chapitre 1/ la fin du monde.

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17 septembre 2017
Ce matin-là, le ciel était dégagé, baigné par un soleil doux. Tout était calme, paisible, et je me sentais bien. J'avais mis la radio en fond sonore, une musique légère qui accompagnait mes premiers gestes de la journée. Je me préparai un café en songeant que, bientôt, je commencerais mon ménage. En passant devant le miroir, je me suis regardée un instant : pas si mal pour mes 40 ans. Quelques rondeurs, des longs cheveux blonds, et ces yeux bleu outremer que Pascal aimait tant.

Pascal avait tondu la pelouse tôt ce matin, et l'odeur de l'herbe fraîchement coupée flottait dans l'air. Quand il m'a pris dans ses bras, je me suis blottie contre lui, savourant l'odeur familière de sa peau. Avec Pascal, j'avais appris la tendresse, l'amour simple. Avant lui, la vie avait été bien plus dure, marquée par les enseignements stricts de mon père, qui m'avait surtout appris la guerre et la survie.

Après une douche rapide, Pascal m'a embrassée sur le cou et m'a dit avec son sourire habituel :
« À tout à l'heure, Cathy. »
Puis, il est parti faire quelques courses.

Mon esprit, pourtant occupé par le quotidien, revenait sans cesse vers une pensée : ce soir, Nicolas rentrerait à la maison. Il était en permission, et l'idée de le revoir après tant de mois me rendait à la fois joyeuse et inquiète. Comme toutes les mamans, je me demandais s'il avait changé. Avait-il grandi ? Était-il toujours aussi mince ? Était-il heureux ? Mais une autre pensée me rongeait doucement : et s'il rentrait parce qu'il n'allait pas bien ? Et s'il portait des blessures que je ne pourrais pas voir immédiatement ?

Je ne pouvais pas m'empêcher de repenser au jour où Nicolas, à 14 ans, avait découvert la vieille cantine militaire de mon père dans le grenier. À l'intérieur, il y avait l'uniforme de cérémonie, les médailles, et les journaux de campagne que je n'avais jamais eu la force de lire. C'est à ce moment-là que la guerre avait éclaté entre nous. Moi, je pensais que l'armée m'avait volé l'amour de mon père, et je ne voulais pas perdre mon fils de la même manière.

Ces souvenirs me ramènent toujours à mon enfance. Je repense souvent à l'enterrement de ma mère. J'étais la seule à pleurer ce jour-là. Mon père, rigide comme toujours, m'avait donné une tape sur l'épaule et m'avait dit :
« Dans cette famille, on ne pleure pas, on se tient droit. »
C'était sa manière de me réconforter. À ses yeux, il n'y avait pas de place pour la faiblesse, même dans la douleur.

Quand Nicolas a décidé de suivre les traces de son grand-père, cela a déclenché un conflit terrible entre nous. Je refusais d'accepter cette destinée pour lui, tout comme je m'étais toujours opposée à ce que l'armée représentait dans ma propre vie. Pascal avait tenté de réconcilier les deux camps, mais cela n'avait fait qu'aggraver les tensions.

Je me souvenais de la manière dont mon père avait structuré ma vie autour des principes militaires. Dès mon plus jeune âge, tout était discipline, rigueur, et survie. j'avais 21 ans, quand il est mort au combat, j'étais encore sous l'emprise de cette éducation. Il n'avait jamais été là comme je l'aurais souhaité, et je me sentais plus recrue que fille.

Ce soir, en revoyant Nicolas, je ne savais pas si je retrouverais le même garçon qui était parti, ou un homme transformé par la vie qu'il avait choisie. J'espérais que le bonheur et la sérénité soient avec lui, mais je me préparais à la possibilité de voir des blessures invisibles, celles que l'on ne montre pas facilement.

J'avais ouvert toutes les fenêtres et terminé de nettoyer les chambres. C'était un beau mois de septembre, ensoleillé. Dans mon bonheur, je ne remarquais pas les signes : il n'y avait ni chants d'oiseaux, ni bêlements. Je m'apprêtais à ranger la salle de bain quand mon chien se mit à hurler. Il se précipitait vers la porte, revenait vers moi, puis repartait à nouveau. Je ne comprenais pas pourquoi. Il y eut un sifflement à la radio, suivi d'un silence total. Tout s'était arrêté. Furieuse, je pensais que le compteur avait encore sauté, mais ce n'était pas ça... c'était juste le silence.

le cycle des protecteurs -1er tome :le voyage de mèreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant