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/Sujet sensible\


Il faisait un froid à engourdir les doigts ce matin-là dans le dortoir des sixièmes années. Harry s'était endormi dans une étrange position, le visage écrasé sur la carte du Maraudeur qu'il tenait entre ses mains avant de s'effondrer dessus.

Il ouvrit les yeux sur un flou de points qui dansaient sous ses yeux. D'une main gourde, il tâtonna pour trouver ses lunettes.

Les points devinrent des élèves. Peu nombreux, ils se concentraient autour de la Grande Salle et des autres salles communes. Harry n'avait cure de tous ces points, tous ces élèves qui n'étaient pas ... Lui.

Harry n'eut pas à chercher. Il savait, par instinct, par habitude, où regarder. Au réveil, Malefoy était encore dans les cachots, dans son dortoir.

A la position du point, Harry pouvait se représenter son lit, près des fenêtres qui donnaient sur la surface du Lac. Il devait faire aussi froid chez eux que pour Harry au fond de son lit. Il savait que bientôt, Malefoy se dirigerait vers la salle de bains des Préfets. Et Harry serait là, pour tenter encore de le suivre une fois qu'il en sortirait.

Dans un mouvement de couvertures et un bâillement long, Ron se tourna vers lui dans le lit voisin. Voyant le brun penché sur sa sempiternelle carte d'espionnage, le rouquin soupira en lui tournant le dos.

En quelques gestes ordonnés et rapides, Harry enfila son jean et un tee shirt peut-être plus si propre. Il jeta sa cape sur ses épaules et fourra celle d'invisibilité dans sa poche. Il lui faudrait, en moins de deux minutes, traverser dix couloirs pour arriver avant lui dans la Salle de Bains réservée. Depuis deux semaines qu'Harry avait pris l'habitude de le suivre aussi tôt que possible, il n'était toujours arrivé qu'après lui. Il se retrouvait alors, invisible, à attendre qu'il ne sorte puisque lui ne pouvait entrer sans se faire voir.

Harry sillonnait les couloirs aussi vite que le lui permettaient les élèves qui lui lançaient des regards plus ou moins sympathiques. Il ne pouvait courir sans éveiller les soupçons. Jetant de vifs coups d'œil à la carte du Maraudeur, il vit que Malefoy était encore loin, retenu à plusieurs couloirs de lui par un Rusard qui semblait insistant. Alors Harry, au détour de deux statues poussiéreuses, disparut sous sa cape et courut aussi vite et silencieusement que possible. Sur la carte, la Salle de Bains était toujours vide, il devait saisir l'occasion.


L'atmosphère de la pièce, toujours lourde d'une chaude humidité n'était jamais écœurante ou trop entêtante, jamais désagréable. Harry soupira de bien-être, comme si l'air était chargé d'huile euphorisante ou d'une quelconque potion d'apaisement. Il se posta dans un coin de la pièce, essayant de ne faire qu'un avec le mur dans son dos. Il retira sa cape d'uniforme et la serra entre ses pieds.

Moins d'une minute plus tard, une tête blonde passa la porte. Quelques secondes, le bruit des couloirs et l'agitation du matin lui parvinrent avant que la porte ne se referme et ne fasse plus entendre que le calme le plus étouffé.

Dans le silence, l'atmosphère feutrée de la pièce, Malefoy poussa un lourd soupir avant de se défaire de sa propre cape, passée à la hâte sur un pyjama de soie noire. Harry souffla, beaucoup plus lourdement qu'il ne l'aurait voulu.


Hermione l'avait traité de fou quand il avait annoncé ses intentions. Personne ne suivait son pire ennemi dans la salle de bains. Surtout son pire ennemi.

« C'est le seul moyen de savoir s'il porte la Marque ! Et alors, plus personne ne me dira que je suis fou.

_ Personne ne te traite de fou, tempéra Ron. »

Mais Hermione n'en démordait pas et ne se montrait pas aussi calme et mesurée.

« Si ! Irais-tu, toi, espionner Malefoy au petit matin, prendre son bain, pour aller voir une marque qui n'a aucune chance d'exister ?!

_ Quoi ?! Bien sûr que non ! S'emporta Ron.

_ Cette marque existe, Hermione, je le sais ! Je la sens ! Et si pour ça, pour prouver que j'ai raison, je dois passer pour un fou, allez-y ! Jugez moi ! »

Harry leur avait tourné le dos. Hermione avait voulu s'excuser, il le vit à son visage, mais il ne lui en avait pas laissé le temps.


Harry bien sûr n'avait rien dit. Rien dit du fait que même sans la carte, il pouvait savoir si Malefoy était proche. Car dès lors, il pouvait sentir une odeur de menthe poivrée, mêlée à une pointe d'agrumes givrés, caractéristique de Malefoy.

Il pouvait le sentir. Depuis peu, il s'en était rendu compte. Il reconnaissait son odeur. Même dans la Grande Salle quand Malefoy la traversait pour rejoindre sa table. Quand il arrivait en classe, et passait entre les pupitres, de son air hautain. Quand il le suivait à travers des couloirs que le Serpentard avait déjà quittés ; il pouvait l'inspirer à plein poumons.


Cela ne manqua pas. Le tissu se froissa en s'échouant sur le carrelage frais, noir, avec son liseré vert et argent sur le col, et l'effluve lui parvint immédiatement, plus forte que jamais. Douce, enivrante, une invitation à venir la gouter de plus près.

Harry inspirait par petits à-coups tandis que Drago ôtait le bas de son pyjama. Harry était entièrement habité par cette fragrance et par l'image. L'image soudain du corps entièrement nu de Malefoy, la peau diaphane, la silhouette d'albâtre d'Apollon qui s'imprima sur sa rétine pour ne plus jamais le laisser seul la nuit. 


Il y eut un instant suspendu, où Drago resta là, debout et immobile devant le bassin, pleurant à chaudes larmes, ruisselantes jusque sur son torse. Il pleurait douloureusement, Harry pouvait le voir, le sentir.

Puis, dans un geste rageur, il attrapa sa baguette au sol, et d'un sortilège informulé qui crispa son visage dans une moue de profond dégoût, il se taillada profondément l'intérieur de la cuisse. Harry étouffa un cri, plaquant sa main sur sa bouche mais heureusement pour lui, Malefoy cria plus fort encore. Le sang, d'un rouge grenat, vif, le rouge des Gryffondors, coula comme une rivière jusqu'à serpenter autour de la malléole de sa cheville. De tout son corps nu, insolent, offert, Harry ne voyait que cela, cette langue pourpre et brûlante qui léchait sa chair laiteuse. Drago prit une nouvelle inspiration, essuya ses larmes, puis, d'un informulé encore, sembla refermer maladroitement la blessure.

Adava AmortentiaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant