33 - Le début de la vérité

254 42 95
                                    

    Jeanne se penche soudain vers moi et me donne un baiser sur la joue.

    — Je suis très contente de te connaître. La dernière fille que j'ai rencontrée s'appelait Flavia. Elle m'a regardée comme si j'étais un déchet humain.

    — J'ai rencontré Flavia, elle regarde tout le monde comme ça.

    Jeanne rit et ajoute :

    — J'espère que Max saura te garder le plus longtemps possible ! Je te reverrai, Tess ?

    — Je ne sais pas si je reste longtemps. Mais peut-être bien.

    — Tant mieux. À plus !

    Et elle sort après avoir échangé deux mots, pas davantage, avec sa mère. Je ne peux retenir un sourire. Quelle drôle de fille, quelle drôle de vie. Mais elle est pétillante et ne semble nullement abîmée. Comment est-ce possible ?

    Je rejoins Lucile et je propose mon aide pour la vaisselle qui se fait à la main dans cette étroite cuisine. Lucile me sourit en acceptant. Ni elle ni moi ne mentionnons Jeanne. Puis Lucile part pour aider « ses anciens » comme elle les appelle, et elle me laisse seule pour quelques heures. Je lui demande, comme une faveur, si je peux faire quelque chose dans son jardin, en l'attendant.

    Max revient quelques heures plus tard. Il me trouve accroupie dans le jardin, en train de désherber et de faire des plantations. Il lève les sourcils. Je lui souris.

    — Un jardin, c'est génial ! Ça me change tellement !

    — De la rue d'Aubagne, certainement.

    Je mets les mains dans la terre avec un certain plaisir. Jusque là, mes contacts avec la nature s'étaient bornés à acheter des fleurs pour Mélina et arpenter les parcs marseillais le dimanche. Je sens sur moi le regard de Max, il a certainement des sujets délicats à aborder.

    — Tu as des nouvelles d'Ariane ? demande-t-il d'abord.

    — Elle est en cours jusqu'à dix-sept heures. Je l'appellerai après.

    — Tu connais son emploi du temps par cœur ?

    — Évidemment, c'est ma sœur !

    — À propos de sœur, qu'est-ce que la mienne t'a dit ?

    — Tout ce qu'il y a à savoir.

    Max devient blafard. J'éclate de rire.

    — Relax. Elle est adorable.

    — J'aurais voulu que tu ne la rencontres jamais...

    — Pourquoi, à cause de son métier ? Elle a l'air bien dans sa peau et très heureuse. Beaucoup plus que moi, quand j'y pense.

    Max me regarde par en dessous, comme s'il cherchait à débusquer un mensonge.

    — Tu n'es pas choquée ? Tu ne veux pas partir d'ici séance tenante en hurlant contre notre milieu corrompu ?

    — Je suis sous le choc mais pas choquée. Elle m'a donné une belle leçon et j'en avais besoin. Moi, et mes préjugés de classe moyenne.

    Max soupire :

    — Au moins, tu sais pourquoi jamais je ne ferai du trafic de femmes. Jamais je ne forcerai qui que ce soit à faire... ça.

    — Je te crois. Mais tu n'as pas peur pour elle ? Elle pourrait tomber sur un détraqué.

    – Bien sûr que j'ai peur. Je garde un œil sur elle comme je peux. Mais surtout, ne lui dis pas, d'accord ?

    J'acquiesce, mais je me tais car Lucile revient : elle gare sa voiture dans l'allée. Ce n'est plus le moment de parler des occupations de Jeanne, ni de celles de son frère, d'ailleurs. Max se penche vers moi et murmure au creux de mon oreille :

Que vengeance soit faite (terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant