Chapitre 5/ LE DON

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Février 2020. J'aimais bien certains aspects de ce don, mais d'autres me gênaient énormément. Les pensées de Denis me sciaient les nerfs. Il ressassait sans cesse les événements qu'il avait vécus jusqu'à présent. Luc, lui, était heureux : tout avait pris un sens pour lui, et il me regardait comme s'il voyait en moi la première, la mère du monde qu'il voulait atteindre. Voir les pensées de Pierre était encore pire ; j'avais l'impression de violer son intimité. Plus les jours passaient, plus ses pensées évoluaient. Il ne serait probablement pas très content que je sache ce qu'il pensait de mes fesses. Il croyait pouvoir m'empêcher de lire en lui, mais ses pensées devenaient de plus en plus puissantes, s'imposant à moi. La pure amitié avait évolué en un désir profond, une tension sexuelle qui le menait à la colère et à la violence.

Au début, cela n'arrivait que la nuit, dans ses rêves. La première fois, je me suis réveillée en sursaut, en nage, au bord de l'orgasme. Je n'ai pas aimé ; il projetait si fort qu'il m'impliquait. À cause de lui, mes nuits devenaient agitées, et je dormais si mal que je me réveillais épuisée. Mon humeur se détériorait. J'appris à bloquer ces rêves torrides.

Et il s'est mis à rêver éveillé, s'imaginant ce que ça ferait si je le prenais dans mes bras, la douceur de mes baisers. Mon père piquait des crises d'enfer :

« Mais il va pas se taire, ce pervers ! Tords-lui le cou, Cathy, fais quelque chose, ou je te jure que c'est moi qui m'en occupe ! »

Un soir, excédée, je me fâchai. Cela faisait trois mois qu'il se torturait, hésitant sans cesse, oscillant entre l'idée d'avancer ou de renoncer. Et ses fantasmes s'amplifiaient, me tombant dessus à n'importe quel moment. C'était devenu dangereux pour nous tous. Quand ça arrivait, il bloquait tous les autres signaux, comme si je devenais sourde et aveugle d'un coup.

Ma colère le stupéfia ; il ne savait pas que je savais. La stupeur laissa place à la honte, et il baissa la tête, s'excusant en bafouillant, plus que gêné. Il pensait sûrement que je l'avais surpris en train de se masturber. Cette comparaison me fit sourire et apaisa ma colère. Lui, par contre, ne sourit pas.

« On fait quoi ? Tu veux que je parte ? Je n'arrive pas à contrôler ça, j'ai tellement envie de toi que je pourrais tuer. Peut-être que tu pourrais faire quelque chose, effacer ça de ma tête, parce que ça devient insupportable. »

« Je ne veux pas que tu partes, et quant à effacer quoi que ce soit de ta tête, je refuse de le faire. C'est à toi de contrôler. »

« Non, je ne peux pas, c'est plus que du désir, tu le sais. Te quitter me tuerait sûrement. Regarde, je suis comme ton chien ou ton cheval, drogué à toi. Ça fait peut-être partie de tes super pouvoirs, ou alors je suis fou, fou de toi comme un fou de Dieu. Dans ce cas, tue-moi avant que je ne te fasse du mal, ou que je n'en fasse à quelqu'un d'autre. »

« Drogué à moi ? »

« Oui ! Dès que je te perds des yeux, je tremble, la peur m'étouffe. Tu reviens, et je suis bien, heureux d'être en vie, près de toi, à sentir ton parfum quand le vent fait voler tes mèches rebelles. Heureux de te servir à quelque chose. Mais si je te perds des yeux à nouveau, je me déchire, j'ai mal à en hurler. Je deviens jaloux de tout ce qui t'approche, humain ou animal ; je suis même jaloux de l'eau qui glisse sur ta peau. Ce ne sont pas des sentiments normaux. Je sais de quoi je parle. »

Je restai silencieuse, cherchant dans sa tête ce que j'avais bien pu y faire pour déclencher ça, comparant avec l'esprit de mes animaux d'abord, puis avec celui des humains. Et je réalisai que j'étais vraiment responsable.

Thor me vénérait : il me nourrissait et me protégerait au péril de sa vie, son amour pour moi surpassait même son instinct de survie. Dans sa tête, j'étais mère, chaleur, bonheur, soleil et sécurité. Pour Tempête, c'était pareil ; son esprit était rempli de soleil et d'amour. Mais pour Denis, c'était une catastrophe. En revenant dans la tête de Pierre, je trouvai la même chose : j'avais perturbé leurs esprits. Les images que je voyais étaient déchirantes. Des larmes se mirent à couler sur mes joues sans que j'en aie conscience.

le cycle des protecteurs -1er tome :le voyage de mèreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant