35 - Frustration croissante

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    Max aide sa mère au jardin, pendant que je passe un coup de balai dans les pièces intérieures, sur mon insistance. Lucile a l'habitude de vivre seule, et deux invités d'un coup perturbent son quotidien. Nous nous efforçons de lui donner le moins de travail possible.

    Je regarde Max interagir avec sa mère. Il l'aime énormément, c'est évident. Il est gentil et prévenant. J'étais restée sur l'idée qu'il était un homme violent, impulsif. Or il ne l'est pas en compagnie de sa mère. Il fait même preuve d'une douceur surprenante. Il existe un autre Max, comme je le constate. Il m'a montré cette autre facette quand j'ai piqué ma crise d'angoisse.

    Il protège sa mère, je le comprends à présent. Il ne lui a pas dit qu'il a assassiné le bourreau qui lui tenait lieu de mari. Il ne lui a pas dit qu'il travaillait pour la mafia, ou du moins un gang de criminels. Il ne lui a pas dit tous les risques qu'il prend ni ce qu'il manigance avec mon aide.

    Tous les jours, il disparaît quelques heures au volant de sa voiture. Se rend-il à Marseille ? Surveille-t-il Serrone et Berettini ? J'hésite à poser des questions, redoutant de ne pas aimer les réponses.

    Ce jour-là, son absence a duré un peu plus longtemps que d'ordinaire, et j'ai frôlé une nouvelle crise d'angoisse, m'imaginant que Max a été abattu dans une rue et que je ne le reverrais jamais. Quand il s'est garé devant la maison, j'ai failli le traiter de tous les noms. En plus, je veux retrouver Ariane et ma mère. Je suis responsable d'elles, je ne peux pas passer ma vie au fin fond du Verdon.

    Je me suis retirée dans ma petite chambre étroite sitôt le dîner achevé. Ma nervosité n'est pas vraiment retombée. Max m'a suivi, ce qui me hérisse. Je lui annonce fermement :

    – Je ne peux plus rester là. Je dois rentrer à Marseille.

    Max secoue la tête.

    – C'est trop tôt. Flavia m'a dit que les hommes de Serrone traînent autour de ton appartement, mais je n'ai pas confirmation.

    – Comment pourrais-tu avoir une confirmation en restant chez ta mère ?

    – J'ai mes sources, réplique-t-il sèchement.

    Cela explique sans doute ses absences quotidiennes. Je soupire avec lassitude.

    – J'ai besoin de retrouver Ariane et m'assurer qu'elle va bien.

    – Tu lui parles au téléphone.

    – Ce n'est pas pareil !

    Max me regarde comme si j'étais une enfant déraisonnable en plein caprice.

    – À mon avis, c'est encore dangereux de revenir à Marseille. Dangereux pour nous deux.

    – La récolte des preuves ne risque pas d'avancer si nous restons planqués à la campagne, protesté-je. Nous ne pouvons pas rester éternellement chez ta maman en faisant semblant d'être un couple !

    – Tu fais très peu semblant d'être en couple ! riposte Max avec humeur. Ça ne doit pas te coûter beaucoup !

    – Nous ne sommes pas en couple ! Et je ne veux plus rester là !

    – Je répète, c'est trop tôt ! Je dis ça pour ta sécurité.

    Max affiche un air très sûr de lui et très dominateur. Je sens mon irritation monter à toute vitesse.

    – Nous avons un objectif : faire tomber Serrone. Rester dans cette maison ne nous en rapproche pas !

    – Tu t'ennuies tellement ? Ça te manque de ne plus te faire tirer dessus ? interroge-t-il, ironique. Je ne serai pas forcément là pour te sauver la vie, la prochaine fois !

Que vengeance soit faite (terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant