Doux Poison. Tel était le mot pour qualifier sa relation si particulière avec ses deux seules amies qui se trouvaient également être la cause de son isolement.
Intoxiqué par leur amitié, Fukona c'était peu à peu renfermée sur elle-même. Seulement...
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いつも一人だったから、置いて行かないでね
Sa respiration était calme, sereine tandis qu'elle feuilletait un livre. Ses yeux cristallins relisaient attentivement les mots qui y étaient inscrits. Elle faisait souvent cela avant un événement important.
Fukona était même certaine qu'elle était capable de réciter l'entièreté de son bouquin. Pourtant, elle continuait toujours de le consulter. Il était particulier.
Elle entendit quelqu'un toquer à sa porte et celle-ci s'ouvrir après qu'elle en ait donné l'autorisation :
- Madame Soredake, le débat commence dans à peine 5 minutes. Êtes vous prête ?
- Oui je le suis.
Un silence s'installa pendant quelques secondes avant que la jeune femme ne se décide à se lever. Elle reposa précautionneusement son livre et lorsqu'elle sortit, on l'interpella à nouveau :
- Madame, j'aimerai avant que vous ne partiez vous remercier.
Devant l'air interloqué de Fukona elle poursuivit :
- Vous remercier pour tout ce que vous avez fait jusque là pour notre pays. Vous remercier de vous présenter aujourd'hui pour notre pays. Vous remercier d'être là tout simplement. Je sais que cela peut paraître étrange étant donné que je suis votre assistante, mais je suis certaine que vous allez donner un nouveau souffle au Japon, madame.
- Merci beaucoup, Kitsume. Il est l'heure d'y aller, rajouta Fukona en détournant le regard pour ne pas montrer ses yeux qui brillaient.
Fukona rajusta une dernière fois son blazer avant de finalement se décider à apparaître sous les feux des projecteurs. Immédiatement, une multitude de flash l'assaillirent mais elle ne broncha pas. Au contraire, un fin sourire apparut sur son visage. Elle y était habituée désormais.
Quelques secondes plus tard, une voix retentit. Elle soupira, il ne l'avait donc pas attendu pour commencer. Ce n'était pas grave. Elle y était habituée désormais :
- Madame et Monsieur, pensez-vous vraiment qu'une telle personne est apte à diriger notre pays ? Pensez vous vraiment qu'il est raisonnable de placer à la tête de notre pays une femme, cela n'a jamais eu lieu et pour une bonne raison. Ce dont vous avez besoin, ce dont notre pays a besoin c'est d'une personne qui connaît vos besoins, qui sera capable d'améliorer l'éducation de notre pays, de le soutenir en cas de crise.
A la fin de cette phrase, il se recula. La jeune femme aux cheveux blancs soupira à nouveau. Toujours le même argument. Il n'en avait qu'un seul. Un seul misérable argument et pourtant il se dressait aujourd'hui face à elle. Elle ne comprenait définitivement pas comment le monde de la politique avait ainsi pu sombrer.
Pendant un instant, elle ferma les yeux. Elle repensa à tout ce qu'elle avait accompli jusqu'ici. Elle repensa à la classe E, à Karma, au professeur Koro. Elle se remémora les quelques phrases du livre de conseil du professeur Koro qu'elle avait eu le temps de lire juste avant de venir ici, sur le devant de la scène. Il était temps pour elle de prendre la parole :
- « Le clou qui dépasse appelle le marteau ». Je suis sûre que tous ici vous connaissez ce dicton, cette célèbre phrase qui a fait le tour du Japon. Cette célèbre phrase qui pourtant ne devrait même pas exister. Cette célèbre phrase qui a fait de nombreuses victimes, des millions même. Cette célèbre phrase qui n'est pas juste prononcée. Cette célèbre phrase qui détruit un enfant. Cette célèbre phrase qui détruit un avenir. Cette célèbre phrase dont moi aussi j'ai été victime dans mon enfance.
Je pensais que je devais me conformer à la norme. Je pensais que le problème c'était moi. Je pensais que je n'avais pas ma place au Japon. Tout comme moi des millions d'enfants l'ont pensé, d'autres y penseront également. Mais cela n'est pas normal.
Oui, aujourd'hui je me tiens devant vous. Je fais partie des rares élus qui ont eu la chance de se défaire de cette entrave, de ce piège, de cette phrase. J'ai eu la chance de survivre. Et aujourd'hui je peux vous le dire. Tout cela n'est pas normal. Notre société et son fonctionnement n'est pas normal. Le changement fait peur. Tout comme j'ai eu peur lorsque l'on m'a dit que je pouvais m'en sortir. Et pourtant, je n'ai pas abandonné. Je n'ai pas baissé les bras.
Alors aujourd'hui je ne m'adresse plus à des dames, à des monsieur, à des enfants. Aujourd'hui, je ne m'adresse plus à un individu. Aujourd'hui je m'adresse au Japon et je le supplie d'assumer ses erreurs. Je le supplie de puiser la force nécessaire pour arrêter cette boucle. Je le supplie de stopper cette phrase. Je le supplie de protéger la vie de ces enfants, de nos enfants car, et j'en suis fermement convaincue, les autres c'est nous. Alors, je m'excuse si ma candidature vous semble inhabituelle. Je m'excuse si ce que j'ai dit bouleverse votre vision du Japon. Mais, un jour j'ai décidé de rire là où j'avais pleuré et de gagner là où j'avais perdu. J'ai réécris mon histoire, alors pourquoi ne pouvons nous pas réécrire celle du Japon ?
Il y eut un long silence stupéfait. Personne ne parla. Aucun bruit ne se fit entendre. Puis, enfin quelqu'un se leva et commença à applaudir. Ce fut alors comme un mouvement de vague, au quatre coins du Japon un tonnerre d'applaudissements retentit comme preuve de la joie immense qu'ils éprouvaient.