Chapitre 14 - Je dois oublier Ophélia avant de m'oublier, moi.

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Léo 

Je ne sais pas depuis combien de temps j'ai quitté le trou à rat qu'est l'immeuble d'Ophélia, mais je ne bouge plus. Mon regard fixe un point dans l'obscurité. Je n'ai même pas démarré. Cette fille n'a rien de misérable ou de perdu. Elle est hargneuse et... Bordel, pourquoi suis-je allé chez elle ?

Pourtant, le comptable m'a proposé de faire le virement. Mais non, à la place, j'ai agi sans réfléchir. J'ai changé le montant du chèque et j'ai sauté sur la première occasion pour venir l'espionner chez elle. J'ai honte d'admettre que je voulais voir où elle vit. La voir, elle. J'avais même oublié qu'elle avait une colocataire !

Je ferme les yeux, cogne l'arrière de ma tête en jurant.

Je ne suis qu'un abruti !

Un abruti qui s'est fait recadrer en beauté par une gamine de dix-huit ans. Oui, dix-huit ans. J'étais sûr qu'elle m'avait menti sur son âge, mais j'avoue que la découverte de sa date de naissance a été le coup de grâce.

J'ai dépucelé une gamine le jour de ses dix-huit ans et je lui ai laissé de l'argent sur la table basse en partant comme je l'aurais fait avec une vulgaire prostituée. Elle m'a dit qu'elle n'avait nulle part où aller et plutôt que de l'aider, j'ai... Je ne termine pas le fil de mes pensées et jure à nouveau.

Je sors de ma poche la deuxième enveloppe et la scrute en me maudissant. Je ne lui ai même pas cherché du travail. Je comptais juste lui donner un chèque en lui disant de profiter de sa jeunesse. Mais je me suis dégonflé. Ou plutôt, elle m'a dégonflé !

Je secoue la tête. Aucune femme ne m'avait tenu tête comme ça. Aucune.

Anna était un ange, la douceur et la générosité incarnées. Elle ne comprenait rien aux guerres ni à la misère. Elle aurait adoré Ophélia. Elle l'aurait prise sous son aile et lui aurait montré que le monde peut être beau quand on sait où regarder.

Elle était la lumière et moi l'obscurité.

Je souris avec tendresse quand la solution s'impose tout à coup à mon esprit. Solution probablement soufflée par mon Anna, car c'est en pensant à elle que je l'ai trouvé.

Je démarre et appelle Lucia pour qu'elle mette tout en place avant la venue de ma peste d'inconnue demain. Peste qui m'a terriblement excité avec sa moue en colère et ses grands yeux bleus, j'admets honteusement.

Il faut vraiment que je me fasse soigner !

Elle n'a que dix-huit ans et je l'ai dépucelé comme on le ferai avec une prostituée, je me répète, espérant que mon esprit lubrique l'assimile. Sauf que celui-ci semble uniquement focalisé sur ses lèvres boudeuses, ce qui fait de moi un sacré pervers.

Je me gare devant chez moi et raccroche avec mon assistante à l'instant où j'arrête le contact. J'ouvre ma portière et souris en voyant la voiture de mon frère garée un peu plus loin.

— C'est à cette heure-ci que tu rentres ? lance-t-il avec une grosse voix avant de rire.

— Ça fait longtemps que tu es là ? je l'interroge en avançant à sa hauteur.

Il est venu vérifier que je n'ai pas aggraver mon cas avec Ophélia ? Je ne m'attendais pas à son appel ce matin. Je ne sais pas ce que lui a dit exactement ma sauvageonne, mais ça a piqué définitivement la curiosité de mon frère.

— Non, une vingtaine de minutes.

— Tu aurais dû entrer, lui dis-je en ouvrant la porte.

— Non, lance-t-il en refermant immédiatement ma porte avant que je ne rentre.

— Qu'est-ce que tu fais, Loukas ?

— Je te sors.

Je me crispe. Je ne suis pas dupe. Je suis resté vague dans mes réponses tout à l'heure et il a compris que mon trouble n'était pas juste dû à sa ressemblance avec mon Anna.

Je crois qu'il pense que j'ai viré Ophélia. Ce n'est pas le cas. Je savais qu'elle travaillait dans cet hôtel et dans le fond je l'ai même acheté pour me rapprocher d'elle.

Ma raison me dit de refuser, de rentrer chez moi, de corriger mes copies. Sauf que pour une fois, j'admets que mon frère a raison.

Je dois oublier Ophélia et le désir qu'elle suscite en moi. Cela fait six mois que je suis obsédé par cette fille, et cela ne peut plus durer. Il faut que je me rende à l'évidence, ce n'est plus mon cerveau qui commande quand il s'agit d'elle. J'ai cru pouvoir jurer fidélité à Anna, mais malgré ma bonne volonté, je ne suis pas fait pour l'abstinence.

— OK, je souffle à contrecœur.

Il reste une seconde stoïque, comme s'il assimilait ma réponse, et finit par sourire. Il soupire, rassuré, mais ne dit rien de plus.

Parfois, en famille, les mots ne sont pas nécessaires. Mon frère voit ma réponse comme une probable amélioration de mon état, mais ce n'est pas le cas. Je ne lui parlerai pas d'Ophélia, j'ai bien trop honte de mes actes. Je ne vais pas mieux. Au contraire, ma folie se propage avec l'aisance et la rapidité de la gangrène.

Je dois oublier Ophélia avant de m'oublier, moi.

My Mad KingOù les histoires vivent. Découvrez maintenant