Chapitre XII

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C'était incroyable cette faculté qu'avait eu le maire à s'adapter avec autant de facilité à ce premier exercice de rapidité. Emma n'avait même plus eu besoin de lui signifier de changer de position : Regina le devinait seulement au soudain silence du crayon en rupture avec le grain du papier. Son corps se mouvait avec une telle aisance, que dans une autre vie, la brune avait pu être danseuse étoile ou ballerine. Si ses premières postures n'avaient rien eu à envier, très rapidement, elle avait su laisser son imagination la guider. Un carnet de croquis noirci à vitesse grand V ; sur les lèvres fines de la jeune arriviste, un léger sourire. Son regard d'artiste admirait son modèle, son regard de femme lui, s'émerveillait.

Le jour avait passablement déjà bien décliné, plongeant son monde dans un crépuscule annonciateur de l'effervescence de la nuit à venir. Emma ne l'avait pas entendu frapper ni même entrer. Il fallait dire qu'en absence de réponses, Regina Mills s'était invitée dans l'atelier à pas feutrés. Après deux séances semblables la première, elles avaient convenu d'attaquer les choses sérieuses.

— Si je peux me permettre, l'impressionnisme n'a rien à envier à votre goût pour le dénudé.

Emma s'était retournée en sursautant pour accueillir le petit rictus en coin de Regina. Une main sur la poitrine pour calmer les palpitations de son cœur, elle s'était levée puis avait tendu une main pour la saluer. Elle aurait bien répliqué pour la taquiner mais s'en ravisa. Au lieu de cela, elle prit le temps d'expliquer qu'elle s'était laissée influencée par les nombreux artistes impressionnistes européens venus s'exiler sur le continent américain, comme Salvador Dali, dont les œuvres étaient actuellement en vogue. Elle ajouta qu'elle s'était également laissée tenter par une approche plus expressionniste-abstraite, mouvement également avant-gardiste de l'époque connu pour son exposition à New-York dont elle avait pu, grâce à quelques connaissances, participer. Puis tout à coup, Emma s'empourpra et se tue.

— Veuillez m'excuser, je dois certainement vous ennuyer. Je me suis laissée emportée.

Regina buvait ses paroles, impressionnée peut-être par l'intérêt qu'Emma portait réellement à l'actualité artistique, politique et économique du pays. Elle ne savait en fin de comptes que très peu de choses sur elle, mais tout ce que Regina apprenait d'Emma, avait le don de la faire rêver. Du haut de son statut bien placé et des nombreux privilèges dont elle jouissait, elle se rendait compte que la vie lui avait sommairement échappé et qu'elle était passée malgré tout à côté de quelques opportunités ludiques loin de la politique. En guise de réponse, la brune lui offrit un nouveau sourire qui se voulait révélateur d'une certaine sincérité pour l'intérêt qu'elle lui avait sincèrement porté.

En s'aventurant d'avantage dans l'atelier tandis qu'Emma rangeait le matériel de peinture qu'elle avait utilisé, le maire nota avec surprise que le Chesterfield se tenait dans un coin reculé, refoulé au rang des objets remisés. Pour la troisième fois en même pas six mois, Monsieur Gold avait vu sa boutique se faire dépouiller d'un vieux divan en velours soyeux bordeaux qui une nouvelle fois avait coûté un bras à Emma. Le vieil antiquaire avait été à deux doigts de lui confectionner une carte de fidélité, pour cinq achats un lot de babioles en porcelaine offert ! Emma Swan ne se rendait pas compte des dépenses qu'elle effectuait afin de permettre au maire de se sentir en confiance, tout ça, elle le faisait aveuglément et naturellement. Le lit avait été légèrement déplacé afin de pouvoir y placer le divan au centre de l'atelier. À gauche, la lumière du soleil couchant s'allongeait depuis la tête du mobilier, à droite, les reflets chaleureux de la cheminée l'y rejoignait.

— Cessez de vous ruiner Miss Swan, si vous souhaitez pouvoir prospérer sur la durée. Souligna Regina avec contrariété.

— Arrêtez avec vos Miss Swan, appelez-moi simplement Emma. S'il vous plaît, Regina. lui avait-elle seulement répondu avec un haussement d'épaules nonchalant.

La Couleur des sentimentsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant