Supermundane tome 1

Episode 34 : un bon bouquin

   Anxieuse, je décide de quitter le bureau plus tôt que d'habitude. Je suis trop préoccupée par toutes ces coïncidences étranges qui ne cessent de se multiplier autour de moi.

Instinctivement, je fais un détour par l'appartement de Gail avant de rentrer chez moi. La solitude ne me tente pas trop pour ce soir. Et cette fois, j'aimerais passer un moment avec mon amie, oser lui révéler ce que je ressens. J'ai besoin de me confier et surtout de m'excuser auprès d'elle pour mon attitude passée.

Je marche d'un pas décidé sous une pluie fine. Un vent du nord prononcé me décoiffe, je finis par enfoncer ma capuche sur la tête.

Gail m'ouvre la porte avec un large sourire. Cela me console un peu de découvrir un visage aimable.

-Je suis ravie par ta visite surprise ! lance-t-elle tout en l'embrassant.

-Comment vas-tu ?

-Très bien et toi ?

-Ça va. Le boulot me plait, juste un peu fatiguée.

-Tu dors toujours aussi mal ?

-Ça va un peu mieux.

Je réalise que je ne suis pas complètement honnête avec elle et je me déçois une nouvelle fois, mais je ne veux pas l'inquiéter, juste la rassurer et passer une bonne soirée, en mode décontracte.

Ce soir, je n'ai plus envie de parler de mon état mental préoccupant.

Je veux juste savoir comment Gail va, oublier pour quelques heures ma petite personne et m'intéresser à celle qui ne m'a jamais laissée tomber.

-Gail, je tenais à m'excuser pour mon comportement lorsque tu m'as hébergée.

-N'en parlons plus, Leo, c'est déjà oublié, d'accord ?

Je hoche la tête, reconnaissante par sa patience et sa gentillesse.

-Que faisais-tu de beau ?

-Je lisais un bouquin, dit-elle en lui montrant le livre en question.

-Encore les sœurs Brontë ?

-Je ne me lasse jamais d'un bon Jane Eyre, souffle-t-elle en fixant la couverture tout abimée de son livre.

-Quand je pense que tu lis leurs livres depuis ton adolescence.

Brusquement, je sens mon crâne être foudroyé par une terrible migraine, m'obligeant à fermer les yeux quelques instants dans le but de contrôler un vertige.

-Leo, tout va bien ?

-Hyperemesis gravidarum...

-Quoi ? Mais de quoi parles-tu ?

Je n'arrive plus à répondre à mon amie, les mots se mélangent dans mon esprit, je perds l'équilibre et d'un seul coup, je n'arrive plus à savoir où je suis. Une nouvelle crise. Le tourbillon reprend encore et encore, il me lessive ma cervelle.

-Ce mot me dit quelque chose, c'est étrange ... pourquoi dis-tu cela, Leo ?

-Je... je dois y aller. Désolée Gail.

-Ne pars pas dans cet état, s'écrie-t-elle en me retenant par le bras.

-Je dois vraiment y aller.

Je m'enfuis littéralement malgré ses éclats de voix et je disparais dans le couloir sous son regard impuissant.

-Hyperemesis Gravidarum ? répète Gail tout haut, cherchant dans sa mémoire où elle a déjà entendu ces mots atypiques.

Elle finit par baisser les yeux sur son vieux bouquin et brusquement, se souvient.

-Mais je sais d'où je connais ce terme ! Charlotte Brontë en est morte ... s'exclame-t-elle pour elle-même. Comment connais-tu cela, Leo ? Qu'est-ce qui t'arrive ?

Mais je ne suis déjà plus là pour lui répondre.