Juillet 2024.
Le soleil est haut dans le ciel lorsque je franchis les portes du poste de police de Yorkshire. Il est plus de midi, la brise est absente et la chaleur écrasante. C'est le début de l'été. Dans les locaux du poste, les gens vont et viennent, entrent et sortent. Chacun vaque à ses occupations tout naturellement sans me prêter la moindre attention, une odeur de café flotte dans l'air.
Sans passer par la réception, je me dirige vers le groupe d'inspecteurs qui est réuni autour d'un dispenser électrique de boissons. Je suis familière à ce poste, j'y suis déjà venue plusieurs fois -au moins quatre- pour récupérer Amy lorsqu'elle se faisait arrêter droguée ou bien trop ivre. L'inspecteur Desmond Park, dans son uniforme, me fait un signe de la tête en m'apercevant.
- Madame Jones.
- Bonjour.
Desmond est un homme beau et charmant, la quarantaine, avec qui j'ai déjà eu une aventure. Bien qu'aujourd'hui les cheveux poivre-et-sel ne font plus partie de ma tête de liste, il ne me laisse jamais tout à fait indifférente et le regard qu'il pose sur moi à cet instant en dit tout autant.
- Vous êtes là pour récupérer votre fille ? Elle a encore été arrêté ? Me demande-t-il.
- Non. Je suis là pour faire une déposition concernant l'affaire Brown.
À cet instant, les regards de ses collègues se posent sur nous, intrigués.
Quelques minutes plus tard, alors que je suis assise dans le bureau de Desmond, tous me regardent incrédules et me demandent une nouvelle fois.
- C'est vous qui avez tué William Brown ?
Je leur réponds que oui, c'est moi. J'ai tué William Brown et je suis là pour leur raconter pourquoi.
Dans leurs yeux, je vois qu'ils ne me croient pas, ce qui est marrant. Pour eux c'est sans doute un énième prank, pas très amusant mais un prank tout de même. Ils se redressent d'un bon malgré tout et me menottent, ce que bien-sûr je trouve ridicule en soi. Si je suis venue, c'est de mon plein gré, je dois le faire rappeler. Et je ne compte m'en aller nulle part.
N'empêche, ils me gardent menottée et me conduisent dans une salle où ils me font asseoir. Les murs sont blancs, inhospitaliers et en face de moi, un miroir me renvoie mon reflet. Celui d'une femme brune, la quarantaine, aux yeux bleus qui ne portent aucun regret. Le regard de Desmond croise le mien et je trouve ça exaltant de voir l'expression effarée sur son visage et les questions qui se bousculent dans sa tête ainsi que celle de ses collègues.
Je pose mes mains menottées sur la table, les bracelets en métal sont froids et inconfortables contre ma peau. Tour à tour, j'observe chacun des inspecteurs, excitée d'avance de lancer les festivités. Mais je ne dois pas me précipiter. À vouloir faire les choses vite on les fait mal, me répétait toujours mon paternel. Desmond, qui visiblement n'est pas de cet avis, perd patience et se penche vers moi.
- Parlez donc, me presse-t-il.
Je regarde les deux autres inspecteurs dans la pièce et ne peux empêcher un sourire d'étirer mes lèvres.
- C'est avec vous seul que je veux m'entretenir, je lui dis.
Ma déclaration le prend de court, je le vois froncer les sourcils, troublé.
- Vous n'êtes pas en mesure d'exiger quoi que ce soit.
Je joins mes mains sur la table et maintient son regard.
- Alors, je ne dirai rien.
Il comprend que si je ne parle pas, ils ne résoudront jamais cette enquête. Ça fait plus de dix mois que rien n'avance, il n'y a pas d'indice ni de témoin. Je suis la seule capable de lever le voile sur ce qui s'est véritablement passé cette nuit-là, moi la meurtrière. Moi qui, sans mes aveux, ils ne peuvent incriminer car j'ai bien pris le soin de ne rien laisser derrière moi. Desmond le comprend, il a besoin de moi. Il a besoin de mon témoignage pour clore son affaire et moi, j'ai besoin de lui.
D'un mouvement du menton, il fait signe à ses compagnons d'obtempérer. Les deux hommes échangent un regard perplexe mais finissent par sortir, nous laissant seuls. Desmond s'approche et les mains posées à plat sur la table, il se penche vers moi.
- Anna, c'est quoi cette histoire. Qu'est-ce que tu fabrique ? Me souffle-t-il entre ses dents.
Je regarde un instant mes mains, les lignes qui parcourent mes paumes puis je lève la tête dans sa direction. Derrière le miroir, je peux sentir le regard pesant des autres inspecteurs sur moi mais je n'y prête pas grande attention. Tant que je ne suis qu'avec Desmond, tout se déroule comme prévu.
- Assieds-toi, je lui dis. Que je te raconte pourquoi j'ai tué William Brown.
Ses yeux caramel me scrutent longuement et après un moment qui me semble interminable, il tire la chaise et s'assied, les bras croisés contre son torse. Je souris et m'adosse contre ma chaise. Après un silence dramatique qui l'irrite, j'ouvre la bouche.
- Je n'oublierai jamais le jour où j'ai rencontré William.
La nostalgie m'emplit et je pousse un léger soupir.
- Le jour, je dis, où mes yeux se sont posés sur lui pour la première fois dans cet ascenseur. Il était tout ce que je pouvais voir et à cet instant, j'étais loin de m'imaginer que ma vie allait prendre un tout autre tournant. Ou peut-être, dois-je dire, la sienne ?
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Pourquoi j'ai tué William Brown
Mystery / ThrillerLe corps de William Brown, riche héritier de la famille Brown, est retrouvé sans vie à tout juste vingt-trois ans le matin du 30 Septembre dans le lac derrière leur chalet sur la propriété familiale. Alors que depuis plus de dix mois, sans indices n...