BLINDLY

𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟐𝟒

Aylin

Les masques, les déguisements et le maquillage. En voici de nombreux moyens pour cacher notre identité ; pour faire disparaître nos complexes. Certains durent le temps d'une soirée, pendant que d'autres, ne peuvent plus être retirés. Car le risque, en se faisant passer pour ce que l'on n'est pas, c'est de ne plus jamais vouloir redevenir soi.

Malheureusement, les masques ne sont pas indestructibles et, indéniablement, viendra le moment où ils se fissureront. Le problème, c'est qu'une fois que nous les laissons tomber, il faut en assumer les conséquences. Il faut être prêt à se dévoiler sans artifices.

Mais, parfois, nous avons porté le masque si longtemps que nous ne nous souvenons même plus de ce qu'il y a sous la surface. Alors, nous pensons que nous ne pourrions plus vivre sans.

Des masques, nous en portons tous et je ne parle pas de ceux d'Halloween. Ce serait mentir que de dire que l'on n'en a pas besoin.

Pour ma part, je suis en partie exemptée de ce dilemme. En effet, ne plus rien voir est horrible, mais, au moins, je ne suis plus tiraillée par mes imperfections physiques.

C'est fou comme il nous faut à nous, les humains, subir des épreuves épouvantables pour prendre conscience de ce qui est réellement important.

En revanche, même si je ne ressens plus le jugement à travers le regard des autres, je suis toujours soumise à la réputation que la société se fait de moi. D'autant plus avec la pression que m'imposent mes parents.

Je me dois donc d'être irréprochable dans mes actes comme dans mes paroles. Une seule erreur pourrait m'être fatale.

— Tu es prête à faire ton entrée, belle sorcière, me taquine Alec en tirant sur mon bras.

Une sorcière.

Ce n'était peut-être pas le plus judicieux des déguisements, mais c'est Halloween, je n'allais quand même pas me déguiser en ange. Le but est d'effrayer un minimum les autres lors de cette fête, même si beaucoup l'ont oublié.

Puis une sorcière c'est puissant, ça fait peur. Au point que les gens les ont un jour chassés et brûlés. Du moins, j'espère ne pas finir comme ces pauvres femmes.

Je ravale la boule d'angoisse qui s'est formée dans ma gorge et souffle un coup.

— Toujours prête voyons, allons leur en mettre plein la vue, mon vampire chéri, rétorqué-je d'un air confiant.

Au fond, l'anxiété me ronge, mais je refuse de me laisser entraver par ce sentiment. Me priver de fête jusqu'à la fin de ma vie juste parce que j'ai eu une mauvaise expérience, ce n'est pas envisageable.

C'est moi la victime et je n'ai pas à avoir honte, je compte bien tout faire pour ne pas me laisser abattre.

Pourtant, ma prise sur le bras d'Alec se resserre malgré ma supposée confiance. Le corps, lui, ne ment pas. Ma respiration se fait saccader et la chair de poule recouvre mes bras.

— Ne t'inquiète pas, je ne te lâcherais pas d'une semelle cette fois, m'assure Alec en serrant à son tour mon bras.

Il n'est pas au courant de ce qui s'est passé avec Pierre, mais il est assez intelligent et lucide pour avoir tiré ses propres conclusions sans que je n'aie eu rien besoin de lui dire.

Après une longue expiration, nos pas foulent le sol de l'entrée au rythme de la musique qui pulse dans la maison. Notre hôte pour la soirée n'est pas n'importe qui.

Rose Bourgeois.

— Ah, salut les ploucs ! crie cette dernière alors que l'on vient à peine de faire quelques pas dans la demeure.