6 - La maison n'est pas un refuge

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    Je rumine mon inquiétude d'être suivie alors que Mallard me regarde du coin de l'oeil. Un policier paraît dans l'entrebâillement du bureau.

    — Inspecteur Mallard, on a eu l'autorisation pour la perquis' de Charbonnier !

    — J'arrive ! dit Mallard, déjà debout.

    Il met sa veste et me jette un coup d'œil indécis.

    — Une perquisition. Tu veux venir ?

    — Oh oui !

    En une seconde, j'ai retrouvé mon entrain. Cela fait sourire Mallard, qui m'emmène jusqu'à sa voiture banalisée. Nous n'allons pas loin, l'adresse est dans le centre. Au pied de l'immeuble, nous retrouvons toute une équipe de policiers, ainsi que les deux enquêteurs qui travaillent sur l'affaire. Il y a eu un Charbonnier, en Alsace, qui était un tueur en série, mais je me doute bien que ce n'est pas aussi important aujourd'hui. Je regarde autour de moi avec intérêt, mais Mallard douche mes espoirs en disant :

    — Toi, tu attends en bas.

    Déçue, je murmure :

    — Bien sûr. Mais vous me raconterez ?

    Je reste donc au pied de l'immeuble. Les policiers montent. On entend de l'agitation dans l'immeuble à travers la porte restée ouverte. Il y a bientôt quelques badauds autour de moi, attirés par le bruit et les véhicules de police.

    Je suis sur les charbons ardents. Pourtant, je sais que les perquisitions donnent rarement des résultats éclatants. Il est très rare de tomber sur des cachettes d'armes, ou de stupéfiants, ou des listes de complices. Les criminels ou les mafieux sont quand même plus intelligents que ça. Sans compter que ce Charbonnier est du menu fretin...

    Pourquoi fais-je une fixation sur la mafia ? Parce que Marseille en est infectée. Même tout le pays est au courant, aujourd'hui.

    À nouveau, j'ai l'impression que quelqu'un m'espionne, ou du moins me fixe. Je me retourne, mais je ne vois personne en particulier. Je passe la bandoulière de mon sac autour de mon torse. J'entends des cris, stridents et proches. Je me rapproche de l'entrée de l'immeuble.

   C'est alors qu'une voix dit, toute proche de moi :

    — Attention, Tess.

    Saisie, je veux me retourner. Je n'en ai pas le temps.

    Jaillissant de l'immeuble où sont montés les policiers, un homme déboule sur le trottoir et fonce droit sur moi. Je pense fugacement « Charbonnier ».

    Deux bras m'entourent par-derrière et me tirent hors de la trajectoire de l'homme. Celui-ci s'enfuit sans m'avoir percutée, sous les regards des passants immobiles. Deux policiers surgissent pour se lancer à sa poursuite.

    Je reprends mes esprits, tenue bien serrée contre la poitrine d'un inconnu. Celui-ci m'a évité une chute violente. Je me retourne et je vois d'abord sa veste et sa chemise. Je lève les yeux, car il me domine de sa haute taille. Ébahie, je reconnais le jeune homme de la veille, celui qui m'a rendu mon sac après avoir rattrapé et frappé le voleur.

    — Mais..., ai-je balbutié, trop abasourdie pour une phrase cohérente.

    Que fait-il là ? Pourquoi m'aide-t-il encore ?

    Est-ce qu'il me connaît ? Ou est-ce qu'il me suit ?

    Les questions se bousculent encore dans ma tête quand le jeune homme me lâche et tourne les talons. En une seconde, il est déjà loin.

Que vengeance soit faite (terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant