Aylin
« Euh... C'est...C'est Alec. Il... Il m'a envoyé l'adresse de ta grand-mère par message ».
Sa réponse tourne en boucle dans ma tête depuis quelques jours. Une partie de moi n'est pas satisfaite par cette excuse. Comme lors d'une greffe d'organe raté, mon corps rejette cet argument. Pourtant, lorsque j'ai demandé à Alec si tout cela était véridique, bien qu'il a hésité un instant, il m'a confirmé les dires de Miller.
Alors quel est ce sentiment qui me tiraille de l'intérieur ?
Je ne devrais pas lui accorder autant d'attention, c'est un imbécile après tout. Mais comme un chewing-gum collé à ma chaussure, je ne peux me défaire de lui. C'est un... parasite.
C'est ça, un putain parasite qui envahit chaque parcelle de mon esprit.
Depuis que je l'ai rencontré, il ne m'arrive que des ennuis. Rien n'est normal avec lui. Les émotions qui me traversent en sa présence sont démultipliées par cinq. Il agit comme un concentrateur sur mon organisme, ciblant un sentiment pour qu'il prolifère en moi jusqu'à l'implosion.
J'ai horeur de sa voix pleine de sous-entendue, je hais le bruit de sa respiration comme s'il maîtrisait sans cesse la situation, je déteste son parfum amer qui me pique les narines. Et, plus que tout, j'exècre sentir sa peau sèche entrer en contact avec la mienne.
Tout, je déteste tout chez lui.
Je le hais. Je le hais tellement.
Et pourtant, les paroles qu'il a prononcées le jour de la rentrée, avant que je gâche tout, tournent en boucle dans ma tête.
« Je pense que tu te trompes. Peut-être que pour toi, on naît seul. Mais le but d'une vie n'est-il pas de trouver la personne dans les bras de laquelle on veut mourir ? »
À ce moment-là, j'étais aveuglé par ma rage contre les hommes, ma rage contre la trahison, ma rage contre Louis.
Si j'avais su maîtriser mes émotions, peut-être que je ne me serais jamais retrouvé dans cette situation. De toute façon, maintenant c'est fait. On ne peut pas changer le passé, je le sais mieux que quiconque.
Je suis sur le chemin pour rentrer à la maison au bras d'Alec quand soudain, il se plaint :
— Oh, mais ça suffit maintenant ! geint-il exaspéré. Je n'en peux plus de ces couples qui se tiennent la main à tout bout de champ et qui s'embrassent tel des escargots.
J'éclate de rire suite à sa remarque inattendue. Du Alec craché ça. Tout à coup, un pincement me prend au cœur. Des souvenirs déferlent en moi telles les vagues d'un tsunami, des souvenirs douloureux qui menacent de me noyer de l'intérieur.
Mon sourire s'efface petit à petit, laissant place à la tristesse. Pour autant, j'essaye de garder la face. Hors de question qu'Alec remarque que ça me manque. Que sa main dans la mienne me manque. Qu'il me manque. J'ai beau tout faire pour passer à autre chose, je n'y parviens pas.
Pourquoi est-ce que c'est aussi difficile pour moi de l'oublier ?
Ça fait plus de deux ans et demi maintenant. Il est temps que je tourne la page. Mais c'est comme si la page refusait de se laisser faire. Comme si je n'étais pas encore prête.
Après tout, on n'oublie pas une personne qu'on voyait chaque jour pendant dix ans du jour au lendemain. Même si parfois, j'aimerais que l'on puisse effacer nos souvenirs à partir d'un bouton. Même ceux qui sont heureux, car en réalité, ce sont eux qui me font le plus souffrir.
Ils me rappellent ce que j'ai perdu. Qui j'ai perdu.
— En vrai, je suis un peu jaloux, avoue Alec, plus sérieux que jamais. Moi aussi j'aimerais avoir quelqu'un à qui tenir la main.
VOUS LISEZ
BLINDLY
RomanceOn dit que l'amour est aveugle, mais est-ce réellement le cas ? Aylin a bientôt vingt ans et s'il y a bien une chose qu'elle a du mal à faire, c'est ouvrir son coeur. C'est arrivé une seule fois auparavant. Pour Louis, ce garçon renfermé pour qui el...