Retrouver un être-cher (1/2)

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« On ne guérit d'une souffrance qu'à condition de l'éprouver pleinement. »
-               Marcel PROUST

Aller de l'avant. Il est impossible de changer le passé, mais il est possible en revanche de décider d'aller de l'avant et de construire un meilleur avenir. Dans la vie, après les épreuves difficiles, il faut toujours aller de l'avant et avancer. C'est en regardant vers l'avenir que l'on peut trouver la force de surmonter les épreuves du passé. La mort de mon mari était l'événement le plus bouleversant et secouant de ma vie, mais je m'étais jurée d'aller de l'avant. Après la perte tragique de mon mari, j'ai d'abord été noyé par la douleur et le chagrin, comme un bateau à la dérive au milieu d'un désert d'eau. Les jours semblaient infinis et longs sans lui à mes côtés. Mes jours étaient toujours marqués et rythmés par des vagues d'émotions intenses, les larmes et les hurlements. Mais peu à peu, j'ai réalisé que je devais trouver un moyen de faire face à cette perte immense pour pouvoir continuer à vivre. Les moments heureux que nous avions partagés me permettaient de tenir bon en me disant que j'avais été heureuse à ses côtés.
Toujours assise dans son fauteuil, je m'étais promis que j'irais de l'avant. Je me lèverai en profitant de la beauté de la vie, en faisant un petit pas en avant dans ce monde. Le passé est le passé, et le passé est impossible à réécrire. Aller de l'avant paraît insurmontable, mais, dans la vie, il faut s'y résoudre. Je trouverai du réconfort et de l'apaisement dans les gestes simples de la vie quotidienne. Plutôt que de me laisser inonder par le passé, je regarderai vers l'avant afin de construire un avenir pour honorer la mémoire de mon mari.
Il m'avait tant appris, donc, je voulais honorer les leçons qu'il m'avait apprises. Je concentrerai ma vie au service des autres, comme l'aurait voulu Adam. Je m'impliquerai de mon mieux dans le but de rendre la vie plus facile à autrui. Il me fallait guérir. Pour guérir, il me fallait changer d'air. Je décidai de partir et de prendre un nouveau départ dans une nouvelle ville autre que marseille. En annonçant cette décision, beaucoup ne pouvaient comprendre pourquoi. Alors, en allant voir mon concierge pour payer mon dernier loyer, il me regarda avec un air étonné :
— Madame Auberivière. Vous savez que j'ai beaucoup de respect et d'estime pour vous. Vous avez toujours payé les loyers en heure et vous êtes une bonne locataire. Toutefois, je ne comprends pas votre décision. Pourquoi faites-vous cela ?
— Vous n'avez pas à comprendre mon choix. Mon choix est mon choix. Ma vie n'a pas à être comprise par les autres.
— Est-ce pour oublier votre mari ?
Tandis qu'il évoquait mon mari, une image de lui apparut face à mes yeux. Son rire, son sourire, ses yeux, ses cheveux... Je sentis mon cœur se décomposer et se déchirer petit à petit.
— Je dois faire mon deuil, monsieur. C'est ce qu'il aurait aimé que je fasse.
— En êtes-vous sûre ? Pensez-vous qu'il serait fier de vous ?
Serait-il fier de moi ? Je l'ignore...
— En tout cas, je l'espère et je le souhaite de tout mon cœur. Je veux juste essayer d'aller de l'avant. Il n'aurait pas voulu que je sois chagrinée de cette manière.
— Pensez-vous que partir est le seul moyen de faire votre deuil ?
— Écoutez, Monsieur. Cette ville me remémore énormément mon mari. C'est ici que je l'ai connu, ici que je l'ai épousé et c'est ici que je l'ai enterré. Seriez-vous capable de rester dans une ville où tous vos souvenirs ont été vécus avec votre mari ?
Il se tut instantanément. Il marmonna quelque chose d'incompréhensible à travers sa moustache grise et blanche en se grattant la tête :
— Oui. Je comprends. Merci d'avoir payé votre dernier loyer. Je mettrai l'appartement en location dès votre départ.
— Je partirai d'ici à la semaine prochaine.
— Où comptez-vous vous installer ?
— Ne vous inquiétez pas pour cela.
La ville dans laquelle j'avais décidé d'aller de l'avant était Grasse. Ma décision avait été prise sur un coup de tête puisque ma mère y demeurait. J'avais hâte de la retrouver et de lui annoncer mon arrivée. J'étais arrivée à Grasse en début de soirée, lorsque le soleil se couchait.

En arpentant les rues, je vis que la cité n'était pas si différente de mon ancienne ville. Il ne s'agissait pas d'une ville portuaire, ce qui me laissa un peu perplexe et perdue lors de mon arrivée, car je ne voyais ni de plages pittoresques, ni de mer aussi bleue que le ciel. Cependant, la beauté des montagnes et la richesse de l'histoire de la ville offraient une tout autre expérience à celle que j'avais déjà vécue auparavant.
Ma mère avait décidé de venir s'y installer pour oublier la mort de mon père, survenue quelques années jadis. Grasse représentait une ville ordinaire comme les autres, probablement, car je venais seulement d'arriver. Les enfants ressemblaient à ceux de mon ancienne ville : ils s'amusaient avec oisiveté et naïveté malgré la chaleur extrême. Le mois d'août venait de débuter. Les rues étaient animées par des vendeurs ambulants et les discussions joyeuses des habitants se mêlaient aux chants des femmes âgées. Tout semblait familier, et pourtant, il y avait quelque chose de différent dans l'air, un parfum différent. Il n'y avait plus d'odeur d'épices. Au contraire, je sentais un air pur et frais de renouveau. J'avais été élevée par mes grands-parents à marseille depuis mon plus jeune âge pour des raisons que j'ignorais. Je n'avais donc jamais connu ma mère.

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