Chapitre 19 : Aron

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Je contemple la rouquine, agenouillée par terre, dans la boue, avec un mélange de pitié et de curiosité. Ses cheveux roux sont emmêlés et assombris par la pluie qui cascade sur nous.

— Pourquoi ? murmure-t-elle faiblement, tremblant légèrement.

Je penche la tête sur le côté, haussant un sourcil, attendant une clarification qui ne vient jamais. Elle ne me regarde même pas, gardant la tête baissée, le visage marqué par la résignation et le découragement.

— C'est une longue histoire, soupiré-je.

Aussitôt, le visage de Cayla se relève vers moi pour me fusiller du regard, ses yeux étincelants de colère.

— Tu m'as menti, tu t'es servi de moi et tu as participé au meurtre de mes semblables ! Le minimum que tu pourrais m'accorder, c'est la vérité ! A quoi bon nous faire venir sur vos terres si c'est pour tous nous massacrer ?! C'est quoi votre plan ?

Ses poings serrés sur ses genoux, l'humaine est prête à bondir au moindre faux pas de ma part. Je comprends son sentiment de rage et d'injustice. Expirant un grand coup, je lui donne les explications qu'elle demande.

— La Faerie est vivante et, comme tu l'as constaté, la magie est omniprésente dans notre monde. Mais cette magie a un prix... Pour que notre monde survive, des sacrifices sont nécessaires et une grande quantité de sang doit être versée à un endroit et un moment précis. Si nous ne respectons pas ces engagements, la magie s'éteint peu à peu et nous dépérissons. Les plus faibles, nos enfants, en premier, avoué-je froidement en serrant les poings au souvenir de ces moments douloureux.

Une réalité que nous avons apprise à nos dépens, et pour laquelle nous avons payé le prix fort...

— J'ai été témoin des conséquences de l'absence de nos sacrifices, ajouté-je furieusement. Impuissant, j'ai vu de jeunes âmes innocentes mourir sous mes yeux. Lyra et Winter ont souffert de cette brève faiblesse magique. La peur que j'aie ressentie en les voyant s'affaiblir jour après jour... je ne laisserai jamais cela se reproduire.

Un long silence envahit la forêt avant d'être brutalement brisé par sa voix.

— Et pourquoi notre sang, hein ? Pourquoi pas le vôtre ?

Sa colère est palpable, mais je l'ignore et m'accroupis près d'elle pour me mettre à son niveau et pouvoir la regarder dans les yeux.

— Pendant un temps, nous avons fonctionné sans votre intermédiaire. A cette époque, les membres de notre espèce se battaient entre eux. Dès l'âge de 16 ans, nous étions tous obligés de participer à ces combats jusqu'à la mort.

La demi-fae serre les dents, et détourne légèrement le regard.

— Tu m'interrogeais sur mes tatouages l'autre jour, repris-je sombrement. J'ai gagné une partie d'entre eux en ressortant victorieux de certaines de ces batailles. Chaque marque représente une vie que j'ai prise. Je me suis battu toute ma vie pour maintenir la Faerie vivante et protéger ma famille. J'ai tué des faes, comme des humains.

L'humaine fixe d'un regard noir, sans un mot.

— Si tu attends de moi des excuses, tu attendras longtemps. J'ai appris il y a longtemps que la vie est ainsi faite. Ce sera toujours le combat des forts contre les faibles. Des prédateurs contre les proies... Et entre ton espèce ou la mienne, le choix est facile.

Cayla secoue la tête.

— Tuer une personne n'est pas anodin, proteste-t-elle véhémente. Que le choix soit devenu facile pour toi, je ne peux pas le comprendre. Que vous nous traitiez comme du bétail, en nous cajolant tout le long du chemin jusqu'à l'abattoir... C'est cruel.

Sombre FaerieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant