31 - Un moment de calme

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      Lucile parle un peu du « patron » que Max lui a décrit, elle croit son fils dans une entreprise commerciale parfaitement banale, avec un poste de cadre moyen que sa débrouillardise lui a procuré. Elle est fière de son ascension sociale.

    — Et Maxime est tellement gentil, il me donne une forte somme tous les mois !

    — C'est le moins que je puisse faire, rétorque Max. Tu t'es saignée aux quatre veines pour Jeanne et moi.

    Il a l'air mal à l'aise, il baisse le nez dans son assiette et pousse ses légumes du bout de la fourchette. À cet instant, ses mensonges semblent lui couper l'appétit.

    — Nous avons toujours été forts ensemble, n'est-ce pas, Maxime ?

    — Oui, maman, absolument.

    Voilà qui sonne en écho avec ma propre famille. Je souris, attendrie. J'ai une soudaine envie de lui prendre la main.

    Hors de question. Je me retiens fermement.

    — Ton père aurait été fier de toi, ajoute Lucile.

    Cette phrase est accueillie dans un silence glacial. Max hausse les épaules.

    — Rien n'aurait pu produire ce miracle, tu le sais bien !

    — Il n'empêche ! dit Lucile. S'il te voyait aujourd'hui, il serait fier.

    — Ton mari était un salopard. Tu ferais mieux de l'oublier.

    Je réprime un frisson de malaise. Lucile ne réagit pas. Max se lève.

    — Viens, Tess, allons faire un tour.

    Il me tend la main. Il a un air tellement volontaire que je ne peux refuser. Je lui donne ma main et je me lève pour le suivre avec un sourire d'excuse à Lucile. Elle me sourit en retour et me fait un signe « Va ».

    Pour la première fois, je vois bien où je me trouve. La maison de Lucile est située au flanc d'une colline boisée. Elle arbore une couleur rose cuite par le soleil. Devant s'étend une terrasse pavée de dalles irrégulières. Il y a un petit jardin sur le côté. J'y vois des rosiers, et une glycine qui grimpe le long d'un arbre. A la saison de la floraison, elle doit être magnifique.

    Max sort du jardin et nous nous éloignons de la petite maison en suivant la route en lacets qui nous a conduits jusqu'ici. Nous sommes vraiment loin de tout. Même les plus proches maisons sont suffisamment éloignées pour qu'on ne devine que leurs toits au loin. C'est la traditionnelle garrigue qui constitue la majorité de la végétation. De petites fleurs forment de jolies taches de couleurs, parsemées sur le vert, mais je ne connais le nom d'aucune d'entre elles.

    — Ta sœur s'appelle Jeanne ?

    — Oui.

    — Je la verrai ?

    — Oui, sauf si ma mère la fiche dehors au premier mot. C'est déjà arrivé.

    Je m'abstiens de faire des commentaires. En fait de famille, je sais bien que chacun a sa croix à porter.

    — Tu as toujours vécu ici ?

    Je me dis que sa vie ne devrait pas m'intéresser, mais c'est plus fort que moi.

    — Non, répond Max. On vivait à Marseille, dans un quartier pourri. Maman rêvait de la campagne. Après la mort de mon père, on a déménagé ici. C'était mieux pour elle.

    — Qu'est-ce qui est arrivé à ton père ?

    — Elle ne t'a pas dit ?

    — Non.

Que vengeance soit faite (terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant