Chapitre un

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LEYA.

Dix heures était l'heure de rendez-vous fixée entre ma meilleure amie et moi. En consultant l'heure sur mon portable et en lisant les nombreux messages, je réalise que je suis en retard. Je grimace à l'avance, anticipant les reproches que me fera Riley. Le café est à seulement quelques mètres, mais les rues sont particulièrement bondées aujourd'hui. Les gens pressés me bousculent sans s'excuser ni même jeter un œil autour d'eux. À part un ciel gris et les feuilles des arbres qui commencent à tomber, il n'y a pas grand-chose à voir.
J'ouvre enfin la porte du célèbre café et aperçois Riley, assise au fond, plongée dans son téléphone. Elle relève la tête au son de la cloche annonçant les arrivées et les départs, et me lance un regard mécontent.

- Une minute de plus et je partais, bougonna-t-elle en croisant les bras avec un air faussement fâché.
- Tu exagères, je n'ai que cinq minutes de retard, répliquai-je en roulant des yeux.
- Et on ne t'a jamais inculqué l'art de répondre aux gens qui t'attendent ? Tu sais, grâce à ton téléphone, une invention ingénieuse dont l'usage devrait être OBLIGATOIRE en 2024, insista-t-elle en agitant son téléphone devant moi.

Je levai les yeux au ciel, amusée par son impatience qui, au fil des ans, devenait presque un rituel comique entre nous. Pourtant, malgré ses petites colères, Riley est ma meilleure amie depuis l'enfance. Nous avons partagé tant de moments : des après-midis à construire des châteaux de sable, des nuits blanches à échanger des secrets. Riley est la sœur que je n'ai jamais eue, une présence constante et rassurante lorsque mes parents étaient souvent en déplacement pour le travail. Certes, je n'ai jamais manqué de rien matériellement, mais l'absence de mes parents laissait un vide que Riley savait combler par sa simple présence rassurante. J'ai souvent dû mettre de côté mes désirs de partager du temps avec eux, mais comment pourrais-je leur en vouloir alors qu'ils faisaient de leur mieux pour assurer mon bien-être, même à distance ?

- Bon, tu m'écoutes, Ley ? demanda-t-elle, attirant à nouveau mon attention.
- Oui, désolée, que disais-tu ?
- Je te disais que j'ai trouvé notre appartement de rêve ! Le loyer est à ma portée, il y a deux chambres, une salle de bain immense et il est juste à dix minutes de notre fac ! s'enthousiasma-t-elle.

La fac. Une étape marquante où l'innocence de notre adolescence laissait place à la réalité de la vie adulte. Nous nous étions promis de ne pas nous séparer à ce tournant décisif, et quoi de mieux qu'une colocation avec sa meilleure amie ?

- Montre-moi des photos, demandai-je avec curiosité.
- Regarde. Voici la cuisine entièrement équipée, où tu pourras nous concocter tes fameux cookies au goût inégalé, dit-elle en feuilletant les images sur son téléphone.
- Mais le salon est immense ! Et la vue...
- Tu as vu ? s'écria-t-elle si fort que quelques personnes autour de nous se retournèrent, surpris par son enthousiasme débordant.
- Chut, je ris en chuchotant. Cet appartement semble trop beau pour être vrai.
- Ne sois pas pessimiste, me coupa-t-elle.
- D'accord, mais comment être sûres qu'il nous sera attribué ? Cette offre semble presque trop avantageuse.
- Parce que... commença-t-elle.
- Sérieusement, le loyer est vraiment abordable. Ne t'emballe pas trop vite.
- Non, mais attends, laisse-moi finir...
- Je sais que le soutien de nos parents renforcerait notre dossier, mais là, ma petite Riri, peut-être devrions-nous explorer d'autres options, soufflai-je prudemment.
- Tu veux bien arrêter de me couper ! Bon sang, écoute-moi. Non seulement cet appartement est à notre portée, mais je te garantis que nous pouvons le visiter dès aujourd'hui. Et sais-tu pourquoi ? Parce que cet appartement appartient à un couple très ami avec mes parents.
- Pourquoi ne pas l'avoir mentionné plus tôt ? demandai-je, retrouvant mon sourire.
- Donc, c'est un oui ?
- Oui, c'est un grand oui, répondis-je avec enthousiasme.

Elle scelle aussitôt notre accord en entrelaçant son petit doigt avec le mien, comme à notre habitude. Les choses s'enchaînent et tout devient de plus en plus réel. La fac. Je vais étudier le marketing, car j'aimerais ouvrir un jour mon propre magasin de vêtements. Je dessine des vêtements depuis que je suis toute petite, depuis que je sais marcher. Mais ouvrir ma propre boutique avec ma propre marque ne se limite pas à dessiner des vêtements. Il y a toute une logistique et beaucoup de travail derrière cela, que je souhaite développer pour réussir à réaliser mon rêve. Riley, quant à elle, se dirige vers la fac de médecine. Je ne sais pas si c'est le côté infirmière en petite tenue qui l'a poussée à choisir cette voie, ou si elle veut vraiment sauver des vies, mais elle est réellement motivée.

- Alors, rendez-vous à 16 heures ? On visite puis on retrouve les autres au centre commercial, propose Riley.

Les autres ne sont que Paul, Lucas et Mallory. Des amis que nous nous sommes faits au fil des ans. Des amis sur qui nous pouvons compter.

- Et puis... je suppose que Paul sera content de te voir, souligne-t-elle.

Tout le monde a toujours pensé que Paul et moi finirions ensemble. Il est vrai que c'est un garçon assez mignon et très gentil, mais je n'ai jamais eu le temps ni l'énergie de m'investir dans une relation sérieuse. J'ai enchaîné les histoires sans lendemain. Paul mérite bien plus que ce que j'ai à lui offrir.

- Très drôle ! je réplique en me levant pour me diriger vers la sortie du café. D'accord, mais je ne rentrerai pas tard. Mes parents rentrent aujourd'hui pour célébrer la fin des examens.
- Je sais, Ley, tu m'en parles tous les jours. Et je suis ravie pour toi, je sais à quel point tu attendais ça. De les revoir, je veux dire. Ça fait combien de temps ?
- Qu'ils sont partis ? Quinze jours. Ils me manquent tellement, je souris.
- Je le sais. Je suis vraiment contente pour toi, elle sautille en tapotant dans ses mains. On a vraiment des vies enviables, non ?
- On peut dire ça, je ris en prenant mon téléphone. Oh mince, deux appels manqués !
- Quand je te dis que tu ne fais jamais attention à ton téléphone, râle Riley en insistant sur le mot "jamais".

Je ris une fois de plus avant de reporter mon attention sur mon téléphone qui vient encore de s'allumer. Un appel entrant d'un numéro inconnu. Je décroche.

- Allô ?
- Mademoiselle Jones ?
- C'est bien moi. Qui êtes-vous ?
- Vous êtes la fille de M. Jones et Mme Brown ?
- De Stephen et Mary, je confirme. Oui, mais qui êtes-vous ? je m'impatiente.

Riley me fixe avec une expression pleine d'interrogations, ses yeux pétillants de joie se sont soudain assombris par la peur, reflétant exactement ce que je ressens à l'intérieur. Mon cœur bat si fort que j'ai l'impression que Riley pourrait l'entendre.

- Olivia de l'hôpital Stenword. Pourriez-vous venir immédiatement à l'hôpital ? dit une voix au téléphone, empreinte d'une urgence qui me glace le sang.
- Que se passe-t-il ? demandai-je, ma voix tremblante sous l'effet du stress.
- Je vous attends, se contente de répondre la voix avant de raccrocher.

Je reste quelques secondes, figée, pressant mon téléphone contre ma poitrine comme si cela pouvait apaiser le tourbillon qui s'est emparé de moi. J'ai l'impression que le monde s'effondre autour de moi et que rien ne peut arrêter cette chute libre. Riley, fidèle à elle-même, attend avec une impatience teintée d'inquiétude, une réponse à ses questions silencieuses. Je prends une inspiration tremblante et parviens finalement à lui parler.

- Ce sont mes parents... Enfin... Je dois aller à l'hôpital, mais le médecin ne m'a rien dit au téléphone et... je murmure, ma voix se brisant sous le poids de l'incertitude.
- Je viens avec toi, déclare-t-elle immédiatement, sa voix ferme contrastant avec le chaos de mon esprit.

Échos du passé. Où les histoires vivent. Découvrez maintenant