Chapitre 18/Le Poids de l'Absence

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Je veillais sur Pierre jour après jour, nuit après nuit. Caressant son esprit sans relâche, je lui murmurais à l'oreille des mots tendres, cherchant à lui redonner vie par ma présence. Chaque mot prononcé était un fil d'espoir, tissé dans le tissu de son inconscient. Puis, la colère m'envahit, une colère qui se transforma en désespoir.

« Je suis là ! Près de toi, réagis, secoue-toi ! »

« Je ne peux pas, ma petite sorcière. Je n'arrive pas à réaliser que tu es là, que je ne rêve pas. »

Les larmes me montèrent aux yeux. La peur m'envahit, une peur viscérale et dévorante. Son corps semblait plié par le poids des ans, et je réalisai avec amertume que j'étais partie avec son envie de vivre. Épuisée, je m'endormis contre son corps. Le souffle de ma vie se mêlait à celui, froid et distant, de Pierre.

Je fus tirée de mon sommeil par une voix familière. Sa voix m'a réveillée quelques heures plus tard, douce et chaleureuse. Il était là, dans ma salle-tête, assis à côté de mon père. Son corps, pourtant si proche, était froid. Je ne pourrais plus jamais le prendre dans mes bras. Le hurlement que je poussai fit frémir tous les mondes. J'hurlai autant dans ma tête que par ma bouche, sans m'en rendre compte. Les vagues de ma souffrance se répandirent, comme un écho dans l'immensité.

Tous se tournèrent vers le monde mer : les protecteurs, les humains, les animaux. Sa voix dans ma salle-tête tentait de me calmer, mais c'était en vain. Je me sentais si seule, si perdue dans cette douleur infinie. Les souvenirs d'un passé heureux s'évanouissaient, noyés par les larmes.

Je sortis de notre maison, me frayant un chemin à travers les décombres de mon esprit. La maison, autrefois chaleureuse, était maintenant une coquille vide. Je la fis fondre, entourant le corps de Pierre de cristal, comme pour le préserver d'un monde devenu hostile. Je gravai en lettres de feu son nom dans la roche, un hommage vibrant pour que personne ne l'oublie. Mes larmes ruisselaient, se mêlant à ma douleur. Chaque lettre semblait brûler, marquant l'éternité de son souvenir dans ma mémoire.

Le hurlement qui s'échappait de ma gorge, à la fois primal et désespéré, résonna dans l'immensité. Lorsque mes fils arrivèrent avec tous les protecteurs, ma gorge saignait, et le sang s'écoulait le long de mes lèvres. Je ressentais ma puissance irradier de mon corps, faisant voler mes cheveux autour de moi, créant une tempête de désespoir. Une colonne naissait au loin, une prairie d'herbe verte, une grotte que je n'avais pas encore imaginée.

« Mère, calme-toi, » implora Nicolas, mais mes cris étaient des vagues qui emportaient tout sur leur passage. « On n'a pas réussi à endormir Mère. On l'a juste vue disparaître, elle s'est dissipée comme une fumée dans le vent. On ne sait pas où elle est, mais on sait qu'elle est toujours vivante. La seule chose que nous pouvons faire, c'est faire en sorte que les mondes qu'elle a créés soient à la hauteur de son sacrifice et de ses espoirs. »

La voix de Bruce se brisa, étouffée par l'émotion. La main d'Ophélie se glissa doucement dans la sienne, une étreinte pleine de soutien. Nicolas, le regard inquiet, posa son bras sur les épaules de Bruce. La disparition de Mère les avait tous laissés orphelins, mais ils comprenaient peu à peu tout ce qu'elle avait fait pour eux et réalisaient ce qu'ils allaient devoir accomplir sans elle.

« Elle nous a protégés, » murmura Ophélie, sa voix chargée de tristesse. « Nous devons maintenant protéger ce qu'elle a construit. Elle a sacrifié tant de choses pour nous, pour cette vie que nous avons. »

Les jours, les mois et les années passèrent, et la mémoire de Mère devint une lueur d'espoir au fond de nos cœurs. Je me souviens de mes propres premières leçons, lorsque Mère m'avait appris à voir au-delà de ce que mes yeux pouvaient percevoir. Je me remémorai le jour où elle avait risqué sa vie pour sauver un enfant pris au piège dans un brasier. J'avais alors ressenti la force de son amour, celle qui l'animait, celle qui la rendait invincible.

le cycle des protecteurs -1er tome :le voyage de mèreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant