Chapitre II

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— Attends, quand le vieux King est venu te voir au café, c'était pour te demander de peindre sa femme ? Demandait Ruby amusée devant le récit que venait de leur raconter Emma Swan.

— Je te souhaite bien du courage pour approcher Regina...

Mary Margaret lançait un regard compatissant vers Emma qui semblait désappointée devant ses deux amies. Lorsqu'Emma Swan était arrivée à Storybrooke avec pour seuls bagages un vieux sac, son matériel de peinture et sa coccinelle jaune, elle n'avait eu nulle part où loger. Elle avait eu la chance de rencontrer la jeune institutrice qui lui avait proposé une place en colocation avec Ruby. Ainsi, si Emma avait réussi à investir ses économies dans un atelier d'un ancien entrepôt désaffecté, elle ne restait pas moins heureuse de rentrer chaque soir pour partager les délicieux plats avec ses amies.

— Je ne comprends même pas que tu aies accepté, renchérit Ruby en finissant son assiette. Approcher Regina Mills et Leopold King est une mission suicide pour celui qui s'y aventure. Emma, réfléchie bien.

— Je suis d'accord avec Ruby, pour une fois.

Ruby charriait Mary Margaret d'une tape dans l'épaule, à laquelle la jeune femme répondit par un rire moqueur. Emma regardait ses amies avec un air désolé, elle ne comptait pas vivre ici toute sa vie même si elle appréciait grandement ses amies sans qui elle n'aurait pu trouver de logis.

— J'ai besoin d'argent, être artiste ne paie pas de mine. Si je veux pouvoir continuer de te payer le loyer et espérer un jour construire la vie dont je rêve, je me dois de saisir toutes les opportunités...

C'était triste à dire, un peu brut de décoffrage même mais c'était la réalité dans laquelle Emma vivait depuis maintenant des années. Elle avait longtemps enchaîné les petits boulots pour parvenir à s'acheter du matériel convenable. Elle avait longuement travaillé ses coups de pinceaux avant de trouver sa voie et de se démarquer ; De trouver la technique qui la rendrait unique. Depuis des années elle s'essayait sans même parvenir à se trouver. La blonde s'était finalement levée pour signaler la fin de la discussion. Le débat était clos, elle s'était plus ou moins engagée, elle n'avait plus le choix. Dans un silence plus religieux, les trois amies avaient débarrassé la table, puis comme à son habitude, Emma se passa une vieille veste d'aviateur avant de quitter le loft. Il n'était pas rare qu'elle retourne à son atelier travailler, la nuit l'inspirait. La nuit la transportait.

Ce matin là, Emma Swan s'était dirigée de bonne heure au Granny's café. Comme à son habitude, elle faisait partie des rares clients qui le remplissaient, les premiers à arriver, de ceux qui se levaient tôt pour profiter de la journée. Et toujours comme à l'accoutumé, elle sortait son crayon et son carnet en attendant sa commande. Sur les coups de neuf heures et demi, le tintement des clochettes de l'entrée firent sursauter Emma, concentrée. Lorsqu'elle releva son visage, elle vit Regina Mills au comptoir en train de commander. Une boule s'était crée au creux de son ventre, elle se sentait intimidée par la personnalité qu'incarnait la brune à Storybrooke. Elle n'avait jamais demandé à des personnes aussi prestigieuses de poser pour elle, elle n'avait toujours côtoyée que le milieu populaire dont elle était issue. Un milieu qui ne lui avait pas fait de cadeaux mais qu'elle avait surmontée au prix de sa sueur.

