Février 2019. Tous les soirs, je notais dans mon cahier la date, notre position par rapport aux étoiles et la ville la plus proche, ce qui devenait de plus en plus difficile, car je faisais tout pour ne plus m'en approcher.
Il nous a fallu un peu plus d'une semaine pour contourner une zone dangereuse. Merci à mes jumelles. Ce n'était pourtant pas une grande ville. J'en ai compté cinq ; ils avaient dû être humains avant de décider de vivre dans une zone de Brume. Oh, ils étaient encore en vie, mais leur comportement ne donnait pas du tout envie d'aller leur dire bonjour. Si leur apparence était encore en partie humaine, ils étaient recouverts d'ulcérations et de pustules monstrueuses. Je crois que leur cerveau était grillé. Ils cherchaient de la nourriture sous les pierres, sans penser à regarder dans les maisons. J'en avais vu un boire dans une flaque d'eau boueuse comme un animal, alors qu'il y avait un puits au milieu de la petite place.
Sur les conseils avisés de Pascal, je redoublais de prudence : « Rien de plus gros qu'un village, et encore, seulement si tu es absolument sûr de n'y trouver aucun danger. »
Je décidais donc d'éviter aussi les petites villes. Mon père commentait mes notes de "guerre". Il me considérait de plus en plus comme un petit soldat isolé en zone dangereuse. Lui, le grand colonel, se sentait obligé de m'assister. Parfois, on se disputait. C'était à prévoir ; son caractère et le mien, c'était un peu comme l'eau et un comprimé effervescent. Mais bon, se disputer avec une hallucination...
Pascal s'occupait du réconfort moral. Je ne voulais plus avoir à tuer, même pour me défendre. Tuer un être humain me déchirait le cœur, un peu plus chaque fois. C'était une façon de me détruire moi-même. En fait, mon père et mon compagnon avaient vu en moi chacun leur version de Cathy, mais aujourd'hui, je n'étais plus ni l'une, ni l'autre. J'avais grandi ; une autre Cathy était née de tout ce chaos. Une guerrière impitoyable au combat, mais aussi une autre femme, que je ne comprenais pas encore. Une femme qui voyait des fantômes et discutait avec eux. C'était un déchirement, presque un dédoublement de la personnalité qu'il fallait que je gère.
Je notais aussi tous les dangers croisés. Les fous de Dieu en faisaient partie, comme les brumes vertes et l'eau rose. J'inscrivais également les bonnes choses, comme l'arrivée de Tempête dans notre drôle de groupe. Jusqu'à présent, je n'avais croisé que des groupes d'humains dangereux : les écumeurs, les fous de Dieu, et les mutants de la brume. J'en étais arrivée à me demander si j'étais la seule humaine à ne pas avoir des envies de meurtre. D'après mon journal, j'étais partie de chez moi depuis bientôt six mois ; les détours pour éviter les villes nous avaient pris pas mal de temps. Je n'avais pas quatre pattes pour courir plus vite que le vent, et je cherchais, sans vraiment savoir quoi, dans les ruines.
Je prenais mon temps, et les animaux s'en accommodaient. Nous marchions tranquillement, sans nous presser, pour éviter de nous épuiser. Je m'étais mise à marcher pieds nus la plupart du temps, pour économiser mes chaussures, mais aussi parce qu'elles me gênaient. On s'arrêtait quand on avait faim ou soif, ou pour profiter d'un point d'eau, remplir les outres et rincer la sueur et la poussière de nos corps. Parfois, on restait quelques jours au même endroit, soit parce qu'il nous plaisait, soit par nécessité. On avait eu de gros orages – pas comme ceux d'avant, mais des orages électriques. On a aussi eu des pluies acides qui nous ont forcés à rester abrités dans une grotte, sans pouvoir sortir chasser pendant quatre jours.
Et j'avais cette maudite sensation d'attendre quelque chose ou quelqu'un qui ne venait pas, ce qui était exaspérant. Je récoltais des baies quand j'en trouvais, et ramassais tout ce qui pouvait se consommer dans les jardins redevenus sauvages. Il a commencé à faire froid la nuit. Le mauvais temps était de retour. Nous avons avancé autant que possible, mais il a bien fallu se rendre à l'évidence : il fallait trouver un abri, car il faisait bien trop froid pour dormir dehors, et la neige s'était mise à tomber en gros flocons. Il en tombait trop pour marcher en sécurité, et on laissait une piste bien trop facile à suivre.
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le cycle des protecteurs -1er tome :le voyage de mère
ParanormalCathy, survivra t-elle a la fin du monde ? elle devras se battre pour atteindre son but, dans une France détruite comme le reste du monde. elle fera face à de terribles dangers, tout au long de son chemin, elle se fera des amis mais surtout elle dev...