Supermundane tome 1

Episode 5 : attendue quelque part

   Au volant de ma Volvo, j'essaie de rester concentrée sur la route, tentant d'oublier ma journée catastrophique au restaurant. 

Susan doit me prendre pour une demeurée, une fois de plus et ce qui vient de se passer lui donne raison. J'enrage rien que d'y penser.

J'entends la sonnerie de mon mobile retentir :

«Georgia »

Je contemple l'écran, mais ne décroche pas, fatiguée d'avance d'avoir cette conversation, une de plus qui ne servira à rien et qui me plongera dans un profond mal-être.

Je ne veux plus subir ça, surtout pas après cet épisode traumatisant au restaurant où je revois encore les lambeaux se détacher des jambes de ma collègue, un cauchemar éveillé que je n'assume pas.

Je balance mon téléphone sur le siège passager. Tant pis, nous parlerons plus tard. 

Peut-être.

Je roule un moment sans but précis, puis je m'engage sur un rond-point. Soudain, mes mains se crispent sur le volant. Face à moi, un véhicule emprunte le rond-point, mais en sens inverse. Celui-ci m'arrive droit dessus. Nous risquons la collision à tout moment. Je tente de freiner, mais paralysée par la peur, mes jambes semblent coupées.

D'un mouvement brusque, tout en poussant un cri strident, je braque sur la droite et me retrouve sur la pelouse du bas-côté, indemne.

Haletante, je lève les yeux pour chercher le véhicule qui a failli me tuer sur place.

Personne.

La route est déserte. Dépitée, je repense aux jambes de Susan. Suis-je en train d'halluciner une nouvelle fois ? De perdre la tête ?

Je suis seule, juste moi et le bitume brulant.

-Mais qu'est-ce qui m'arrive ?

Après dix minutes, j'ose enfin démarrer prudemment, vérifiant sans cesse la route devant moi et jetant des coups d'œil anxieux vers mon rétro.

Perturbée, je roule sans but, ne souhaitant pas rentrer chez moi où personne ne m'attend. Lentement, le soleil décline dans le ciel. J'en viens à me garer devant un Starbucks. J'hésite à aller me chercher une boisson, puis je finis par rester, là, prostrée dans mon véhicule.

L'endroit est assez fréquenté et bruyant. Les gens semblent détendus devant une tasse de café, un thé ou un frappucino.

À cet instant, je me sens misérable. Le contraste entre ces gens et moi me parait brutal, violent. J'essaie de ne plus y penser, mais ils sont là devant moi, en famille, en groupe, en couple.

Moi, je suis ici dans mon véhicule à ressasser ma pitoyable journée. Je pense à Georgia qui a essayé de me joindre et cela me donne le cafard. Je n'ai pas le courage de la rappeler.

Je réalise que ma solitude est aussi de ma faute.

Ma personnalité froide et distante m'empêche d'avoir une vie dite normale. Au fond de moi, je me sens en constante survie.

J'ai conscience que je devrais changer, évoluer, que je devrais agir pour bouleverser tous mes mauvaises habitudes et mes mauvais travers.

Il n'est jamais trop tard pour devenir meilleur et pourtant, je me sens bloquée.

Mais par quoi ? Mon passé nébuleux ?

Je sais intimement que je devrais changer, tout en ne lâchant pas des yeux ces gens attablés au Starbucks. Je voudrais devenir comme eux.

Pourtant, je n'y arrive pas.

Devrais-je me forcer à changer ? Comment y arriver si le mot bonheur ne signifie rien pour moi ? Qui m'aiderait ? Certainement pas Georgia.

Quand je repense à mon parcours, je ne peux qu'être amère ou déçue. Ma mère adoptive, Georgia, m'a portant offert tout le confort matériel, mais ce n'est pas ça l'important, ce n'est pas cela qui rend heureux.

Ce n'est pas de l'argent dont j'avais besoin. Je voulais juste être aimée et attendue quelque part.

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Merci pour votre lecture.

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