Regina Mills était allée s'asseoir à une table et avait délicatement croisé ses longues jambes interminables. Elle s'était frottée les mains après avoir retiré ses gants puis avait saisi le journal local pour se mettre au parfum des dernières actualités. Sa mine se défit lorsqu'elle lut que les Etats-Unis ne bénéficiaient plus du monopole de l'arme nucléaire. Si la deuxième Grande Dépression qui avait touché le pays en 1948 ne constituait plus un enjeu majeur économique, la Guerre Froide avait pris le relais. Jusque-là les Etats-Unis avaient été les seuls détenteurs de la fameuse bombe. Maintenant que le pays de l'Oncle Sam et l'URSS étaient lourdement armés, l'avenir de la population reposaient entre les main de la politique et ce n'était pas pour plaire à Regina. Elle avait tourné les pages pour s'intéresser aux faits divers. Un couple de femmes ayant affiché publiquement leur liberté sexuelle avait été arrêté la veille à quelques lieux de là. Un drôle de monde se profilait, son évolution lui échappait. Regina Mills avait grandi dans un milieu où l'éducation dont elle avait bénéficié avait toujours été stricte. Cora Mills n'avait jamais toléré un seul écart et lui avait inculqué toutes les valeurs qu'une femme respectable se devait de respecter. Regina avait côtoyé les meilleures écoles pour parvenir à devenir maire. Elle avait appris à mépriser et avait développé un talent d'oratrice inégalable. Elle était née pour diriger, c'était ce que sa mère lui avait toujours répété.

– Excusez-moi madame le maire, je... Emma Swan.

Regina avait sursauté et avait manqué de renverser sa tasse en porcelaine remplie de café brûlant. Elle soupira pour montrer son mécontentement et adressa un regard noir à la blonde drôlement fagotée d'une chemise blanche et un pantalon en velours bordeaux tenu par des bretelles. Depuis quand les femmes pouvaient-elles se permettre une telle extravagance vestimentaire ? Le maire l'avait invitée à s'asseoir et à se dépêcher de parler, elle n'avait pas tout son temps. Emma avait posé sa sacoche en cuir et en avait sorti son carnet, peu sûre d'elle. Ses mains étaient moites, son front en sueur. Elle n'avait que quelques secondes pour exposer sa requête sans quoi le maire refuserait sans même avoir pris la peine d'écouter.

– Je suis artiste et je souhaiterais... enfin je voudrais que vous posiez pour moi.

Brut, sans préambule. Emma avait ouvert son carnet pour le montrer à Regina avec le plus de conviction possible. Elle tentait de la convaincre en lui montrant son talent dont elle doutait parfois. La brune ouvrit les yeux grands comme des soucoupes lorsqu'elle vit les dessins de la veille qui lui ressemblaient comme deux gouttes d'eaux. Elle se sentait à la fois honorée et horrifiée d'avoir été épiée sans ne rien avoir vu. En plus le dessin montrait clairement dans quelle direction était dirigé son regard... en direction du shérif assis au comptoir ce jour là. Elle rougit un bref instant avant de se lever, contrariée. Emma comprit sa confusion et baissa les yeux. Loin d'elle l'idée de se mêler de ce qui ne la regardait pas, néanmoins elle eut une petite pensée pour son mécène, le Gouverneur King.

– Cela ne m'intéresse point. Trancha Regina en refermant le carnet, mettant hors de sa vue les croquis qui l'incriminaient.

Le maire fit glisser avec un peu trop de violence le carnet qui trouva sa chute par terre. Elle prit son manteau et sortit précipitamment du café sans même chercher à argumenter. Une violence gratuite, un épisode inédit dans lequel la colère du maire triomphait une nouvelle fois. À quoi pouvait bien penser Regina pour être aussi désagréable ? La scène n'avait échappé à personne et bien évidemment c'était morte de honte qu'Emma ramassait son carnet. Précipitamment, elle quittait le café n'ayant pas la force de subir tous les regards compatissants et moqueurs des clients. Après la réaction... elle aurait dû s'en douter. Un guet-apens qu'on lui avait sûrement tendu uniquement pour la ridiculiser. C'était affaire courante de se moquer des petits artistes, surtout en Amérique.

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