Chapitre 6 : Une déconnexion des plus dangereuses

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Flash Back

Jordan se dirige droit vers le but, la détermination plein les yeux et, sous les regards enragés et les encouragements déchaînés des supporters, place le ballon dans le goal adverse avec force, devant un gardien médusé. La foule hurle et le jeune footballeur est acclamé par les membres de son équipe. On le prend sans les bras, on l'embrasse, on le félicite. Jordan se ne rend pas bien compte de qu'il est en train de vivre mais il sait qu'avec son talent, son avenir sera grandiose.

Une fois que son entraîneur lui permet de quitter le terrain quelques minutes pour se mettre à l'abri des hurlements hystériques de la foule, il va se reposer dans le vestiaire. Il enlève son t-shirt imprégné de transpirarion et essaie de calmer sa respiration laborieuse.

- Quand tu deviendras célèbre, j'aurai des places VIP dans les stades que tu rempliras ?

Un sourire se dessine sur les lèvres de Jordan sans même qu'il ait besoin de se retourner. Il se retourne et prend son meilleur ami dans les bras. Il le fait tournoyer dans les airs et Gabriel rit aux éclats en lui hurlant gentiment de le reposer sur le sol. Il le relâche et observe son ami, qu'il n'a plus vu depuis presque deux mois : ses cheveux ont poussé et lui donne un air plus aventurier, rebelle. Bien qu'il soit le plus âgé des deux, Jordan reste plus grand que Gabriel, bien que celui-ci ait un peu grandi durant les vacances. Il remarque également que Gabriel est plus sérieux qu'avant et qu'un voile de tristesse masque ses beaux yeux bruns dans lesquels Jordan s'est s'y souvent plongés. Il se demande si c'est le collège qui arrache la gaîté et le bonheur aux enfants. Si c'est le cas, il ne souhaite pas devenir un étudiant tout de suite.

Gabriel de dégage des bras de son ami et le jauge à son tour. Son regard bute sur son torse à découvert avant de revenir à ses yeux. Il sent le rouge lui monter aux joues à la pensée que son ami l'ait surpris en train de l'observer de la sorte. Gabriel ne faisait jamais ça avant, et il est persuadé que son comportement est dû au Petit Monstre qui, après deux mois passés loin de Jordan, hurle plus fort que jamais à Gabriel de lui parler de ses sentiments. 

  Jordan, quand à lui, sent une tension entre lui et son ami. Elle était déjà présente avant les vacances d'été, mais elle prend encore plus de place aujourd'hui, et le serment qu'ils se sont fait sur une poignée de main dans son jardin ne semble pas les avoir pas empêché de garder des secrets à l'abri l'un de l'autre.

  Étrangement, le regard de la star du jour dérive vers les lèvres du plus âgé et il sent que poser ses lèvres sur les siennes parviendrait peut-être à recoller les morceaux brisés de leur amitié. Doucement, lentement, les deux amis se penchent l'un vers l'autre. Ils sont désormais si près qu'ils peuvent sentir leurs souffles et entendre leurs coeurs affolés battre de concert. Alors qu'ils s'apprêtent à échanger leur premier baiser, la porte du vestiaire s'ouvre dans un claquement et les membres de l'équipe de Jordan entrent bruyamment.

Gabriel et Jordan s'écartent instantanément, espérant que personne ne se doute de ce qui a failli se produire. Gabriel rougit et tente de croiser le regard de Jordan, qui reste pourtant obstinément rivé au sol. Ses amis s'approchent de lui et prennent Jordan dans leurs bras, mettant Gabriel de côté.

- Tu traînes encore avec ce pédale ?, dit l'un d'entre eux.

- Tu nous avais pas dit que tu voulais te débarrasser de lui ?, continue un autre.

- Fréquenter des PD, c'est pas bon pour ta carrière, Jordy, termine un des joueurs.

  Chaque insulte résonne comme un coup de poignard dans la poitrine de Gabriel. Il ne connait pas la signification de tous les mots qu'ont employé les pré-ados mais il se doute, à leur manière de les prononcer, que ce n'est quelque chose de bien. Il sent les larmes lui monter aux yeux et aimerait disparaître sous terre pour éviter cette humiliation. Il regarde une dernière fois Jordan, qui daigne enfin à soutenir son regard, et sent l'amère goût de la trahison se répandre dans son coeur. Il sort en courant du vestiaire, ses larmes se mêlant au restes de son coeur brisé.
 
  Jordan se réveilla en sursaut, la sueur perlant le long de sa colonne vertébrale. Il ne faisait pas souvent de cauchemars mais, quand cela arrivait, c'était toujours de vieux souvenirs qui resurgissaient du fond de sa mémoire. Bien sûr, il fallait que ce soit ce souvenir là précisément qui revienne le tourmenter la veille des élections. Revivre l'un des pires moments de son existence n'était jamais agréable mais cela lui permettait de se rappeler des erreurs qu'il avait commises.

Et l'erreur qu'il avait commise dans ce vestiaire il y a bien des années, Jordan était bien destiné à la réparer. Il se leva, déterminé, direction l'Élysée.

  Quand Gabriel se réveilla, en proie à une violente gueule de bois, il mit quelques minutes avant de se rappeler de ce qui l'avait provoquée. Mais très vite, tout lui revint : l'après-midi passé chez sa sœur, l'invitation d'un journaliste dans un café branché à Paris, sa déception lorsqu'il s'était aperçu que ce journaliste n'était autre que Jordan Bardella... et puis l'excellente soirée qu'ils avaient passé ensemble. Le Premier Ministre avait trop bu la veille pour pouvoir se souvenir de tout ce dont il avait discuté mais il se rappelait à la perfection de la douceur avec laquelle le président du RN l'avait observé pendant qu'il riait aux éclats et le rire chaud et bienveillant qui le saisissait quand Gabriel faisait un peu trop l'idiot. Étrangement, le voir rire de ses idioties lui avaient donné plus envie encore de les perpétuer.

Ensuite, Jordan l'avait raccompagné chez lui car il n'était pas en état de rentrer seul. Gabriel pouvait encore sentir les mains du plus jeune posées sur ses hanches et son souffle près de son oreille dans les rues sombres de la capitale. Puis, Jordan était parti brusquement mais la raison de son départ précipité restait floue dans l'esprit de Gabriel.

  Il se leva et décida de se préparer un petit-déjeuner, d'une bonne humeur qui l'étonnait lui-même.

Il savait qu'il devrait le regretter. Regretter d'avoir passé une soirée en compagnie de l'homme à qui il s'était juré de ne plus jamais adresser la parole en dehors des débats et obligations politiques. Regretter de rire et discuter avec le Président d'un parti aussi dangereux que le RN. Pourtant, au fond de lui, il savait que ça lui avait manqué, de parler à quelqu'un qui le connaissait aussi bien que lui-même. Même en compagnie de Stéphane, son ex, il ne s'était jamais autant amusé le temps d'une soirée.

Il s'habilla en vitesse, déjà en retard pour ses réunions de la journée, et ne prit pas la peine de consulter son téléphone. Quel grossière erreur. S'il l'avait fait, peut-être aurait-il remarqué que sa soirée en compagnie de Jordan faisaient déjà la une de tous les journaux. Peut-être qu'il ne se serait pas rendu à l'Élysée avec un grand sourire aux lèvres. Et enfin, peut-être n'aurait-il pas envoyé un message à Jordan pour lui demander de le voir au plus vite.

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Court chapitre pour compenser celui d'hier 👀🎀

La Réforme de notre Amour ( Attal X Bardella)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant