ROAM

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—Matthis, tu vas sortir de ta chambre et tu vas prendre l'air! Maintenant! Hurle ma mère. C'est pas rare de la voir comme ça, mais je l'ai un peu cherché.

Ça fait un an que je me suis fait renvoyer de mon travail. Un an que je ne fou rien et que je joue aux jeux vidéo. À force, cela a fini par rendre ma mère folle. Elle me reproche d'être nonchalant et de gâcher mon avenir. Seulement, je fais l'effort d'aller chercher un emploi, mais personne répond. J'ai essayé de lui faire comprendre, sauf qu'elle veut rien entendre.

Pour lui rendre service, je fais les tâches ménagères. Cependant, quand ça fait un an que c'est moi qui fait tout, jour pour jour et que je vois ma soeur pleurer pour ne pas vider le lave vaisselle, j'ai pété un câble et ma mère m'a dit que c'est de ma faute. Elle dit être reconnaissante, mais je ne le vois pas. Elle me reproche tout, elle me dénigre et me blesse mentalement, mais je ne peux la détester. C'est ma mère après tout. Du coup, quand elle s'énerve sur moi, j'encaisse, sinon, mon père va embarquer dans l'histoire et ça, j'évite à tout prix.

—Je ne répéterai pas, Matthis. Elle dit froidement en sortant de ma chambre avec mon téléphone.

Alors je sors dehors et me met à marcher dans les rues tapissées de feuilles mortes. Je m'en veux d'être pas assez intelligent, comme ma soeur. J'aurais pu continuer les études, avoir un meilleur avenir, ainsi que l'estime de mes parents, mais non. Mon cerveau n'est pas fait pour l'école. Ça me peine tellement. Je voudrais que mes parents me disent qu'ils sont heureux de m'avoir que qu'ils me disent qu'ils sont fiers de moi malgré tout. Seulement, ça n'arrivera pas.

Un autre truc qui me pèse énormément, c'est le fait que ma mère prenne à la légère mon coming out. Elle pense que c'est une blague ou bien une phase. J'ai hâte qu'elle réalise que je fantasme belle et bien sûr les mecs qu'il y a sur les posters de ma chambre. Je pense que si c'est ma soeur qui aurait fait son coming out, ma mère s'en foutrait, mais comme c'est moi, elle ne supporte pas. Heureusement que mon père, lui, s'en branle royalement. Il est venu me dire le lendemain qu'il était fier de moi et qu'il me respectait comme il le fera toujours. Ma mère, elle, m'a simplement dit: « Tu es mon fils, bien sûr que serai là pour toi ». C'était évidemment un mensonge, puisque ça fait quatre ans et qu'elle arrive toujours pas à s'y faire. Avant hier, elle m'a demandé si il y a avait une fille de mon goût dans ma classe. Mon père l'a pas corrigé, mais il m'a envoyé soutien par son regard plein de pitié. Ça m'enrage, vraiment, mais je dois m'y faire. Même que, je suis habitué maintenant.

—Matthis?

Je regarde devant moi et aperçois un blondinet emmitouflé dans son écharpe.

—Salut. Ça va?

—Au top. Toi ça n'a pas l'air d'aller. Qu'est-ce qui ce passe? Il a vraiment l'air d'être inquiet. Je me demande juste pourquoi. C'est pas comme si on était super pote, lui et moi.

—Ma mère, c'est tout. Je dis en continuant de marcher, souhaitant l'éviter un peu.

Bizarrement, il se met à me suivre silencieusement. Je me rend compte que j'aurais dû m'habiller plus chaudement, parce que là, je suis congelé.

—Tiens, Matthis. Je me tourne vers lui avant de recevoir son écharpe. Il l'enroule autour de mon cou et sourit gentiment.

—Non, garde la. J'essaye de l'enlever, mais lui m'en empêche.

—J'insiste.

Je fronce des sourcils, puis soupire.

—Pourquoi tu t'obstines à vouloir être gentil avec moi. On est même pas pote!

Ça se voit dans son regard que je l'ai blessé. Il inspire, puis pince ses lèvres ensemble. Il s'apprête à partir, mais je le retiens.

—J'voulais pas dire ça, je suis désolé. Il soupire.

—Y'a-t-il une raison à vouloir juste être sympa avec les autres? Il ne suffit pas d'être ami pour être aimable envers autrui, Matthis. Et puis, moi, j't'aime bien... Mais si tu ne veux vraiment rien savoir de moi, j'arrêterai.

—Quoi?

—Si tu ne veux vraiment rien savoir de moi, j'arrêterai.

—Non, non, avant ça.

Il fait les gros yeux, réalisant probablement ce qu'il vient de dire.

—Oh, heu... Ça- C'est sortie tout seul, j'pensais pas que tu avais entendu. Hum, ouais, j'avais pas prévu de te le dire comme ça, mais-

—Pourquoi?

—Bah, j'sais pas. T'es le seul qui me ridiculise pas. Tu es cool avec moi et t'es le seul qui me dit pas d'aller me faire foutre. J'veux dire, t'es pas tout le temps sympa, mais j'y trouve réconfort. Et pis, bah, t'es vraiment beau, quoi.

Ma respiration se coupe une fraction de seconde. Ce qui vient de dire me prend tout droit au cœur. Je m'en veux soudainement d'avoir été chiant avec lui. Je l'avais pas vu comme ça et maintenant qu'il me le dit, je sais vraiment pas quoi dire. C'est la première fois qu'un mec, fin qu'une personne tout court, se confit à moi. Ça fait du bien, mais en même temps, je me sens coupable. Je ne sais pas comment je suis sensé gérer ça, je n'ai jamais appris. J'ai surtout pas assez confiance en moi et je ne pense pas être assez bien pour lui. Il me semble que ce sentiment devrait être complaisant, non?

—Écoute, heu, c'est pas grave si c'est pas réciproque, hein. Je... tenais juste à te le dire.

—C'est pas que c'est pas réciproque. Juste que... je sais pas comment ça fonctionne tout ça. Et puis, c'est la première fois qu'on me dit ce genre de chose, mais... Je dis pas non, hein. Peut-être que tu pourrais me montrer?

Le visage de Théo s'illumine et son sourire rayonne. J'ai l'impression d'avoir dit la chose la plus intelligente du monde. Je souris bêtement à mon tour, puis me mets à chercher mon téléphone. Sauf que c'est ma mère qui l'a.

—Tu sais, y'a pas besoin de rush, ni de mode d'emploi pour ce genre de chose. On peut découvrir ensemble. J'en serais ravi.

—J'en serais tout aussi ravi, si c'est avec toi.

Finalement, je remercierai jamais assez ma mère de m'avoir fait sortir de chez moi.

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J'en peux plus... j'veux partir.

OSTOBER 2k24Où les histoires vivent. Découvrez maintenant