PART. II - DERRIERE, MON ANGE DIT «T'ES SI SOMBRE»

N°26 - Formalités

Juin 2013 - 5 ans plus tôt

Les mains dans les poches, les jambes vulgairement écartées, en survet', claquettes chaussettes, j'étais assis face à cet homme qui ne m'avait jamais porté dans son cœur.

Aucun mot n'sortit d'ma bouche et même si j'savais pas du tout pourquoi c'type était devant ma gueule, mes pensées n'étaient pas avec lui aujourd'hui. Comme la veille et comme le jour d'avant. Mes pensées étaient perdues bien loin depuis qu'j'avais tout perdu.

Tout perdu, ouais c'était l'cas de l'dire.

Ma fiancée.

Ma fille.

Mes raisons d'vivre.

Qu'était un homme sans ce qui le définissait ?

J'en savais rien et pourtant j'étais cette personne.

Alors je restais là. Assis, à attendre, le toisant du regard sans jamais lui demander quelle était la raison de sa présence ici, entre les murs pourrissants d'Fleury, là où étaient enfermées nombreuses de ses propres cibles.

Puis il avait fini par ouvrir la bouche.

- J'viens t'présenter mes condoléances.

Son ton était désolé. Mais j'avais pas besoin d'sa pitié.

- Ah ouais ? Ricanais-je un peu rageusement. Merci.

Mon regard défia le sien et ouais, on savait pertinemment c'qu'il en était entre nous. Trop d'rancœur.

C'était impossible de l'regarder sans l'détester. C'était un putain d'enculé c'type-là.

Il avait abandonné Enys et Swann. Il avait abandonné mon reuf et sa pute de fille. Et malgré l'manquement à ses devoirs parentaux, il s'était permis d'intervenir quand bon lui semblait dans leur vie.

Il avait voulu m'mener la vie dure, refusant que j'm'approche de ses gosses. Putain, pour l'coup j'aurais mieux fait d'me méfier à deux fois d'sa salope de gamine et d'écouter bien gentiment son daron. Mais j'regrettais pas mes choix pour une seule raison à l'heure actuelle : Enys.

Enfin, il m'avait promis à d'nombreuses reprises qu'il allait m'serrer pour m'foutre derrière les barreaux. Malheureusement pour lui, il n'avait jamais réussi à l'faire de ses propres mains, parce que mon cul était toujours collé à celui d'son marmot qu'il tentait d'protéger malgré les quelques fois où il nous avait foutu dans la D en nous prenant toute notre cons'.

Voilà donc pourquoi c'était impossible pour moi de l'regarder sans l'détester. Et j'constatais aujourd'hui qu'c'était pas réciproque.

Sans doute une histoire d'pitié. Mais j'en n'avais rien à foutre de son soudain intérêt pour c'que j'pouvais ressentir, j'étais pas là pour lui donner bonne conscience.

- J'sais qu'tu dois t'demander c'que j'fous là mais...

- Ouais, sah j'comprends pas, avouais-je alors en l'coupant. Vous êtes venu pour kiffer ? Y'a quoi, vous voulez m'narguer ? J'suis derrière les barreaux, c'est bon votre objectif il est atteint, crachais-je, le regard haineux.

Il m'avait écouté attentivement, son regard sérieux dirigé vers moi.

Puis son ton fut beaucoup plus calme que le mien, bien moins agressif quand il m'avait répondu.

- Nan, j'suis venu pour t'présenter mes condoléances Tarik, c'est sincère.

Sa sincérité et sa gentillesse soudaines sonnèrent comme des putain d'fausses notes à mes oreilles.