Chapitre 2/ les cheveux blancs.

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J'ai fait un rêve, j'ai vu mon paradis. Il existait un endroit sur terre qui m'était destiné, mon chez-moi. Un lieu en sécurité, une terre capable de laisser pousser tout ce que je voudrais planter. Un Éden, où je serais maîtresse du temps. Je sentais sur ma peau le vent tiède et parfumé. À mon réveil, je me sentais merveilleusement bien, comme si tout avait pris un sens.

J'ai pris la décision la plus importante de ma vie : je devais partir pour trouver ma terre. C'était un besoin viscéral, ancré dans ma chair, un besoin instinctif, comme celui des saumons qui remontent les rivières. On aurait pu me croire folle, mais je savais que mon fils me retrouverait, où que j'aille. Il ne me restait qu'à préparer mon voyage et attendre que le temps s'améliore.

Ce matin-là, je me suis aperçue que, durant la nuit, mes cheveux étaient devenus totalement blancs. Ils avaient eu le temps de pousser depuis la catastrophe, je les avais jusqu'à la taille, mais ce blanc était nouveau. C'était un blanc étrange, lumineux, comme si j'y avais semé des éclats de diamant, presque hypnotique. J'ai fait une natte et je n'y ai plus pensé, mettant cela sur le compte du stress que j'avais subi. De toute façon, je ne pouvais rien y faire.

Septembre 2018. La neige avait fondu, mais il faisait encore frisquet. Pourtant, un matin, je sus que je devais partir. Un vieux sac à dos sur l'épaule, quelques provisions, des vêtements, des allumettes, un jeu de cartes routières incomplet, une couverture, une réserve d'eau, et une petite trousse de premiers secours avec quelques médicaments. Le couteau de combat de mon père, fixé à ma cuisse dans une gaine improvisée, et mon chien pour me défendre. Bref, pas grand-chose. Je croyais avoir eu de la chance de ne pas tomber sur des écumeurs alors que j'étais si peu armée.

Pendant les jours d'attente, j'avais eu le temps d'étudier mes cartes. Pas question de couper par le parc des volcans. Même à la distance où je me trouvais, je savais qu'ils étaient entrés en éruption, et depuis, ils fumaient toujours. J'avais assez de soucis sans y ajouter les volcans. Mes yeux aussi avaient changé. Ils n'étaient plus bleus, mais gris argenté. Ça ne m'a même pas inquiétée une seconde. Je savais que ces changements étaient nécessaires, mais je ne savais pas encore pourquoi.

Je suis partie en direction de Roanne le 20 septembre 2018, deux jours après mon anniversaire. J'avais 41 ans. Cela faisait un an que je vivais seule, avec un chien et deux fantômes. Je marchais sur la nationale, mon chien sur mes talons. Pas la peine de courir, l'important c'était d'arriver, c'était un dicton de mon père.

Cela faisait longtemps que je ne faisais plus de randonnée, plus de sport, et plus d'entraînement, et je m'en mordais les doigts. Le premier soir, mes muscles étaient déjà raides et douloureux. J'avais dû parcourir à peine vingt kilomètres. La honte ! J'ai trouvé un coin tranquille et je me suis installée pour la nuit, enroulée dans ma couverture, mon chien près de moi.

Au matin, j'ai bien cru que je ne me relèverais pas. J'ai pris un cachet avec une gorgée d'eau, puis j'ai mangé froid, le reste d'un lapin que mon chien avait attrapé la veille. On a repris la route. Après trois jours de marche avec des chaussures en toile, mes pieds étaient dans un sale état. On a vu des maisons écroulées pour la plupart, des voitures abandonnées, mais rien d'utile à ramasser. Pas de survivants non plus. Le matin, je n'avais plus de courbatures. Mon corps continuait de changer, de s'adapter à mes nouvelles conditions de vie. Je n'avais plus froid, et si je m'endormais toujours enroulée dans ma couverture, c'était plus par habitude que par nécessité.

Enfin arrivée aux abords de la ville, je restais prudente, très prudente. Je fouillais tout ce qui tenait encore debout, espérant trouver quelque chose d'utile. J'ai fini par découvrir un magasin Décathlon, un vrai miracle. Bien sûr, il avait déjà été visité, mais il restait encore de beaux trésors. J'étais comme une gosse devant un sapin de Noël.

le cycle des protecteurs -1er tome :le voyage de mèreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant