Chapitre 10 : un avertissement des plus sérieux

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- Je ne peux te cacher ma déception, Gabriel.

L'intéressé baissa les yeux au sol, comme un élève grondé par son professeur. En présence d'Emmanuel Macron, Gabriel se sentait toujours comme un enfant pris sur le fait, et plus encore lorsque le Président lui faisait des reproches. Il savait que le mieux était de se taire et de tenter de se justifier par la suite, et surtout de ne pas interrompre le Président pendant qu'il parlait.

Sa relation avec l'homme était déjà fragile depuis la dissolution de l'Assemblée nationale, mais Gabriel savait pertinemment que ce scandale médiatique allait détruire le moindre lien amical qui subsistait encore entre eux. Emmanuel Macron lui avait toujours accordé une confiance aveugle, mais son attitude face à la crise des agriculteurs ces derniers mois et leurs disputes concernant le sort du pays à la suite des élections Européennes avaient créé une distance entre eux, et, désormais, le Premier Ministre n'était même pas sûr de pouvoir compter sur le soutien de son mentor s'il se présentait à la tête du parti, en novembre.

Cela l'attristait fortement. Autrefois, ils étaient d'excellents amis, et des politiciens en tout point semblable. Combien de diners Stéphane, Brigitte, Emmanuel et lui avaient-ils organisés durant des années ? Combien de discussions passionnées avaient-ils tenues dans ce même bureau ? Combien de conseils et d'encouragements s'étaient-ils donnés mutuellement ? Combien, pour au final terminer comme deux étrangers l'un pour l'autre ?

- Tes actions sont catastrophiques pour ces élections, qui ont lieu aujourd'hui même. Le RN était déjà majoritaire, mais là, c'est le coup fatal pour nous.

Une image de Jordan Bardella s'imposa dans son esprit. Se réjouissait-il de la diffusion de ces photos, même s'il lui avait assuré du contraire au téléphone ? Et dire que le Premier Ministre lui donnaient ses encouragements pour ce grand jour pas plus tard qu'hier... S'il avait su...

- J'attends que tu m'expliques ce qui t'est passé par la tête en passant du temps en compagnie de Jordan Bardella, Gabriel.

Gabriel réfléchit à plein régime sur ce qu'il allait dire au Président. Il ne pouvait pas tout lui dévoiler, mais pouvait très bien lui dire une partie de la vérité tout en dissimulant ses sentiments par rapport à ses rendez-vous avec Jordan, à savoir qu'il les avait fortement appréciés. Il répondit d'une voix qu'il espérait confiante :

- La première soirée, dans ce bar, c'est Jordan qui l'a provoquée : il s'est fait passer pour un journaliste qui voulait m'interroger. Quand à la deuxième rencontre, je l'avais moi-même convoqué - sans avoir vu que notre soirée avait fuité sur Internet, ajouta-t-il précipitamment devant l'air mécontent du Président, pour lui ordonner de ne diffuser pas cette soirée aux tabloïds. Chose qu'il n'a d'ailleurs pas faite, les journalistes nous ayant photographié l'ont fait de leur plein gré.

Gabriel ne savait pas exactement pourquoi, mais il s'était senti obligé de préciser que Jordan n'avait rien à voir avec la fuite de ces images. Après tout, pourquoi aurait-il pris le risque de discuter avec un membre de centre-droit s'il avait su qu'ils étaient observés ?

- Et ensuite, nous avons...continua-t-il mais Emmanuel Macron l'interrompit d'une voix agacée :

- J'en ai assez entendu, Monsieur Attal. Je vous interdit de repasser du temps en compagnie de Monsieur Bardella. Et si, par malheur, vous désobéissez, je serais dans l'obligation de vous virer, pour le bien de notre parti, même si cela me ferait tout sauf plaisir. Prouvez-moi que je peux encore avoir confiance en mon Premier Ministre et prouvez-le aussi aux Français et Françaises. Le RN ne peut pas passer dimanche prochain. Débrouillez-vous pour que ça n'arrive pas et, par pitié, sortez-vous du bourbier dans lequel vous venez de vous fourrer.

La Réforme de notre Amour ( Attal X Bardella)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant