Chapitre 2 - Aujourd'hui les étoiles, demain l'​​​​​​​obscurité

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Mon regard embrasse encore une fois la pièce et je m'interroge à nouveau sur qui est Léo. J'ai grandi en foyer. Une partie de moi pourrait se dire que je surestime peut-être l'opulence dans ce qui ressemble plus à un appartement qu'à une chambre. Mais même les gamins dont on ne veut pas ont la télévision. Je n'ai pas besoin d'avoir séjourné dans de multiples hôtels pour savoir que le luxe qui règne dans cette pièce n'est pas commun.

Ignorant mon trouble et mes interrogations silencieuses, Léo se dirige vers la cuisine. Il ouvre le frigo et en sort une bouteille de champagne ainsi que des amuse-bouches. Il dépose le tout sur une table basse et attrape deux flûtes dans un placard.

Pour ma part, je retire mon sac à dos et ma veste que je range dans un coin, comme si j'avais peur que cela n'efface l'opulente beauté de la suite.

— Alors, Ophélia, qu'est-ce qui t'amène à Athènes ? me demande-t-il en remplissant les coupes une nouvelle cigarette au bord des lèvres.

Je frissonne et décide de garder pour moi les véritables raisons. Je lui en ai déjà beaucoup trop révélé. Finalement, je réponds simplement :

— C'est mon anniversaire.

— Quel âge ?

Je devrais lui dire que j'ai dix-huit ans, mais de peur qu'il ne me prenne pour une enfant à peine sortie de l'adolescence, je mens :

— Vingt et un.

Une nuit.

Cette nuit, je suis qui je veux.

Et ce n'est pas Ophélia, 18 ans, sans domicile et sans famille.

— A un an près, tout pareil, souffle-t-il en vidant son verre d'un trait, comme s'il regrettait définitivement de m'avoir fait monter dans sa chambre.

Ce qui est probablement le cas.

Je devais sembler plus belle dans l'obscurité des jardins. Mes vêtements paraissent plus usés à la lumière de sa suite luxueuse.

Vexée malgré moi, je lui demande durement alors qu'il boit déjà une deuxième coupe :

— C'est ton anniversaire aussi  ?

Il m'observe, la mâchoire crispée.

— Non.

Il écrase brutalement son mégot et se sert à nouveau. Visiblement, je n'ai pas compris ce qu'il voulait dire. Peu importe, il peut être qui il veut lui aussi. Je décide de sortir sur la terrasse et reste un instant immobile, perdue dans la contemplation des lumières. Je m'imagine une minute être sur le toit du monde, égarée dans les étoiles. Un léger coup de vent me caresse le visage et je ferme les yeux en souriant.

Rien ne sera plus pareil demain. Demain, je devrai à nouveau affronter la vie. Mais ce soir, je laisse de côté ma misérable existence et profite de ce moment hors du temps et de ma réalité.

Pourtant une question me taraude l'esprit : qui est ce type dont le monde repose à ses pieds et qui semble être insensible à toute la beauté de ce qu'il possède ?

Je me tourne et surprends une nouvelle fois son air mélancolique ainsi que son regard dans le vide.

— Et toi ? je lui demande en entourant la rambarde en fer forgé de mes mains.

Léo lève les yeux vers moi, comme s'il venait de se souvenir de ma présence.

Et moi ?!

— Pourquoi es-tu à Athènes ?

Une ombre passe sur son visage. Il se fige et répond :

— L'habitude.

My Mad KingOù les histoires vivent. Découvrez maintenant