Un équilibre précieux

10 2 0
                                    

Alyana, Barcelone

Les jours suivants se déroulaient dans un calme relatif. J'essayais de rester discrète, de me tenir à carreau pour éviter d'attirer l'attention de mes frères, qui étaient sur mon dos en permanence. Ils passaient souvent dans ma chambre, sans prévenir, m'enlaçant, comme s'ils cherchaient à détecter une quelconque odeur suspecte. Leurs étreintes n'étaient plus de simples gestes fraternels, elles étaient devenues des inspections déguisées. Leur façon de me protéger était étouffante. Je savais qu'ils scrutaient mes moindres faits et gestes, à la recherche de la moindre trace d'alcool ou autre substance.

Quand ils étaient au bureau avec mon père, c'était mes gardes du corps qui prenaient le relais. La surveillance n'était jamais relâchée. J'avais remarqué que la relation entre Andrés et mes frères s'était nettement améliorée. Qui aurait cru qu'il me fallait me perdre dans mes excès pour qu'ils commencent à s'entendre ? Comme si ma destruction les rapprochait. Ironique, non ? Je profitais des moments de répit pour faire découvrir la ville à Emma. On visitait des musées, déjeunait dans des restaurants charmants, et s'arrêtait souvent dans des petits cafés. Elle semblait enchantée par Barcelone, mais je devinais bien qu'elle était impatiente de retrouver l'atmosphère déjantée de nos soirées parisiennes.

Aujourd'hui, nous allions à la plage. Paola et Léa allaient enfin rencontrer Emma. J'espérais sincèrement que le courant passerait bien entre elles. Les deux mondes dans lesquels je vivais se rencontraient enfin, et j'étais anxieuse à l'idée que quelque chose cloche.

Dans la chambre, Emma et moi nous préparions en silence. Je la regardais enfiler un bikini rouge vif qui mettait en valeur sa silhouette élancée. De mon côté, j'avais opté pour un maillot de bain noir, plus sobre, que j'accessoirisais d'un paréo léger noué autour de la taille.

Emma : Tu crois que tes copines vont m'aimer ? demanda-t-elle, tout en ajustant son chapeau de paille.

Alyana : Bien sûr qu'elles vont t'aimer, répondis-je avec un sourire. Elles sont adorables.

Mais au fond, j'étais inquiète. Paola et Léa étaient mes amies de toujours, elles me connaissaient bien avant que je ne parte pour Paris, bien avant que je ne plonge dans le tourbillon qui avait caractérisé mes dernières années. Emma représentait cette facette de moi qu'elles ne connaissaient pas, celle que je leur avais soigneusement cachée.

Nous descendîmes pour rejoindre la voiture, où mes gardes du corps nous attendaient. La voiture était un peu trop petite pour cinq personnes, surtout avec des grands gaillards comme Andrés et ses collègues. Je me retrouvai assise tout près de lui, nos bras se frôlant à chaque mouvement. L'odeur familière de son après-rasage envahit l'habitacle, et malgré moi, je me raidis. Il semblait plus détendu ces derniers jours, sans doute à cause du rapprochement avec mes frères. Pourtant, chaque fois qu'il était près de moi, une tension indescriptible s'installait. Comme si je sentais encore son regard posé sur moi, comme si l'histoire que nous partagions était une plaie à peine cicatrisée.

La plage était magnifique, comme toujours. Nous louâmes un lit transat sous un grand parasol, où nous nous installâmes avant d'aller nous baigner. Emma était un vrai rayon de soleil, sautillant comme une enfant alors que l'eau glacée de la mer venait lécher nos pieds. Elle s'éloigna un peu dans les vagues, puis revint brusquement, le visage tordu par une peur exagérée.

Emma : Je jure qu'il y a des requins ici ! cria-t-elle en riant, son visage illuminé par le soleil.

Je ne pus m'empêcher de rire à mon tour. Sa peur enfantine était contagieuse.

Après quelques brasses et plongeons, nous revînmes sur le transat, fatiguées mais de bonne humeur. Je savourais ce moment de légèreté. Peu après, Paola et Léa arrivèrent. Léa, comme à son habitude, portait un sourire éclatant. Paola, plus réservée, fit un signe de la main.

Ailes en flammesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant