Supermundane tome 1

Episode 17 : échec

   Stoïque, je suis assise sur une chaise, dans un grand couloir blanc impersonnel. Je ne suis pas la seule à attendre mon entretien d'embauche.

À la fois anxieuse et concentrée, je me tords les doigts. Le stress monte invariablement. Je devine déjà que cela se passera mal. Les nombreux refus essuyés depuis quelques semaines minent malheureusement mon enthousiasme.

Je n'ose plus y croire.

Une dame d'une cinquantaine d'années finit par venir me chercher, je la suis jusqu'à un bureau où un homme m'attend.

L'entretien débute par quelques questions de routine, je réponds poliment, sans grande conviction. Toutes ces questions, je les connais par cœur.

Défaitiste, je commence à avoir l'habitude de ne pas correspondre au profil recherché.

-Je remarque que vous n'avez pas beaucoup d'expérience ...

« Bla bla bla » je pense en riant intérieurement.

Vous n'êtes pas qualifiée pour le poste.

Je sursaute, je ne suis pas certaine d'avoir entendu cette phrase assassine. Surprise par les propos aussi directs de mon éventuel futur employeur, je m'agite sur ma chaise, mal à l'aise.

-Je vois que vous n'avez pas terminé vos études de médecine ? Pourquoi ? continue l'homme avec amabilité.

Vous ne trouverez jamais de travail... c'est foutu d'avance, vous êtes une cause perdue.

-Pardon ? Que dites-vous ?

Il me regarde étonné, mais ne prononce pas un mot, car le téléphone sonne à l'instant même. L'homme répond immédiatement, ne tenant même pas compte de ma présence.

Il écoute avec sérieux.

-Que pasa ? Ella va al doctor ?

Il continue de répondre en espagnol à plusieurs reprises pour enfin finir par raccrocher.

-Excusez-moi, un appel important au sujet d'un de mes enfants.

-Oui, j'avais compris. Ne vous excusez pas.

-Vous parlez espagnol ? Pourtant, vous ne l'avez pas mentionné dans votre CV? Inhabituel !

Je ne réponds rien, moi-même surprise d'avoir compris les propos de l'homme au sujet de son enfant.

-Vos études de médecine, pourquoi ne pas les avoir achevées ? poursuit-il.

...Vous ne serez jamais capable de rien ... une bonne à rien.

Je commence à me sentir mal, à étouffer dans ce bureau. Le tourbillon revient et m'englobe, similaire à celui dans l'avion et à celui qui m'avait tourmenté au restaurant.

-Comment osez-vous me parler ainsi ? murmuré-je enfin, tout en espérant que ce moment s'achève au plus vite.

-Je ne comprends pas ? répond l'homme perplexe.

Vous perdez votre temps ! C'est sans espoir !

Toutes ces phrases me bouleversent et saccagent le peu de confiance qu'il me reste. Je me sens défaillir sur ma chaise. Je vais faire un malaise devant lui, vomir mes tripes sur son bureau.

Mon corps tremble de toute part, comme assommée par ces phrases qui raisonnent dans mon esprit et qui pourtant ne semblent pas être prononcées par l'homme face à moi.

Comment est-ce possible ?

Que se passe-t-il encore ?

Ces paroles me blessent et me rappellent tellement les propos dédaigneux de ma belle-mère, Georgia. J'aimerais boucher mes oreilles et ne plus rien entendre, me mettre en boule dans un coin de la pièce et pleurer toutes les larmes de mon corps.

Décomposée, je reste comme prostrée devant l'homme, impossible de prononcer un mot de plus.

Celui-ci se penche vers moi, inquiet face à cet entretien étrange.

-Je ... je crois que nous allons nous arrêter là ! Je vous tiens au courant si votre candidature nous intéresse, finit-il par dire, sans grande conviction tout en se levant et me conduisant vers le couloir.

C'est un échec cuisant.

Un échec de plus.