15.

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Harry aurait pu crever. Crever de juste le voir sans pouvoir l'approcher, lui parler, sans savoir comme il se sentait. Comme il se sentait vraiment. Harry le voyait sourire, parler aux Serpentards autour de lui. Mais Harry voyait. Il croisait son regard, y voyait la douleur, le désespoir dont il avait déjà entendu la résonnance.

Mais il ne pouvait pas l'approcher. Et ça lui bouffait le cœur et les tripes. Ça lui tournait dans la tête, ça lui plombait la tête. Draco l'inondait, et il se laissait noyer.



Le mercredi matin, Harry ne tint plus. Il se savait reclus, même si désormais, chacun le laissait tranquille. Les autres élèves avaient abandonné leurs charges contre lui, puisque Malefoy ne semblait pas garder griefs contre lui. Mais Harry étouffait. Au petit-déjeuner, le brun avait croisé son regard anthracite, et quelques infimes secondes, ce regard s'agrippa au sien, lui griffa le cœur et lui hurla de le sauver. Harry ne put que crier silencieusement en retour, espérant que loin dans son âme, Malefoy l'entende.



Alors, sa première heure de cours, histoire de la magie, Harry craqua. La veille, il avait reçu sa commande de chez les Weasley Farces pour Sorciers Facétieux. Il sortit de son sac le morceau de papier, moins grand que la paume d'une main. Pour quelques utilisations, il pourrait y écrire et l'envoyer à la personne désignée, le papier se matérialiserait alors devant elle. Trempant sa plume, il se mit à écrire, s'attirant un regard étonné d'Hermione. Elle était toujours la seule à écrire avec Binns. Harry se contenta de hausser les épaules.                                            
   « J'ai rêvé de toi cette nuit. Tu pleurais.
                                                         A : Drago, cours de sortilège »

Pendant les trois-quarts d'heure restants, Harry s'inquiéta que Drago ne comprenne pas qui lui avait envoyé ce parchemin. Qu'il ne comprenne pas comment s'en servir. Mais juste avant la fin du cours, alors que Binns parlzit comme si l'heure de passait pas, Harry, le visage dégoulinant dans la paume de sa main, prêt à s'endormir, vit le papier réapparaître devant lui. Nouveau regard d'Hermione. Il savait qu'elle pouvait le lire. Qu'elle allait le lire. Il s'en foutait. Qu'elle le lise si elle le voulait, alors peut-être finirait elle par comprendre.                                            «Serre-moi fort dans le prochain. Je pleurerai encore.                                                  A : Harry, le cours le plus ennuyeux de ce château »
C'était écrit d'une graphie propre et élégante, d'une encre pas encore tout à fait sèche. Il le lut plusieurs fois encore. Le temps de changer de cours, il se retrouva au fond de la classe de MacGonagall, à n'écouter que d'une seule oreille les consignes de métamorphose.               « Je te serre déjà fort contre mon cœur, mais il se brise chaque seconde où je ne touche                                                                                         pas.                                                    A : Drago, cours de métamorphose. »
« Connais-tu son emploi du temps par cœur ? souffla Hermione sans le regarder. »
Il hésita. Elle avait posé la question avec désinvolture. Sans agressivité. Sans rien chercher à lui reprocher. Alors il soupira.
« Je le connais par cœur. »



Harry n'avait jamais flirté ainsi, ni par écrit, ni autrement. A exposer aussi clairement ses sentiments, ses envies, ses peurs. Et en même temps, il n'avait jamais ressenti un tel vide, quelque chose d'aussi douloureux que se désirer si fort ce qu'il ne pouvait atteindre. C'était être malade d'une maladie inconnue mais incurable.

Chaque réponse était insoutenablement longue à arriver. Peut-être Malefoy n'était-il pas aussi malade que lui, pas autant épris. Peut-être était-il simplement plus assidu dans ses cours. Peut-être que la présence de ses camarades ne lui facilitait pas la tâche. Mais chaque temps d'attente rendait Harry un peu plus fou. Ils échangèrent une dizaine de messages durant le mercredi, au travers des cours, puis le soir, au creux de son lit et à la lumière de sa baguette. Les messages allaient plus vite, mais n'étaient pas plus longs, ni moins inquiétants. Harry était rassuré, Drago semblait aussi épris que lui, aussi demandeur, mais tout aussi désespérément et profondément fou que lui, de douleur, d'angoisses. Harry s'écroula de fatigue, et des deux flacons de potion de sommeil. Il s'endormit, la plume encore la main, regardant à peine disparaître son dernier message :                       « Promets-moi que tu survies encore un peu. Au moins jusqu'à la prochaine fois.                                                       A : Drago, dans son lit trop loin du mien »

Adava AmortentiaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant