La place vide

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Alyana fixait Claudia, le regard glacial. Elle n'arrivait pas à comprendre comment une étrangère avait pu entrer dans sa vie sans qu'elle ne soit mise au courant. Et ses frères... comment avaient-ils pu lui cacher une telle chose ? Ils s'étaient toujours promis d'être transparents entre eux, mais là, tout lui semblait flou, trahi.

Claudia, probablement embarrassée par ce silence lourd, esquissa un sourire et prit place à table à côté de Manuel, à la place dédiée à la mère d'Alyana.

Claudia : Tu n'étais malheureusement pas là ... Mais, le mariage était vraiment magnifique, n'est-ce pas, Manuel? Je n'oublierai jamais cette journée. La cérémonie était intime, mais belle, dans la villa de Madrid. Une journée ensoleillée, entourée des amis proches de ton père. J'aurais aimé que tu sois là, Alyana, mais je comprends que les circonstances...

Claudia continua de parler, mais Alyana n'écoutait plus. Son esprit était assailli de pensées et de questions non résolues.

Alyana ne put s'empêcher de lâcher d'une voix glaciale : Ah oui? Le mariage de mon père... et personne n'a pensé que j'aurais aimé être au courant ?

Un silence pesant tomba sur la table, Claudia se racla doucement la gorge, gênée.

Claudia : Nous avons... enfin, je pensais que ton père t'aurait prévenue. Je ne voulais pas...

Elle n'osait plus soutenir le regard perçant d'Alyana.

Manuel, impassible, mangeait tranquillement, comme si cette conversation ne le concernait pas. Il n'avait pas l'air d'être perturbé par le froid entre sa fille et sa nouvelle épouse. Miguel, toujours attentif aux tensions familiales, tenta d'apaiser les choses.

Miguel : Alya... c'était compliqué. On ne voulait pas t'en parler...

Alyana : Compliqué ? Vraiment ? Ou bien vous saviez tous que je n'approuverais jamais ce mariage.

Elle serra ses poings, essayant de ne pas laisser la colère déborder plus que nécessaire.

Serguei, qui jusqu'à présent était resté silencieux, prit la parole d'un ton plus doux.

Serguei : On ne voulait pas te faire de mal, Alya. Tu étais loin, et... on pensait que ça ne t'intéresserait pas de savoir ce que faisait père...

Alyana éclata de rire, un rire sans joie, amer.

Alyana : Donc, vous vous êtes dit que je n'avais pas besoin de savoir que mon père avait refait sa vie? Que quelqu'un avait pris la place de maman?

Adrian posa sa main sur celle d'Alyana, essayant de créer un pont entre eux.

Ad: Ce n'était pas contre toi, Alyana. On sait combien maman comptait pour toi. On ne voulait pas raviver des blessures.

Alyana : Des blessures ? murmura Alyana. Elle se redressa sur sa chaise, sa voix redevenue froide et calme, une glace fine recouvrant chaque mot. Vous pensez vraiment que j'ai oublié ? Que tout ça s'est envolé avec les années ? Elle les regarda un à un, cherchant dans leurs regards une explication, une raison de leur silence. Mais elle ne trouva que de la culpabilité, et peut-être un peu de lâcheté.

Claudia tenta d'intervenir, doucement, presque avec bienveillance.

Claudia : Je ne veux pas prendre la place de ta mère, Alyana. Je sais que personne ne le pourrait. Mais j'espère que, peut-être, nous pourrions trouver une manière de... nous entendre. Comme des amies, peut-être ?

Alyana la regarda droit dans les yeux, un sourire dur sur les lèvres.

Alyana : Bien sûr que tu ne peux pas prendre sa place. Personne ne le peut.

Elle se leva brusquement, poussant sa chaise légèrement en arrière.

Alyana : Si vous voulez bien m'excuser, je vais monter dans ma chambre.

Sa voix était froide et distante, coupant court à toute autre tentative de rapprochement.

Dans sa chambre, Alyana regarda ses valises au pied de son lit, déposées plus tôt par les hommes de son père sûrement . La chambre était la même qu'avant, mais tout semblait si différent. Les murs avaient été repeints, les meubles changés, mais l'odeur de son enfance flottait encore légèrement dans l'air. Une partie d'elle-même aurait voulu que tout soit resté figé dans le temps.

Elle déballa ses affaires lentement, chaque geste calculé, comme pour occuper son esprit et éviter de penser à tout ce qui venait de se passer. Sa robe Louis Vuitton fut soigneusement accrochée, ses produits de beauté disposés sur la coiffeuse. Puis, après avoir fini de tout ranger, elle se dirigea vers la salle de bain attenante.

La douche était brûlante, exactement comme elle l'aimait. L'eau martelait sa peau, emportant avec elle la tension de la soirée. Elle resta sous le jet d'eau plus longtemps que nécessaire, espérant peut-être que l'eau pourrait aussi laver sa colère. Mais lorsque la vapeur commença à envahir la pièce, elle sut que ça ne suffirait pas. Pas cette fois.

En sortant de la douche, vêtue d'un simple peignoir, Alyana sursauta en voyant Claudia assise sur son lit, un sourire légèrement gêné sur le visage.

Claudia : Désolée de m'inviter comme ça, mais je voulais vraiment te parler.

Alyana, les cheveux encore dégoulinants d'eau, croisa les bras.

Alyana : Je ne pense pas que ce soit le meilleur moment.

Claudia hocha la tête, mais ne bougea pas.

Claudia : Je sais que je ne suis pas ta mère. Et je ne cherche pas à l'être. Mais je tiens à ton père. Je l'aime vraiment, Alyana, même si cela te semble impossible.

Alyana, fronçant les sourcils, sentit la colère monter à nouveau.

Alyana : Comment est-ce que tu peux aimer un homme comme lui ? Il est froid, insensible. Il contrôle tout et tout le monde. Ses mots étaient tranchants, presque accusateurs.

Claudia soupira doucement.

Claudia : Je comprends ce que tu ressens. Mais il n'est pas toujours ainsi, tu sais. Il peut être différent, avec moi, en tout cas.

Alyana, désireuse de mettre fin à cette conversation, détourna le regard.

Alyana : Peut-être. Mais ne te fais pas d'illusions, Claudia. Tu n'auras jamais la place de ma mère.

Claudia se leva doucement, respectant la distance imposée par la jeune femme.

Claudia : Je ne m'attends pas à l'avoir. Mais j'espère qu'un jour, tu pourras me voir autrement. Je ne suis pas ton ennemie, Alyana.

Claudia se dirigea vers la porte, puis se retourna une dernière fois.

Claudia : Si tu as besoin de parler, je serai là.

Une fois Claudia sortie de la chambre, Alyana sentit une frustration profonde l'envahir. Elle aurait tellement préféré que Claudia soit le stéréotype de la belle-mère manipulatrice et intéressée par la fortune , quelqu'un qu'elle aurait pu haïr en toute tranquillité. Mais non, Claudia était gentille. Trop gentille. Comment pouvait-elle vraiment aimer un homme aussi distant que son père ? Elle ne comprenait pas.

Elle s'allongea sur son lit, les yeux fixés sur le plafond, des souvenirs de sa mère revenant à la surface. Elle se souvenait des jours où tout allait bien, où la maison résonnait de rires, où sa mère était le centre de leur univers. Maintenant, tout avait changé. Son père avait remplacé cette femme incroyable, et pire encore, tout le monde semblait l'accepter. Comment avaient-ils pu l'oublier si facilement ?

Les larmes lui montèrent aux yeux, mais elle les refoula aussitôt. Elle n'était plus cette fille fragile. Mais malgré tous ses efforts, un vide énorme subsistait, un manque impossible à combler. Et personne dans cette maison ne semblait s'en rendre compte.

Ailes en flammesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant