Chapitre 19/Créations

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Juillet 2029

Deux semaines plus tard, le monde Mer était désert. Je lançai un dernier test pour en être certaine avant de commencer. En bas, mes fils avaient installé une sorte d'écran pour que les humains voient ce que je faisais. Certains des nouveaux venus ne m'avaient jamais vue créer, et d'après mes fils, il fallait que tous puissent voir ! Mes enfants étaient si fiers de moi. Ils savaient construire des maisons, mais étaient incapables de créer la vie, même pas un brin d'herbe.

Je m'assis en tailleur, le visage serein, et fis pousser trois colonnes qui se soudèrent les unes aux autres, englobant le monde Mer. Je rendis la mer plus vaste et plus profonde, et au centre, j'installai une île où je transférai le cristal de Pierre, avec sa pergola et ses rosiers. J'avais effacé le village des pêcheurs pour leur en construire un tout neuf, sans statue de moi sur la place. À la place, j'y mis une fontaine. Je créai d'autres villages tout autour de la mer ; cela me prit du temps, car je voulais que tout soit beau, fonctionnel et agréable. Même les maisons de vacances, presque les pieds dans l'eau, avaient été pensées pour offrir un cadre harmonieux.

De petits bateaux à voile étaient amarrés à chaque ponton, avec des plages de sable fin et des escarpements rocheux où l'on pouvait apercevoir des chamois. Les éoliennes avaient disparu du paysage : j'avais découvert, sur mon petit monde, qu'elles n'étaient pas nécessaires pour avoir de la lumière. Je fis trois chalutiers neufs, ayant détruit le premier que j'avais fabriqué. Il y avait maintenant suffisamment de poissons dans la nouvelle mer pour subvenir aux besoins des habitants de tous les mondes.

Je construisis des serres et une maison commune pour chaque village. J'ajoutai aussi un économat, une sorte de grande maison avec des entrepôts où ils pourraient conserver leur part des récoltes des autres mondes. Je fis pousser des oliviers et de la lavande. Finalement, je créai une bulle de protection, comme celle de mon petit monde, avec des arches dorées. Je reconstruisis des ascenseurs et des escaliers, protégés eux aussi par des tunnels de roche transparente qui laissaient passer la lumière du jour. Tout avait été pensé pour le confort et la sécurité des habitants présents et à venir.

Les gens transférés pouvaient revenir tranquilles : ils ne seraient plus entassés, aucune maison n'était accolée à une autre, chacune avait son propre jardin, et chaque village avait ses enclos pour les animaux. J'avais construit plus de maisons que nécessaire. Un peu plus bas, dans le monde des Fermes, des curieux venaient voir les ascenseurs, les escaliers et apercevoir une partie de la bulle de protection.

Il m'a fallu quinze jours pour réaliser tout cela, en veillant à ne rien oublier. J'invitai les Protecteurs pour leur montrer le nouveau monde Mer et leur demander leur avis. Ils étaient enthousiasmés, mais c'est Cathy qui posa la bonne question : pourquoi la bulle de protection ? Ma réponse leur fit peur à tous : un jour viendrait où nous aurions besoin de cette protection, elle sauverait des vies.

J'accueillis personnellement les anciens habitants de ce monde tout neuf. La peur qu'ils avaient ressentie lors de leur évacuation s'était dissipée, mais ils me demandèrent où se trouvait ma maison. Je l'avais installée sur l'île de Pierre, au milieu de la mer, et j'y reviendrais souvent. Il n'y avait pas d'école sur leur monde, mais personne ne s'en étonnait ; de toute façon, j'avais mis les enfants en vacances jusqu'à la fin de la construction du monde École.

J'assignai trois Protecteurs à ce monde, ainsi qu'une bonne poignée de patrouilleurs, qui avaient eux aussi leurs maisons et s'étaient tous portés volontaires. Personne ne s'étonna que je n'aie ni dormi, ni mangé, ni même bougé pendant la construction. J'étais épuisée.

Je pris deux semaines de vacances sur l'île de Pierre, juste le temps que le monde des Fermes et le Plateau soient évacués à leur tour. Tom demanda à me voir, et j'acceptai volontiers ; il faisait partie du groupe arrivé avec Nicolas. Bruce se fit un plaisir d'aller le chercher. Il était à la maison depuis quelques jours avec Ophélie et Cathy. J'avais l'impression que mes fils ne voulaient pas que je sois seule. J'embrassai Tom sur les deux joues, et il rougit de bonheur, mais reprit vite son air grave. Il y avait un souci sur le monde des Fermes : certains refusaient de déménager, même provisoirement. Ils avaient peur que je détruise tout. C'était absurde, Tom avait vu ce que j'avais fait pour le monde Mer.

le cycle des protecteurs -1er tome :le voyage de mèreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant