Chapitre vingt-et-un

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LEYA.

Chaque soir, comme une ombre furtive, je me glisse dans la nuit, là où la pénombre enveloppe mes pensées et mes angoisses. Le jour, ce vaste tableau de lumière et de bruit, m'étouffe, me plonge dans un tourbillon d'inquiétudes. La nuit, en revanche, est mon sanctuaire, le seul moment où la solitude se transforme en une liberté précieuse. Alex, quant à lui, disparaît inlassablement à la tombée de la nuit, se mêlant à ses collègues et à l'ambiance festive des bars. Malheureusement, la plupart des soirées, il rentre imprégné d'alcool, un mélange de mépris et d'agressivité flottant autour de lui comme une aura menaçante. Je sais que la moindre parole pourrait déclencher une tempête. Alors, je me tais, figée dans ma peur.
Notre relation, autrefois pleine de promesses, s'est métamorphosée en un champ de bataille silencieux, régi par la peur insidieuse qu'il me frappe encore. Les marques de son emportement sont gravées sur mon visage, témoins silencieux de la douleur que je porte en moi. À chaque mouvement, mon corps crie son désespoir, m'avertissant des dégâts que j'ai subis. La peur m'assiège constamment, à l'exception de ces heures nocturnes où je me sens enfin libre, sachant qu'il est ailleurs, loin de moi.
Ce petit répit, je le chéris plus que jamais. Mon unique évasion se trouve dans ma quête nocturne d'un beignet à la framboise, ce délice que propose la petite boulangerie au coin de ma rue. La magie du libre-service me protège des regards indiscrets. Personne ne peut me dévisager dans l'obscurité, personne ne peut lire les souffrances écrites sur mon visage meurtri. Les rues sont relativement calmes à cette heure, offrant une tranquillité trompeuse. Mais peut-être que tout cela est entièrement de ma responsabilité, un fardeau que je porte silencieusement. Une pulsion insidieuse s'immisce en moi, me soufflant que je suis celle qui doit porter le poids du changement. Peut-être que c'est moi qui dois tendre la main à Alex, celui qui m'a soutenue dans mes moments les plus sombres, qui a sacrifié ses propres désirs pour m'aider à me relever. L'image de ses efforts, ses nuits blanches à veiller sur moi et à m'apporter du réconfort, rend mon cœur lourd. Si je ne le fais pas, qui le fera ? Cette pensée me ronge, comme une vague accablante qui engloutit toutes mes certitudes. Je dois retrouver cette force, puiser dans la détermination que j'avais pour lui. Je dois l'aider à se retrouver, à panser ses blessures, même si cela signifie plonger à nouveau dans le chaos de notre relation.
Mais alors que je m'apprête à traverser, une voiture surgit de nulle part, manquant de peu de m'écraser. L'idée que cela aurait pu mettre un terme à toutes mes souffrances traverse mon esprit.

- Putain, mais regarde où tu vas ! tonne une voix rauque, vibrante de colère.

Je lève brusquement la tête, prête à l'assaillir de ma rage, mais le choc est dévastateur : c'est Ryder. La surprise peinte sur son visage ressemble à la mienne, et saisissant cette opportunité, je pivote sur mes talons, désireuse de fuir cet affrontement. Je dois rentrer, loin de lui, loin de tout. Mais alors que je m'approche du bout de la rue, une voix familière me cloue sur place.

- Attends, Leya !

La voix s'élève, forte et déterminée, fendant l'air nocturne comme une décharge électrique. Elle se rapproche à une vitesse vertigineuse, pulsant à l'unisson avec le battement affolé de mon cœur, avant même que je ne puisse saisir ce qui se joue. L'adrénaline s'emballe dans mes veines, me faisant perdre mes repères.

- Ryder, laisse-moi tranquille, baragouine-je, toujours dos à lui, mes mots teintés de colère et de peur.
- Leya, répond-il, sa main se posant brusquement sur mon épaule, me tirant de ma torpeur. Je sursaute, tendue comme un arc. Hé, n'aies pas peur. C'est moi, Ryder.
- Justement ! m'emporte-je en me retournant brutalement. Laisse-moi tranquille !
- Aïe, t'es moins jolie, caméléon. Qu'est-ce qu'il t'est arrivé ? demande-t-il, son regard perçant scrutant les marques laissées sur ma peau.
- Je suis tombée. Dans les escaliers. D'autres questions ? rétorqué-je, essayant de cacher ma vulnérabilité derrière une façade de bravade.
- Oui, une seule. Pourquoi tu me mens ? insiste-t-il, sa voix implacable.
- Je ne mens pas.
- Je veux bien te croire maladroite, mais pas à ce point. Ton visage est trop abîmé pour qu'une simple chute suffise, même grave.
- Faut croire que je suis très maladroite alors, répliqué-je, me défendant avec un sarcasme désespéré.
- Ou très menteuse. Pourquoi tu le protèges ? dit-il brusquement, et ses mots résonnent comme une accusation inébranlable.
- Qui donc ?
- Ton fils de pute de petit-ami, lâche-t-il, sa colère palpable.
- Ne l'appelle pas comme ça ! défends-je, l'indignation remplaçant ma peur.
- Je répète ma question. Pourquoi tu le protèges ?
- Je ne protège personne, m'insurge-je, mais un frisson d'incertitude me parcourt.
- J'espère que tu dis vrai. Parce que j'imagine que tes parents n'auraient pas aimé ça.
- Ne parle pas d'eux, je crache, ma voix tremblante trahissant la douleur.
- Pourquoi ? Parce que j'ai raison ?
- Tu ne sais pas de quoi tu parles.
- Oh si, plus que tu ne le crois. Mais vas-y, si ton plan c'est de continuer à mener ta vie de merde, fais-le, rétorque-t-il avec un cynisme désabusé.
- Pourquoi ma vie t'intéresse-t-elle tant que ça ?
- Elle ne m'intéresse pas, caméléon, conteste-t-il. Mais Ashley si. Et y a rien que je ne puisse faire pour elle.
- Alors rassure-la, je vais bien, dis-je, ma voix se brisant sous le poids des mots.
- Oh oui, ça se voit. Une pêche d'enfer, hein !
- Laisse-moi. Et arrête de me suivre. Surtout dans la nuit. Tu me fais peur, avoue-je, une mélodie de panique s'insinuant dans mes paroles.
- Très bien, fais comme tu le sens. Mais tu fais une grave erreur, dit-il, un air déterminé sur son visage.
- Non, Ryder. Tu sais quelle est ma plus grosse erreur ? C'est de t'avoir laissé me toucher ! Tu ne me causes que des ennuis, alors s'il te plaît, oublie-moi et arrête de m'harceler.
- Je ne t'harcèle pas, je te sauve. Accepte-le. Mais si tu ne veux pas de mon aide, je suis sûr qu'Alex se fera un malin plaisir à venir te chercher.

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