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Harry s'était terré dans un coin sombre. Prostré. Choqué. Il avait affronté Rogue. Les vociférations et ses accusations. Il avait vu le mépris dans ses yeux noirs. Il avait vu le dégoût pour sa personne. Et comment faire autrement ? Il n'était qu'un être abject.


Il attendit la nuit. L'obscurité totale dans son coin déjà sombre, que ses larmes ne soient devenues que des tranchées brûlantes sur ses joues.

Il savait parfaitement qu'on le cherchait. Il avait croisé ceux qui l'appelaient sans le voir, lui passant devant. Il n'avait pas bougé.


Enfin, il fit assez nuit. Seuls les fantômes déambulaient encore. Le baron sanglant et ses lamentations lugubres faisaient bien trop écho aux siennes et le poussèrent à sortir.

Il gagna l'infirmerie qui lui parut plus loin que d'habitude. Peut-être à cause de l'angoisse, de la peur. Peut-être à cause de la bouteille de liqueur qu'il avait bue d'un trait. Peut-être à cause de deux fioles de potions calmantes. Pourtant, il se sentait toujours aussi mal, emprunt d'une fièvre qui imprégnait ses organes. Il était intérieurement desséché, d'avoir tant pleuré, tant brûlé de douleur dans son coin.

Il se sentait devenir fou. Devenir un autre. Un autre qui avait fait un acte immonde, impardonnable.


Il n'y avait que lui à l'infirmerie. Son corps longiligne, étendu dans son lit, les bras le long des flancs. Il portait encore ses vêtements, justes séchés. L'odeur du sang.

Harry s'approcha sans bruit, fantôme transparent mais si lourd de culpabilité.

« Je suis... murmura-t-il. »

Mais rien ne vint. Le visage de Drago avait un air trop paisible pour être vrai. A quel point, intérieurement, avait-il mal ? Il avait entendu Madame Pomefresh dire qu'elle l'avait plongé dans l'inconscience pour l'aider à supporter. S'il était resté des larmes, Harry aurait pleuré derechef.

« Je suis ... »

Il ne savait pas ce qu'il faisait là. Ce qu'il pouvait bien lui dire, à quel point des excuses pouvaient être vaines. Le blond ne l'entendait même pas. Alors Harry inspira, si fort, pour remonter si loin :

_ Je suis... Harry James Potter. Je suis né le 31 juillet 1980, à Godric's Hollow , fils de James Potter et Lili Potter, née Evans, et tués par Voldemort, le 31 octobre 1981. J'ai été emmené par Hagrid, sur ordre de Dumbledore pour être confié à mon oncle et à ma tante. Peu de temps après, mon parrain, seul lien qu'il me restait avec le monde de la magie, a été incarcéré à Azkaban. Hop, au placard petit Harry. Ce n'est même pas une métaphore. Moi, le célèbre, le grand, Harry Potter l'Elu, a grandit dans un placard. J'ai été rejeté, esseulé, mis de côté, insulté, rabaissé pendant plus de dix ans. Tu hais les moldus qui ne connaissent rien à la magie. Eh bien, j'ai été élevé par des Moldus qui haïssent les Sorciers. J'ai grandi dans une famille qui m'a haï. »

Il se tut une longue seconde.

« As-tu de la famille ? Des oncles, des tantes ? Autre que Bellatrix. As-tu encore des grands-parents en vie ? N'as-tu jamais voulu de frère ou de sœur ? Je suppose que non, tu devais être très bien tout seul, si choyé. Etais-tu heureux, enfant ? As-tu eu de beaux anniversaires ? De beaux Noëls ? Fêtais-tu Noël ? Avais-tu de beaux cadeaux ? Qu'offre-t-on à un petit sorcier plein aux as ? »

Harry osa relever la tête et affronter le visage calme, parfaitement blafard.

« C'est pas terrible comme entrée en matière, je sais. Mais je me pose vraiment toutes ces questions sur toi. En fait, tu me fascines depuis... La première fois. Madame Guipure, tu te souviens ? Tu étais si ... Altier. Si froid. Si incroyable, tellement à ta place, tellement dans ton monde à être déjà au-dessus de tout et de tout le monde. Tu étais le « monde magique » à toi tout seul. Le roi, parmi les indigents que nous sommes. Savais-tu alors qui j'étais ? Avais-tu deviné ? Aurais-tu imaginé, alors, tout ce qu'il s'est passé depuis ? »

Depuis l'infirmerie, on entendait le vent contre les briques des murs extérieurs, le hululement lointain des chouettes parties chasser. Harry lui, n'entendait que la douleur de sa solitude.

« Aurais-tu pu imaginer comme tu me fascinerais encore aujourd'hui ? Pardon ... »

Sans pouvoir rien ajouter car il sentait les larmes inonder sa voix et ne pouvait pas le supporter, il ferma les yeux une longue seconde et ne put se résoudre les rouvrir qu'une fois avoir tourné le dos. 

Adava AmortentiaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant