commune à côté de Paris. Les dates coïncidaient. Elle dut s'inscrire pour consulter les archives de la ville.

Un long frissonnement remonta le long de sa colonne quand elle comprit le titre de l'article. Un feu gigantesque avait consumé une maison entière dans Versailles. Les flammes avaient emporté avec elles, les parents et deux de leurs enfants. Il n'y avait eu qu'un seul survivant : Marius Leroy. Le jeune adolescent de quatorze ans allait être pris en charge par les services sociaux. La photo qui s'affichait à l'écran montrait une maison enflammée, des pompiers courraient en l'arrière-plan pour l'éteindre. Au-devant de la scène d'horreur, un garçon se tenait de face et fixait l'objectif. Son regard était vide. Ses cheveux blonds hirsutes lui tombaient sur les épaules en un amas désordonné.

Margaret reconnut l'air de défi qu'on pouvait lire sur son visage. C'était bien lui. C'était Sade.

Et son vrai nom était Marius Leroy.

Elle prit en photo avec son téléphone la page web et continua les recherches jusqu'à ce que son ventre gronde. Il était temps de le nourrir. Elle peina à avaler la nourriture tant elle songeait à ce qu'elle venait de découvrir. La mère de Sade était une architecte reconnue dans la capitale, son père, un médecin discret. La famille Leroy était fortunée et jouissait d'une bonne réputation. L'éloge funèbre avait été écrite par un écrivain local puis publié dans le journal. La jeunesse de Sade semblait être à l'extrême opposé de celle de Margaret. Et pourtant ils avaient tous les deux fini dans le monde criminel.

Hunter [Dark Romance]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant