Chapitre 17

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Il poursuivit sa tirade avec une fierté non dissimulée, vantant son entreprise comme un trésor précieux qu'il chérissait avec la plus grande attention. Il me fixa ensuite d'un regard empreint d'une fausse sollicitude, un sourire en coin, et me lança : « Qu'en dites-vous ? Travailler comme secrétaire d'accueil à YoonBioPharma pendant les vacances ? »

Après un bref instant d'hésitation, j'acceptai sa proposition. Je n'étais pas certaine de ce qui me glaçait le plus : avoir consenti à travailler pour lui ou m'être retrouvée, quelques instants plus tard, assise dans sa voiture, en route vers un endroit inconnu.

Le trajet sembla durer une éternité, chaque minute s'étirant dans un silence oppressant. Quand enfin nous arrivâmes à destination, le grand bâtiment de YoonBioPharma se dressait devant nous, imposant et austère. Les lignes épurées de son architecture moderne étaient une façade trompeuse pour ce qui se cachait à l'intérieur.

Dès que la voiture s'immobilisa, des hommes en costume ouvrirent les portières arrière avec une précision mécanique. Nous sortîmes chacun de notre côté, et je le rejoignis, le suivant de près alors qu'il pénétrait dans le bâtiment. L'intérieur était d'une splendeur glaciale, mêlant luxe et fonctionnalité, avec des murs de verre et de métal reflétant une atmosphère clinique, presque stérile. L'air y était saturé d'une odeur indéfinissable, un mélange de désinfectant et de quelque chose de plus profond, presque inquiétant.

Nous traversâmes l'immense hall d'entrée, et je remarquai que chaque employé que nous croisions s'inclinait respectueusement devant Yoon Geonwoo, leur déférence trahissant la puissance indiscutable qu'il exerçait sur eux. Il était évident que sa supériorité imprégnait chaque recoin de cet endroit. Contrairement à lui, les regards que le personnel me jetait étaient partagés entre surprise et mépris, comme si ma présence ici était une anomalie.

Une fois dans l'ascenseur, l'espace se resserra autour de nous. Nous n'étions plus que trois : lui, moi, et son assistante, une femme aux yeux perçants qui me jaugeait avec une froideur à peine dissimulée.

Si je devais décrire cet endroit, je dirais qu'il était aussi énigmatique que somptueux. Plus nous descendions vers les niveaux inférieurs, plus l'atmosphère devenait lourde, presque oppressante, comme si les secrets les plus sombres de l'entreprise se cachaient dans les profondeurs. En revanche, à mesure que nous montions vers les étages supérieurs, une avidité palpable imprégnait l'air, stimulante pour certains, toxique pour d'autres. Le personnel, lui, semblait organisé selon une hiérarchie impitoyable : les plus démunis, les promus et les sunbae* ( Personne issue de la même entreprise ou université, mais plus expérimentée, à qui l'on doit donc respect et obéissance* ), ces anciens à qui le respect et l'obéissance étaient dus sans question. Chaque étage racontait une histoire de pouvoir, de lutte et de soumission, le tout sous l'œil vigilant de Yoon Geonwoo, qui régnait sur cet empire avec une autorité implacable.

L'entreprise elle-même était un labyrinthe de couloirs impeccables, bordés de bureaux ultra-modernes où la technologie la plus avancée côtoyait des protocoles de sécurité stricts. À travers les baies vitrées, on apercevait des laboratoires où des chercheurs en blouses blanches s'affairaient, leurs mouvements précis et méthodiques, comme des rouages bien huilés d'une machine complexe. Le tout dégageait une impression de perfection glaciale, mais aussi de mystère, comme si, derrière cette façade lisse, se cachait un monde interdit aux non-initiés.

« Bienvenue chez YoonBioPharma, Mademoiselle Do ! »

La voix de Yoon Geonwoo résonna dans l'air, teintée d'un sourire qui se voulait aimable mais dégoulinait de sarcasme. Ses yeux brillaient d'une lueur narquoise tandis qu'il m'accueillait, me jaugeant sans détour.

Je pris un instant pour observer les lieux qui m'entouraient. Son bureau de PDG, bien que luxueux, semblait étrangement dépouillé, presque aseptisé. L'atmosphère y était froide, trop lisse, comme si tout avait été méticuleusement orchestré pour projeter une image. Je me sentais comme dans un décor de cinéma, où chaque détail était soigneusement calculé pour raconter une histoire, mais qui sonnait faux, creux.

Les murs, revêtus de pierres somptueuses, étaient ornés de photos de famille. Les visages souriants capturés dans ces cadres cherchaient à peindre le tableau d'une vie familiale parfaite, une vitrine de bonheur. À côté, des photos d'employés promus, alignées avec une précision militaire, voulaient souligner un PDG bienveillant et attentionné. Pourtant, l'effet produit n'était qu'une impression de façade, comme si ces images avaient été posées là pour masquer une réalité bien plus obscure.

Les étagères qui couvraient les murs étaient remplies de livres sur l'anatomie et la médecine, mais aucune trace de travail en cours ne trahissait l'occupation de cet espace. Son bureau, impeccable, ne montrait ni dossiers empilés, ni papiers épars. Tout semblait figé, dénué de vie réelle.

Je laissai échapper un soupir silencieux, troublée. Une confusion sourde s'empara de moi : étais-je simplement paranoïaque, en train d'imaginer des choses là où il n'y en avait pas ? Ou bien cette pièce, avec son apparente perfection, dissimulait-elle quelque chose de profondément dérangeant ?

« Mademoiselle Do, veuillez vous asseoir. Il faudra remplir quelques papiers, puis vous pourrez commencer dès demain. »

Sa voix, froide et autoritaire, ramena brutalement à la réalité la raison de ma présence ici. Je pris une seconde pour l'observer, cet homme dont l'attitude semblait toujours dissimuler quelque chose. Puis, avec une pointe de réticence, je m'approchai et m'assis dans le fauteuil en face de son bureau. Son sourire était toujours là, figé, mais son regard me troublait, perçant et inquiétant, comme s'il essayait de lire au plus profond de mes pensées.

Nous étions là depuis presque une heure, à discuter des règles du bâtiment, des différentes fonctions de chaque étage, et des accès strictement contrôlés. Chaque mot qu'il prononçait était précis, pesé, comme pour mieux ancrer dans mon esprit les limites invisibles qui régissaient cet endroit. Rien de tout cela ne me surprenait vraiment, après tout, je ne m'attendais pas à des révélations spectaculaires en tant que simple secrétaire d'accueil.

Il me présenta ensuite le contrat, détaillant chaque contrainte, chaque clause avec une attention méticuleuse. Ses explications sur la rémunération, les accords à respecter, étaient données sur un ton qui se voulait rassurant, mais ne faisait qu'ajouter à ma méfiance. Pendant qu'il parlait, je parcourais le document des yeux, cherchant la moindre faille, la moindre embûche dissimulée dans ces lignes. Je ne pouvais me permettre de laisser quoi que ce soit au hasard, surtout pas avec un homme comme lui.

Finalement, j'attrapai le stylo et signai, les doigts légèrement tremblants. Ce geste, bien que simple, me laissait un arrière-goût amer. Je savais que je venais de m'engager, mais une part de moi restait sur ses gardes, redoutant qu'il y ait plus dans ce contrat que ce que j'avais pu déchiffrer.

« Avant de partir, tenez, vous pouvez rester séjourner à l'hôtel où vous étiez, » dit-il en tendant sa carte, la même qu'il avait utilisée pour me retrouver. Cette fois-ci, une réticence s'empara de moi alors que mes yeux fixaient la carte, mon estomac se nouant en une boule de méfiance. Il ajouta alors, avec un rire à peine contenu, « Il n'y aura pas de police cette fois-ci. Utilisez-la à votre guise. »

"Lorsque c'est gratuit, c'est vous le produit." J'aurais dû graver cette phrase dans mon esprit avant d'accepter cette carte de ses mains.

En la prenant, je sentis un frisson parcourir ma colonne vertébrale, une sensation de malaise que je ne pouvais ignorer. Je savais que cette générosité n'était pas innocente.

Certes, j'avais maintenant un emploi, une rémunération pour les vacances et même les week-ends pendant l'année scolaire, et à cela s'ajoutait cette carte qui semblait offrir des fonds illimités. Mais à quoi tout cela rimait-il vraiment ? Une partie de moi savait déjà la réponse : j'étais en train de me lier à quelque chose de bien plus sombre que je ne pouvais l'imaginer. Chaque avantage offert ne faisait que resserrer les chaînes invisibles autour de moi. Cette carte, si anodine en apparence, était peut-être le premier clou dans le cercueil que je venais de commencer à creuser.

Le Cœur en 8 moisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant