Chapitre XVII

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Le silence entre elles dura quelques instants, de longues minutes pendant lesquelles Emma était suspendue aux lèvres de Regina. Incertaine des événements qui allaient suivre, elle laissa du temps à son invité pour s'exprimer sur la marche à suivre. Elles se regardaient si intensément que leur échange en fut troublant. Puis, finalement, Regina entra dans l'antre de l'atelier, dépassant de près Emma qui eut juste le temps de sentir les effluves de la brune. Qu'en était-il ? Elle avait envie de lui demander qu'elle était la nature de cette visite mais elle n'en dit rien, se contentant simplement de refermer la porte derrière elle. Ce fut Regina qui brisa le silence.

— Monsieur King s'est absenté pour un congrès.

Regina avait le sourire presque fier de cette information, avait soudainement le teint plus ensoleillé, comme libérée de ses chaînes. Emma attendit la suite, buvant chaque parole comme un fiel revigorant.

— Je... commença Regina, je n'ai eu de cesse de repenser à ce baiser.

— Cela vous a...importuné ?

L'inquiétude grandit soudainement dans le coeur de la jeune artiste. Etait-ce une erreur ou bien au contraire quelque chose de positif ? Emma n'osait s'approcher davantage de Regina de peur de la brusquer. Ce fut finalement Regina qui brisa la distance entre elles, le coeur haletant. Tout en se mordillant les lèvres, elle posa ses deux mains délicates sur les joues rosées d'Emma et se pencha en avant pour lui délivrer un court baiser. Quand ce fut terminé, Emma ne put s'empêcher de demander :

— Et Graham ?

— C'est terminé depuis longtemps Mademoiselle Swan.

—Emma, appelez moi Emma.

— Emma.

La blonde émit un léger sourire. De nouveau, un ange passa. Regina se raclât la gorge comme pour se redonner de la contenance, fâcheuse habitude qu'elle avait prise pour ne pas se laisser décontenancer par son interlocuteur ou interlocutrice. Toujours avoir l'ascendant, Regina était une femme de pouvoir, un dragon au tempérament bien trempé. Ne jamais l'oublier. Fidèle à elle-même.

— Peut-être pouvons nous nous remettre au travail ? Demanda le maire tandis qu'elle se dirigeait déjà vers le paravent pour se changer.

Emma approuva immédiatement de sorte à ne pas rendre les choses plus étranges qu'elles ne l'étaient déjà et comme à son habitude, prépara son matériel pendant que Regina se préparait. Elle ressortit la toile qu'elles avaient déjà passablement bien entamée et l'installa sur son chevalet. Après quoi, elle prépara sa palette de peinture alors même que Regina fit à nouveau irruption dans l'atelier prête à travailler. De là, elle retrouva sa pose lascive et Emma se mit au travail du mieux qu'elle pu. Cette fois-ci elle ne s'était pas laissée déconcentrer et bien que l'attitude de Regina à son arrivée laissait planer le doute sur ses intentions Emma n'en tint pas rigueur. Elles discutèrent de tout et de rien, principalement d'art, de la prochaine exposition qu'Emma s'apprêtait à aller voir à Portland à des fins purement professionnelles, ça ne manqua pas d'intéresser Regina qui lui posa moult questions au sujet de l'exposant et de l'exposition en elle-même. Et elles discutèrent comme cela, sans voir que peu à peu l'atelier se plongeait dans l'obscurité de la nuit naissante.

Regina éprouva plusieurs fois le besoin d'exprimer le sentiment de liberté qui accompagnait l'absence de son mari et Emma était heureuse de pouvoir lui souligner que le goût de la liberté ressemblait à ça et que c'était précisément ce sentiment qu'elle aimait. Que vivre vite et intensément était son slogan car sa peur première était de mourir sans avoir pu gouté tous les plaisirs de la vie. Elle voulait rien s'interdire car vivre sur le fil du rasoir ne l'intéressait pas. Regina approuva, songeuse presque envieuse.

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