Chapitre 4 : Aron

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Inimaginable.

Je la regarde s'éloigner en gardant mon expression impassible, mais je me sens bouillir de l'intérieur. Putain d'humaine. Cette dernière a réussi à voir au-delà de mon masque, et cela ne me plait pas. Pas du tout. Je n'ai pas l'habitude d'être désarmé aussi facilement.

Mais le pire dans cette situation... Ce qui me met vraiment en rage, c'est de m'être fait avoir par quelqu'un de son espèce. Un être pourtant bien inférieur à moi.

Je n'ai pas l'habitude que quelqu'un voit à travers la façade que je montre au monde. Les humains sont si naïfs et prétentieux qu'ils ne voient pas la menace alors qu'elle se trouve juste sous leurs yeux. Ils sont tellement ingénus qu'ils ne prêtent pas attention aux mensonges qu'on leur sert. Cette naïveté, je m'y suis habitué, mais cette humaine, plus observatrice que ses collègues, vient de me donner une bonne claque.

Je me suis trop reposé sur mes lauriers. Le fait de m'être fait prendre par surprise comme ça... La colère me consume et je me force avec difficulté à garder un visage impassible. Pour l'instant, je dois maitriser le monstre qui se cache en moi. J'en ai déjà trop dévoilé.

Le mur que je pensais impénétrable s'est montré fissuré aujourd'hui, mais je compte bien rectifier le tir. Cette humaine a peut-être décelé une fissure dans mon armure, mais c'est seulement parce que j'ai été distrait et arrogant. Et cela n'arrivera plus.

Ma lèvre supérieure se retrousse en repensant aux remarques de la rouquine et ma mâchoire se contracte en revoyant ce petit air supérieur sur son visage.

Elle croit être maline. Elle pense m'avoir percé à jour, mais elle ne sait rien, et je vais lui prouver qu'elle n'est pas meilleure que ses compères.

Il est temps que quelqu'un lui donne une leçon, et je me dévouerai avec plaisir. Mon intérêt est maintenant piqué. Cela fait bien longtemps que je n'ai plus eu de vrai challenge et mon esprit tourne déjà à plein régime en imaginant la suite des événements. L'humaine ne le sait pas encore, mais elle va regretter de m'avoir fait prendre conscience de ma propre faiblesse. Je ne suis pas faible. Plus depuis très longtemps.

Mes poings se serrent. Désormais, elle a attiré mon attention. Je suis déterminé à jouer le rôle qu'on m'a donné. Mieux que ça, je ne me contenterai plus de la place de figurant, mais deviendrai un véritable participant à cette semaine de l'équinoxe.

Cayla n'est pas prête. Maintenant, que je suis motivé, plus rien ne m'arrêtera. Je me demande si elle parviendra à voir à travers mon nouveau masque. J'en doute sérieusement.

L'idée de jouer avec elle m'excite. Saura-t-elle repérer la supercherie ? Ou se fera-t-elle avoir comme tous les autres avant elle ?

Un rictus se dessine sur mes lèvres. Je le neutralise peu de temps après, me lève et rapidement, marche à la recherche de l'humaine. Cette dernière suit ma sœur d'un pas tranquille. Avec facilité, je les rattrape et agrippe gentiment le bras de la rouquine pour l'arrêter.

Prenant une profonde inspiration pour me forcer à garder les idées claires, mes yeux plongent dans les siens, et j'adopte aussitôt ma nouvelle stratégie.

— Ecoute, soufflé-je en passant ma main dans mes longs cheveux. Je tiens à m'excuser. Tu as raison : je ne suis pas très à l'aise lorsque je suis entouré d'autant de gens qui me sont étrangers. Nos dirigeants nous ont dit de faire bonne figure devant les touristes et j'ai cru que sourire serait une bonne alternative...

Me mordant volontairement la lèvre inférieure avec un air gêné qui me ressemble peu, je détourne brièvement le regard avant de revenir sur le visage de la rouquine.

— De toute évidence, je me suis trompé. Mais je ne supporte pas l'idée de t'avoir donné une mauvaise impression de moi...

La jeune humaine me fixe avec un sourcil arqué. Allez Aron, continue sur ta lancée.

— Ecoute, comme Lyra est ma sœur, nous nous verrons souvent dans les prochains jours et je ne veux pas qu'il y ait de tension entre nous, rajouté-je en laissant les commissures de mes lèvres s'étirer très légèrement. Je suis intrigué d'en savoir plus sur ton monde, et j'aimerais vraiment qu'on arrive à bien s'entendre durant ton séjour. Donc, si tu as besoin de quoi que ce soit, n'hésite pas à venir me trouver.

La rouquine m'observe un long moment sans rien dire.

Mon cœur bat comme un fou dans ma poitrine. L'excitation du jeu que je joue m'a énergisé et j'attends avec impatience sa réaction. L'humaine, va-t-elle se méfier de moi ou va-t-elle gober mes belles paroles ?

Son regard me fixe un long moment, mais cette fois-ci, mon masque est bien en place. Elle ne verra rien que je ne veuille qu'elle ne voie.

— Ce n'est pas grave, finit-elle par lâcher avec un léger sourire.

J'entends mon pouls résonner dans mes tempes et mes lèvres s'étirent. J'avais raison. L'humaine semble être tombée dans le panneau. Je ressens à ce constat un mélange de déception et d'excitation.

Cela faisait longtemps que je n'avais plus jouer avec mes semblables. Avant ce soir, je faisais le minimum pour ne pas déplaire à mes souverains, mais aujourd'hui, l'excitation du jeu me revient. Je me suis trouvé un jouet et... je n'ai pas l'intention de le laisser m'échapper des mains.

J'ai presque pitié de Cayla. Elle ne se rend pas compte de sa malchance. Son innocence sera sa perte. Elle ignore encore qu'elle est un agneau pris au piège par une meute de loups. Je...Enfin, nous allons la briser et personne ne pourra jamais la réparer.

Elle sera détruite. Et voir son air candide se briser devant mes yeux sera un vrai régal.

L'humaine m'a rappelé ma propre faiblesse et je suis plus qu'impatient de lui rappeler la sienne. Œil pour œil, dent pour dent.

Je rends deux fois plus durement que je ne reçois, alors j'espère qu'elle est prête.

Une chose est sûre : j'ai hâte d'apercevoir l'expression de la rouquine lorsqu'elle comprendra la terrible vérité. Son désespoir lorsqu'elle comprendra qu'elle ne rentrera jamais chez elle...

Sombre FaerieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant