Chapitre XIX

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 Et Regina n'avait pas tenu sa promesse.

C'était comme si elle avait saisi la fugacité des derniers jours. Depuis le retour de Leopold, la ville entière retenait son souffle dans l'attente de réapprendre à vivre. Emma observait les jours avec morosité, ayant soudainement perdu tout intérêt pour la peinture. Elle avait annulé la plupart de ses modèles et de ses commandes. Parce que plus rien n'avait de valeur à côté de Regina. Avait-elle un certain béguin pour elle ? Probablement que oui et leur idylle n'avait fait que confirmer ce qu'elle ressentait pour le maire depuis des mois.

Regina n'était plus revenue à l'atelier et son ombre planait à l'intérieur de l'entrepôt. Emma écumait un énième café, le regard rivé sur la dernière toile qu'elles avaient réalisé. Une œuvre d'art qui surpassait toutes celles que la blonde avait pu peindre avant. Regina avait un réel talent, une harmonie du corps et du cœur si pure. Tout ne pouvait pas s'arrêter ainsi...

Emma connaissait par cœur l'emploi du temps de Regina Mills, pour l'avoir entendu à de multiples reprises lui en parler. Deux semaines s'étaient écoulées et se savoir dans la même ville la torturait, tordait ses tripes. Alors, elle quitta les draps du lit qu'elle n'avait pas changé depuis la dernière visite du maire et attrapa une veste accrochée au porte-manteau. Dehors, le froid se faisait plus doux, moins agressif, Emma s'engouffra dans l'obscurité des rues et serpenta jusqu'à retrouver le boulevard principal de Storybrooke. Là, elle remonta la rue longuement, accompagnée du ding-dong sentencieux de la tour de l'horloge sous lequel trônait la librairie tenue par la petite amie de l'antiquaire. De nuit elle avait plus de mal à se repérer mais trouva finalement sa route jusqu'à la mairie. Elle n'y vit pas la Mercedes, au moins, elle pouvait être sûre d'elle. Alors, elle marcha encore jusqu'à enfin atteindre le 108 Mifflin Street. La Mercedes noire fondue dans la nuit ténébreuse était garée le long de la route et les lumières du rez-de-chaussée étaient allumées.

D'un pas assuré, Emma avala les derniers mètres qui la séparait d'elle. De sa muse. Traversa l'allée de rosiers jusqu'au parvis, sonna. Un temps. Long. Infiniment long. Et la porte s'ouvrit.

— Hey ! Dit-elle avec un sourire gêné.

Regina avait les yeux ouverts grands comme des soucoupes. Elle était surprise de voir la blonde devant chez elle et très vite balbutia.

— Mademoiselle Swan. Entre, vite !

Et déjà, Regina attrapa le bras d'Emma pour la faire rentrer au plus vite dans l'immense manoir. Elle passa la tête dans l'embrasure de la porte et le froid mordit le bout de son nez. Elle vérifia que personne ne les observait pour finalement refermer la porte derrière elle. Le maire se retrouva dans le hall d'entrée avec une Emma qui n'avait d'yeux que pour elle. Elle vit cette dernière s'approcher en ouvrant les bras.

— Tu m'as man...

Mais Regina fit un pas sur le côté, les bras serrés autour de son buste, les lèvres pincées. Les yeux d'Emma s'embrumèrent et son cœur se mit à palpiter plus vite encore. Regina pouvait lire l'incompréhension dans son regard et répondit à ses questions dans un murmure.

— Pas ici Mademoiselle Swan.

Seulement Emma n'était pas le genre à se laisser marcher dessus et refusait de repasser par les « Mademoiselle Swan » et compagnie. Elle essuya ses larmes du revers de la main et tenta de s'approcher à nouveau.

— Alors ça y est hein ? C'était un jeu, c'est ça ?

— Suis moi, un verre de cidre ?

Regina fuyait la situation, selon Emma. Elle observa le balancement de ses hanches et la suivit jusqu'au salon où crépitait un brasier. Regina la fit patienter là. Emma reconnut instantanément le salon où avait eu lieu le nouvel an, le tableau magnifique de Regina peint au-dessus de la cheminée. La brune revint quelques instants plus tard avec une bouteille de cidre et deux petits verres en cristal coupant Emma dans ses souvenirs.

La Couleur des sentimentsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant