MIN SJEL (Mon âme)

chapitre 12

Rick : Min sjel.

Jone : T’entendre parler norvégien est perturbant.

Rick : C’est surtout ton âme sœur qui te trouble.

Il insista sur le mot « ton » et regarda la porte.

Jone : Elle ne me pardonnera jamais.

Rick : Tu ne peux pas le savoir. Le temps guérit tant de choses.

Il inspira profondément.

Jone : Va rejoindre ta femme. Je vais retrouver la mienne.

Rick partit. « Sa femme », cela le fit sourire. Il faudrait déjà qu’elle l’accepte. Et si ce n’était pas le cas ? Impossible ! Les âmes sœurs sont prédestinées, voilà tout. Il ne pouvait en être autrement. Quand Jone entra dans sa chambre, Becka était assise sur le lit. Elle avait des cernes et un regard si mélancolique que Jone sentit son cœur se fissurer. Elle ne leva pas les yeux, comme s’il n’était pas là. Il s’approcha d’elle, elle releva la tête et le regarda dans les yeux. Il put enfin observer son visage terni par la souffrance qu’il lui avait infligée malgré lui.

Becka : Où est Luna ?

Jone : Avec Rick.

Elle fronça les sourcils.

Becka : Il… il ne lui fera rien, hein ?

Il s’assit à côté d’elle, et elle se décalait. Cela lui fit de la peine, mais il ne pouvait rien dire.

Jone : Je te promets que non.

Elle doutait, et il le voyait bien.

Jone : C’est hans sjel.

Elle écarquilla les yeux.

Becka : Son âme sœur ?

Il sourit.

Jone : Oui, il a trouvé son âme sœur.

Elle baissa la tête.

Becka : Il faut que j’y aille.

Elle se leva difficilement et grimaça. Il se leva également et se mit face à elle. Il voulut lui toucher les épaules, mais elle recula jusqu’à buter sur le lit.

Jone : Tu ne vas nulle part, min kone.

Elle fronça des sourcils.

Becka : Je ne suis pas ta femme !

Il lui sourit.

Jone : Je m’inquiète pour toi, mais ma petite rebelle va bien pour me crier dessus.

Si seulement.

Becka : Je vais me reposer chez moi.

Elle voulut le contourner, mais il posa ses mains sur ses épaules avec un ton un plus sévère.

Jone : Ça, c’est hors de question. Tu restes ici.

Elle souffla.

Becka : Tu es agaçant, tu le sais ?

Jone : Seulement avec toi, min kone. Repose-toi maintenant.

Becka : J’aimerais voir Luna.

Jone : Pas tout de suite. Rick est avec elle.

Elle acquiesça. De toute façon, c’était inutile d’insister. Il ne changerait pas d’avis. Elle n’était pas mieux avec lui. Rien ne changeait. Ce froid dans sa poitrine et cette douleur étaient les mêmes. Elle s’allongea sur le côté. Il put voir les plaies de son dos presque cicatrisées. Mélania était une bonne guérisseuse et avait fait du bon travail. Mais son cœur à lui avait mal. C’était comme s’il avait pris les coups lui-même. Tant mieux pour lui, il méritait bien pire que cela. Il s’approcha et lui mit une couverture sur elle. Il resta près d’elle quelques secondes. Elle ferma les yeux et essaya de sentir son parfum, mais ce n’était qu’une mauvaise odeur. Il aurait voulu l’embrasser, mais il savait qu’elle ne voulait pas être approchée par lui. Il partit et ferma la porte derrière lui.
Plusieurs jours s’étaient écoulés. Rick se trouvait dans sa suite avec Luna, qui parlait très peu. Elle ne répondait à ses questions que par « oui » ou « non » et ne le regardait jamais dans les yeux. Il ne lui en voulait pas, surtout après tout ce qu’elle avait traversé. Rick s’approcha du lit et s’assit. Luna sentit le matelas s’affaisser légèrement sous son poids. Elle ouvrit les yeux, le regarda brièvement, puis baissa à nouveau les yeux.

Rick : S’il te plaît, ne baisse pas les yeux devant moi. Nous sommes égaux.

Luna : Je n’en suis pas si sûre.

Rick : Tu as probablement raison. Je suis mi-humain, mi-démon. À tes yeux, je dois sûrement paraître moins digne.

Surprise par ses mots, elle le regarda de nouveau.

Luna : Non… c’est faux.

Rick : Vraiment ?

Luna : Tu… enfin, vous… vous nous avez sauvés.

Rick observa les ecchymoses qui persistaient malgré les soins.

Rick : Pas assez tôt.

Luna vit la tristesse dans son regard, et cette tristesse résonna étrangement en elle, différente de la mélancolie qu’elle ressentait habituellement.

Luna : Écoute, tu n’as pas à te blâmer. Tu n’es pas responsable.

Rick serra la mâchoire en repensant au moment où il l’avait trouvée. Ses yeux devinrent noirs, et sa voix se fit plus grave.

Rick : Je suis le seigneur de ce clan. C’est mon devoir de le protéger et d’éviter tout débordement. À cause de mon inaction, vous avez souffert.

Il la regarda, mais au lieu de peur, il ne vit qu’une étrange sérénité en elle.

Luna : Ça pourrait arriver à n’importe qui, je pense.

Rick : Vraiment ?

Elle haussa les épaules. Il aurait dû être effrayant avec son regard sombre et ses griffes, mais près de lui, elle se sentait étrangement apaisée.

Luna : Quand on a trop de choses à gérer, il est inévitable que certaines échappent à notre contrôle.

Rick ferma les yeux, luttant pour maîtriser le démon en lui qui voulait tout détruire. Le silence devint presque oppressant, jusqu’à ce qu’il sente une chaleur délicate sur sa main. Il ouvrit les yeux et vit la main de Luna posée sur la sienne, malgré ses griffes sorties. Il la regarda, surpris, et elle lui sourit avec compassion. Aussitôt, il reprit forme humaine.

Rick : Je… je suis désolé.

Luna : Pourquoi ?

Rick : De t’effrayer avec mon côté démoniaque.

À sa grande surprise, elle sourit.

Luna : Je n’ai pas peur.

Rick : Vraiment ?

Luna : Oui. Je voulais savoir si… si…

Elle retira sa main, et il en ressentit un pincement de regret.

Rick : Si ?

Luna : Est-ce que j’aurais le droit… enfin, pas vraiment le droit, mais… est-ce que ce serait possible de…

Luna ferma les yeux, cherchant ses mots.

Rick : Qu’y a-t-il ?

Luna : Je réfléchis à la bonne formulation, un instant s’il te plaît.

Il attendit, intrigué, alors qu’elle semblait profondément plongée dans ses pensées. Puis elle releva la tête.

Luna : Ça y est, j’ai trouvé.

Rick : Je t’écoute.

Luna : Serait-il possible, grâce à vous, de revoir Becka ?

Elle le regarda, comme pour s’assurer qu’elle avait bien formulé sa demande.

Rick : Bien sûr. Et tu n’as pas besoin de réfléchir autant avant de me parler, ni de me vouvoyer.

Il ne savait pas vraiment comment se comporter avec elle et cherchait à gagner sa confiance sans l’effrayer.

Rick : Mais je veux que tu restes ici.
Elle le fixa un instant.

Luna : Je n’avais pas l’intention de faire quoi que ce soit.

Il voulut poser sa main sur la sienne, mais s’arrêta juste avant.

Rick : Je le sais. Je vais aller chercher Becka.

Il sortit de sa suite et traversa le grand couloir pour rejoindre la suite de son frère, qui se situait au même étage. Il était heureux d’avoir trouvé la bonne personne. Mais maintenant, il fallait qu’elle accepte qu’il soit le bon pour elle. En avançant dans le grand couloir, il trouva son frère devant sa suite. Il était assis sur le sol, les mains sur sa tête.