Ailes en flammes

Carpe diem

La maison était devenue une prison. Mon père, avec son besoin incessant de nous enfermer, avait érigé des murs invisibles autour de moi, me confinant à une vie faite de petites sorties limitées. Parfois, il m'autorisait à faire du shopping, juste assez pour que je ne devienne pas folle, mais cela arrivait rarement. Aujourd'hui, pourtant, j'avais obtenu un précieux sursaut de liberté, un instant volé que je comptais savourer.

Je rejoignis mes amies, Paola et Léa, pour une journée au centre commercial, bien sûr, sous la surveillance de mes trois gardes du corps attitrés. Leur présence constante me laissait un goût amer, mais j'essayais de ne pas y penser, surtout aujourd'hui. Malgré leurs regards perçants et leur manière de nous suivre comme des ombres, l'atmosphère entre nous était légère et insouciante, nos rires éclataient comme une symphonie de liberté que je n'avais pas ressentie depuis bien trop longtemps.

Nous errions de boutique en boutique, emportées par des souvenirs d'étés passés et des anecdotes dont seule notre amitié avait le secret.

Léa : Tu te souviens de cet été à la plage de La Concha ? demanda Léa, les yeux pétillants, un sourire éclatant illuminant son visage.

Alyana : Bien sûr ! Ce garçon blond avec ses longs cheveux m'avait draguée tout l'après-midi, me convainquant qu'il pouvait m'apprendre à surfer. Résultat ? J'ai fini la tête la première dans l'eau. J'étais ridicule ! m'exclamai-je en riant si fort que j'en avais les larmes aux yeux.

Paola éclata de rire, partageant notre euphorie contagieuse.

Paola : Moi, je ne jurais que par son ami avec des tatouages éphèmeres. Un vrai "bad boy"  ! J'ai passé l'été à essayer de l'impressionner... et j'ai terminé avec une jambe dans le plâtre !

Nos éclats de rire se prolongeaient alors que nous dégustions nos matchas dans un petit café aux murs décorés de guirlandes de lumière et au doux parfum de vanille. Tout était si paisible, si insouciant... jusqu'à ce que Léa lance une idée, avec ce sourire en coin et cette lueur de défi dans le regard.

Léa : Et si on sortait en boîte ce soir ? Je connais quelqu'un qui peut nous faire entrer au coin VIP au Carpe Diem. 

Mon premier réflexe fut de protester. Sortir en boîte, alors qu'on était en "danger", était strictement interdit, même cette petite sortie au centre commercial avait nécessité des jours de négociations avec mes frères. Mais l'excitation palpable de Léa se propagea en moi comme un feu de brousse, et en échangeant un regard complice avec Paola, je me retrouvai à dire :

Alyana : D'accord, mais juste pour cette fois. Si mon père l'apprend, je suis morte. 

De retour à la maison, après un dîner sans saveur où les conversations superficielles avaient rempli l'air, je prétextai un mal de tête pour m'esquiver dans ma chambre. La nuit tombée, j'enfilai une robe en satin qui, bien qu'élégante, remontait à chaque pas, et des talons aiguilles qui claquaient doucement tandis que je me glissais discrètement hors de la maison, fuyant par l'entrée cachée derrière la cuisine, comme je le faisais autrefois.

Le Carpe Diem ressemblait à un univers parallèle. Les lumières tamisées jouaient avec le glamour des lieux, tandis que la musique vibrait dans l'air lourd de désirs et de promesses. Dans notre coin VIP réservée grâce aux contacts de Léa, nous nous sentions reines, loin de tout. Dès que nous fûmes installées, Paola, toujours la plus enthousiaste, proposa de commencer la soirée avec des tournées de shots. Nous avons trinqué, bu, et hurlé de rire, grisées par l'ivresse et l'ambiance électrique du lieu. Chaque gorgée me rapprochait un peu plus d'une liberté que je croyais oubliée.

Nous dansions, insouciantes, emportées par les rythmes envoûtants. Léa se pencha vers moi et, dans un murmure survolté, me chuchota :

Léa : Ne te retourne pas, mais il y a un mec canon au bar qui te fixe depuis vingt bonnes minutes. Surtout, ne le regarde pas.