Chapitre 32 - Insigne significatif

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Je me penchai avec plus de méfiance que pour épier le docteur. Bien sûr, la Cité de Nacre s'étendait une dizaine de mètres en-dessous de nous.

Pourquoi toutes ces hauteurs ? N'avaient-ils pas pu construire leur royaume dans une plaine, plutôt que sur un nuage ?

Je ne m'étendis pas sur la Cité, bien qu'elle mettait du sien pour qu'on la regarde. Bouquets de tours, maisons empilées, cette architecture sans passerelles ni escaliers rappelait celle des Bas-Quartiers. Mais la maigre ressemblance s'arrêtait là. Tout était si propre, ciselé et irisé, qu'on aurait dit que le château et un cokiyage avaient fait un enfant.

— Les quartiers des Andemadiel se situent de la tour de Cône aux places des Ogives.

Fen baladait son doigt sur la majeure partie de la Cité.

— Les Kinmerigan ont les Balustrades et les quartiers derrière les Portes d'Opale.

Ces grandes portes, je consentis à les mirer, car elles s'élevaient jusqu'à la voûte vaporeuse qui servait de ciel. Lisses et closes, un losange plus grand que nous tous y était taillé.

Les rues pavées scintillaient sous la lumière tamisée des nuages, le vent ne soufflait pas, mais la chaleur n'abondait pas non plus. Il faisait assez bon pour vagabonder en toge simple, ce que les petits habitants, en bas, semblaient penser également.

J'avais baissé les yeux, car il y avait du grabuge au centre de la Cité. Une escouade militaire s'était plantée sur une placette de mosaïques nacrées. À leurs côtés, une petite ogive ouvragée, ouverte d'un portillon, d'où s'échappait le lourd grincement d'une poulie de Corde. Le bruit se répercutait en écho sur toutes les maisons, faisait se pencher les têtes rousses aux fenêtres, et pressait les chevelures blondes dans les rues. Tout le monde dévisageait ces quelques personnes, qui ne furent plus que cinq, puis trois, à mesure que les soldats entraient dans l'ogive.

L'avant-dernier militaire à entrer fut accompagné d'un coup de pied au derrière du meneur du groupe, qui disparut à son tour, dans un grand claquement de portillon.

Le départ tout en discrétion de notre escouade avait arraché un haussement de sourcils à Fen.

— Enfin, soupira-t-il en se recomposant un visage placide. Tout cela pour dire, Lyruan, qu'en tant que membre de Grande Famille, vous auriez légalement droit à un territoire.

— Ça ne m'intéresse pas.

— Je m'en doute. Le privilège des Sommets n'est pas donné à tout le monde, vous auriez tort de vous en défaire.

Pleh bougonna. Le menton rentré dans son plastron, il avait à peine pointé le bout des sandales hors de la galerie.

Je ne savais pas ce qui lui prenait depuis tout à l'heure, mais il ne semblait pas d'humeur à recevoir des questions. Pour lui changer les idées, je repris la marche.

— Tu... Vous... Tu me penses privilégiée parce que j'habite dans une rafale perpétuelle ? murmurai-je à Fen, en furetant aux fenêtres que nous longions.

— Le château ne trône pas là-haut par hasard, ma chère. Plus loin se trouvent les Bas-Quartiers, mieux se portent les esprits.

Redoublement d'exaspérations derrière nous. Tendue, j'alternai les coups d'œil sur Pleh, quand je surpris Fen à faire de même. Mon camarade à l'anneau semblait guetter une réaction du bouclé.

— Nous sommes loin des Poulies ? m'empressai-je de demander.

— Pensez-vous réellement que nous les atteindront dans la journée ?

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