Chapitre deux

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LEYA.

L'attente est interminable. Les couloirs se vident et se remplissent au fur et à mesure que les minutes passent. Je joue nerveusement avec mes doigts, essayant de me calmer.

- Bon, ma meilleure amie attend depuis quinze minutes ! Quelqu'un peut lui dire ce qui se passe ? hurle Riley à la dame de l'accueil.
- Écoutez, le médecin va...
- Mlle Jones ?

Je relève immédiatement la tête. Une femme en blouse blanche se tient à la porte. Son regard est... triste ? Elle me fixe, attendant une réponse que je finis par donner.

- Je... c'est moi.
- Suivez-moi, s'il vous plaît.

Je l'obéis sans broncher, lançant un regard à Riley qui m'adresse un léger sourire compatissant. Le médecin pousse une porte où il est écrit « DOCTEUR MEMPHIS OLIVIA ». Olivia. Comme la personne que j'ai eue au téléphone.

- Asseyez-vous, me dit-elle une fois que nous sommes entrées dans le bureau.
- Non, ça va aller. J'aimerais juste savoir ce qu'il se passe parce que...
- Vous devriez vous asseoir, Mlle Jones.

Devant son insistance, je cède et prends place sur l'un des deux fauteuils en face de son bureau. Le silence qui s'installe entre nous me rend encore plus nerveuse, et je sens que je pourrais exploser à tout moment.

- Mlle Jones, commence-t-elle. Si je vous ai appelée, c'est parce que vos parents ont été victimes d'un accident de la route.
- Quoi ?! Comment vont-ils ?! Où sont-ils ?!
- Votre père est actuellement en salle d'opération. Il a perdu beaucoup de sang à cause d'une hémorragie. Les médecins font tout leur possible pour le soigner et maintenir son état. Je vous le garantis.
- Et ma mère ? je demande, repensant à cette scène surréaliste.
- Je suis désolée...
- Et ma mère ?! Docteur, ma mère ! Dites-moi qu'elle va bien. Je vous en prie...
- Votre mère est décédée, Mlle Jones. Quand les secours sont arrivés, elle n'était déjà plus là. Elle est décédée suite à la collision. Elle n'a pas eu le temps de se rendre compte de l'accident ni de souffrir.
- Ce n'est pas possible.

Je ne savais pas qu'il était possible de ressentir la colère, la tristesse et le désespoir en même temps et en si peu de temps.

- Un officier va venir à votre rencontre pour vous parler de l'accident. Il ne devrait pas tarder. Y a-t-il quelqu'un que je puisse contacter pour vous accompagner, Mlle Jones ?
- Non... je... ce n'est pas nécessaire, je finis par articuler entre plusieurs sanglots.
- Je suis désolée, répète-t-elle.
- Est-ce que... est-ce que je pourrais les voir ?
- Votre père est en salle d'opération, cela ne sera pas possible. Votre mère, en revanche, oui bien sûr... ça va aller ?

J'ai envie de lui hurler que non, ça n'ira pas. Comment cela pourrait-il aller ? Il y a encore une heure, je planifiais l'avenir et j'étais heureuse. Et maintenant, je suis censée planifier... un enterrement ?

- Non, ça ne va pas aller. Comment suis-je censée aller bien après ça ?!
- Je suis désolée...
- Oui, ça va, j'ai compris. Malheureusement, être désolée ne ramènera pas mes parents en bonne santé.

Après ces mots, je me lève et me dirige vers l'accueil. Cette médecin n'y est pour rien, mais c'est plus fort que moi. J'en veux à la terre entière de me priver de ma vie. De tous les scénarios possibles et inimaginables que je me suis faits sur le chemin jusqu'à l'hôpital, je n'aurais jamais pensé à ça. Jamais.

- Leya...
- Oh, Riley, c'est horrible ! je m'écrie en larmes en lui sautant dans les bras.
- Viens là, on va s'asseoir et tu vas tout me raconter...

Je la suis sans broncher. En même temps, je pleure tellement que je ne suis pas sûre qu'un seul mot aurait pu sortir. Riley s'assoit sur une des chaises et m'invite à faire de même. Une fois installée, elle me regarde avec insistance, fronçant les sourcils. Elle s'attend au pire, et elle a raison.

- Mes parents... mes parents ont eu un accident de voiture. Mon père est en train de se faire opérer et ma mère...

Je ne finis pas ma phrase et repars en sanglots. Je vois les larmes couler le long des joues de ma meilleure amie avant de me jeter à nouveau dans ses bras. Elle me serre si fort que ça m'en fait presque mal. Je suis censée me sentir vivante, et pourtant, je ne me suis jamais sentie aussi morte.

- Je ne vais pas te dire que ça va aller parce que je sais que ce n'est pas le cas. Mais je serai là pour toi. Toujours. Et il va falloir que tu sois forte pour ton père, d'accord ?
- Mais comment veux-tu... que je sois... forte...
- Oh Ley, pas à moi. T'as toujours été une battante. Je te rappelle la fois où t'as botté le cul de Sandy parce qu'elle m'avait poussée ?
- On avait six ans, Riley...
- Justement ! Et la fois où tu m'as sauvée lors de cette soirée où j'ai été droguée ? Si tu n'étais pas intervenue, j'aurais été violée et...
- Riley, c'était rien. Rien de comparable à aujourd'hui. Ce n'est pas la même force qu'il me faut. C'est...
- Ce que je veux dire, c'est que depuis qu'on est gamines, tu as passé ton temps à me sauver, Ley. Cette fois-ci, c'est à moi de te sauver. Je ne t'abandonnerai pas. Et ta mère aurait voulu que tu sois forte. Je sais que c'est bizarre de vouloir parler à la place des gens, surtout s'ils ne sont plus là, mais ce n'est pas mal de le faire. Je l'aimais tellement.
- Tu vois, même ça... je l'aimais, je répète. On est obligées de parler au passé...
- Oui, mais aussi au futur. Même si elle n'est plus là, ton amour pour elle ne s'arrêtera pas. Jamais. Et elle sera toujours près de toi. Elle ne t'abandonnera pas, tout comme moi.
- Riley... je ne sais pas si je vais y arriver...
- Oui, tu vas y arriver. Et on va faire ça ensemble.

Je n'ai pas le courage de lui répondre. Je n'ai aucun mot qui puisse soulager la douleur que je ressens en ce moment. Je ne pourrai plus jamais entendre ma mère rire, ni même me conseiller ou m'engueuler. Putain, que j'aurais aimé qu'elle me hurle dessus. Mais elle ne pourra plus jamais le faire, car la vie en a décidé autrement. Et le pire, c'est que la vie ne m'a même pas donné l'occasion de lui dire au revoir et de la serrer dans mes bras une dernière fois. Et si mon père ne s'en sortait pas ? Et s'il rejoignait ma mère ? Et si je restais définitivement seule ?

- Ley, ça va ? demande Riley, fronçant les sourcils.

Non, ça ne va pas. Et elle le sent. Ma respiration devient plus rapide. Mon cœur bat si vite que ça en devient presque épuisant.

- Respire... 1... 2... 3...

Riley perçoit ma crise d'angoisse. Je m'appuie sur ses mots pour essayer de respirer plus calmement et d'apaiser ce qui se passe dans mon corps.

- Voilà, c'est ça, ajoute-t-elle. Ça va aller...

La crise disparaît petit à petit, et je m'agrippe à la veste de Riley, posant ma tête sur son épaule. J'ai l'air pitoyable, mais je n'en ai plus rien à faire maintenant. Les apparences, pour une fois, ne m'intéressent plus.

- Mlle Jones ?

Je relève la tête à ces mots, me ramenant à la scène qui s'est déroulée il y a déjà une demi-heure. Un officier se présente, mais je ne l'écoute pas. Mon regard se fixe sur sa carte avec son nom. Il a le même nom que ma mère. Triste coïncidence.

- Mlle Jones ? Vous m'écoutez ?
- Je... oui...
- Je suis désolé et je réalise que ce n'est pas le bon moment, mais...
- Y aura-t-il un meilleur moment, officier ? Je ne suis pas sûre, je siffle.
- Euh, oui, pardon... Je suis là pour parler de l'accident. J'imagine que vous n'attendez qu'une chose : que nous attrapions la voiture qui a causé l'accident de vos parents et...
- Pardon ? Je me redresse à ces mots.
- Oui, Mlle Jones. Nous sommes à la recherche de la voiture qui a percuté celle de vos parents.
- Vous êtes en train de dire que ce n'est pas un accident banal ? Que quelqu'un a tué ma mère et blessé mon père ?
- C'est ça, Mlle Jones. Si j'ai du nouveau sur l'affaire ou des détails, je viendrai vous informer.
- Je... d'accord. Et si vous finissez par l'arrêter, je veux voir cette personne. Je veux lui faire face et lui dire à quel point ma vie est ruinée. À quel point elle a détruit ma vie.

Parce que c'est vrai. Plus rien ne sera jamais comme avant. Je n'ai que des regrets et de la tristesse désormais.

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