Chapitre 42 - Délires

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— Vous avez meilleur appétit.

Adaline déposa le bol sur ses jambes.

— Je me force.

— Allons, vous mangez le meilleur de Van-Ameria. Ne faites pas votre plume sensible.

Je débarrassai. Sa main froide frôla la mienne, nous arrachant un sourire complice.

Comme toujours, la Garde Royale attendait derrière la porte. Je remis le bol vide à une armure docile, avant de refermer les portes.

J'étais encore de dos quand je le perçus. Un début de râle s'extirpait de la pièce, un sifflement insidieux, qui résonna à mes oreilles comme la plus cinglante des cornes de brume.

En deux bonds, je me trouvai près du lit.

Adaline se tordait de douleur.

— Votre Altesse, inspirez, essayai-je.

J'entendais la panique camouflée dans ma voix.

— Ce... vous... murmura-t-elle.

Ses doigts se déplièrent dans ma direction.

— Votre main.

Je la lui donnai. Elle la serra, ce fut à peine si je sentis une pression.

— J'appelle la Garde ?

En sueur, elle fit « non » de la tête.

— Ça sera comme les autres fois, assurai-je. Ça passera. Je suis avec vous, Votre Altesse.

Son sourire forcé me fit chaud au cœur.

— Lyruan. Je... Je...

Ses yeux s'illuminèrent.

— Je te déteste.

Un horrible frisson remonta le long de mon échine.

— Pardonnez-moi... ?

— Je te hais.

Elle plantait ses ongles dans ma peau. Elle parvenait à me faire mal.

— Que se passe-t-il, Adal...

— Tu as condamné ma vie.

Ses iris s'embrasaient. La pièce s'emplissait de vagues d'une lueur familière. Je ne l'avais jamais perçue comme une menace, mais...

— À la Garde ! hurlai-je.

— Tout est de ta faute. De ta faute.

Les Gardes déboulèrent dans la pièce. En un instant décisif, ils entourèrent la princesse et la firent lâcher ma main rougie. On me poussa en arrière. Une énergie ardente fondit aussitôt dans mon corps.

Je n'en revenais pas. Elle tentait de m'immobiliser. Moi.

Adaline s'était transformée en furie.

— Je te hais ! cria-t-elle.

Elle se débattait dans son lit. Les armures tentaient de la calmer, posaient leurs mains gantées sur ses bras. Des torrents de larmes dévalaient ses joues creuses.

— Je te hais, je te hais, je te hais !

— N'en tenez pas rigueur à notre Grande Détentrice.

Un Garde me parlait.

— Son Altesse doit reprendre ses esprits. Patientez hors du dôme, si vous le souhaitez.

J'opinai distraitement. Ce fut tout ce que je parvins à faire.

L'Angevert | L'INTÉGRALEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant