16 - Les constatations d'usage

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      Avertissement: mention de crime

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 Max me regarde en fronçant les sourcils, comme s'il lisait dans mes pensées.

     — Tu veux arrêter ?

     — Non.

     Je suis fière de ma voix ferme. Non, je ne veux pas arrêter, ni courir me réfugier chez moi et me cacher sous les draps. Je vis plus ou moins comme ça depuis quatre ans, je n'en veux plus. Pourtant, ce n'est pas facile pour moi de me retrouver face à ce corps, qui était une femme bien vivante avant. Soledad Da Silva. Jamais je ne parlerai avec elle. Et c'est le premier corps que je vois d'aussi près. Avant, j'avais été tenue à distance comme tous les badauds, à des mètres derrière un ruban jaune.

     Pas de ruban jaune ici. Je suis en plein dans la scène de crime.

     — Puisqu'elle ne peut plus parler, raconte-moi, Max.

     — Le juge Henri demandait beaucoup plus d'argent alors j'ai reçu l'ordre de l'éliminer, sans attirer l'attention de la police. J'ai espionné sa vie, j'ai noté ses habitudes, mais il était toujours entouré, toujours protégé. Le seul endroit possible, c'était sa propre maison. J'ai donné de l'argent à Soledad, assez pour qu'elle s'achète cette ferme isolée. Elle m'a fait entrer le soir du 2 décembre. Le juge n'était pas encore rentré. Je me suis caché dans le cellier. Je voulais l'étouffer dans son sommeil, d'abord. Puis j'ai vu qu'il se faisait couler un bain. C'était encore mieux.

     Max a une voix très calme, sans émotion apparente. Il décrit ce qui s'est passé, voilà tout. Il ne prend pas de plaisir au souvenir du meurtre. J'avais raison, tout à l'heure. Au fond, il n'est pas fier de lui.

     Je ne connais rien de sa vie, mais je sais déjà qu'elle est un véritable gâchis.

     — Je suis entré quand il était dans la baignoire, poursuit-il. Il a eu le temps de crier, mais il n'y avait que Soledad dans la maison. Personne pour venir à son secours. J'ai enfoncé sa tête dans l'eau. Cela a pris plusieurs minutes. Je croyais que ce serait plus rapide. Je n'avais jamais fait ça avant, et dans les films, c'est toujours tellement rapide. Après, son corps est resté au fond de la baignoire. J'ai essuyé les éclaboussures, pour qu'on ne voie pas les traces de lutte. Je me souviens qu'il n'y avait plus aucun bruit, j'entendais même le bourdonnement de la chaudière...

     Max s'interrompt et il est secoué par un frisson. Je vois passer une émotion furtive sur son visage. Du remords ? C'est si rapide que je ne peux en être sûre.

     — ... et ça a été classé comme noyade accidentelle. Serrone était content. Soledad a quitté Marseille. Mais je n'ai plus de preuve à te montrer.

     — Inutile, je te crois.

     Comment aurais-je pu douter de ce récit glaçant ?

     — Je vais appeler la police, dis-je finalement.

     Je recouvre ma lucidité, je sors de cette ambiance étouffante.

     — À quoi bon ?

     — Je vais appeler Mallard. C'est une scène de crime importante. Des membres de gangs ont tué une femme qui en savait trop. C'est un élément au dossier. Je vais expliquer tout ça à l'inspecteur. Je ne dirai rien de ta présence, je prétendrai être arrivée après.

     — Et moi ? demande Max

     — Toi, tu ferais mieux de filer d'ici.

     Max hoche la tête, non sans avoir lancé un regard presque désespéré à la femme morte.

Que vengeance soit faite (terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant