Je m'assois à mon bureau, le cœur battant, un carnet vierge devant moi. Aujourd'hui, une idée s'impose à moi, pourquoi je n'écrirais pas un roman sur mon passé ? Écrire pour guérir, pour essayer de voir le danger qui m'entoure sans être emportée par mes souffrances.
Je ferme les yeux, et les images se bousculent. La maison où j'ai grandi, cet endroit devenu une prison. Je me revois, petite fille, courant dans les couloirs, mes pieds nus sur le sol froid. Les murs étaient pleins de cris étouffés et de larmes. J'entends encore le bruit des bouteilles qui s'entrechoquent, le sifflement du whisky versé dans un verre, et le fracas des promesses brisées.
Une scène me revient avec une clarté terrifiante.
***
Dans la cuisine, la lumière était crue et bourdonnait, et je me tenais là, observant ma mère. Elle était affalée sur une chaise, son visage blanchit et fatigué, ses cheveux en désordre. Le verre à la main, elle avait l'air perdu, comme si elle ne savait plus qui elle était. Je n'avais que neuf ans, mais déjà je savais que je devais prendre soin de mes frères et sœurs.
-Maman, tu peux nous lire une histoire ? Je m'étais approchée, pleine d'espoir. Elle avait levé les yeux, un instant, puis s'était replongée dans ses pensées, son regard se perdant dans le vide.
La colère avait commencé à monter en moi. Pourquoi elle était comme ça ? Pourquoi ne pouvait-elle pas nous voir ? Mes petits frères, avec leurs yeux innocents, cherchaient l'amour dans un foyer devenu étranger. Je me souviens d'avoir dû les calmer, de les avoir pris dans mes bras pendant que ma mère hurlait au téléphone, insulte après insulte, les mots coupants comme des lames.
Puis, un jour, tout avait basculé. La police était arrivée, leurs voix graves résonnant dans le couloir. Ils avaient frappé à la porte, et moi, j'étais restée là, paralysée de peur.
-On a reçu des appels, madame.
Je me souviens de ma mère, s'effondrant presque sur elle-même, les larmes coulant sur son visage. Elle avait essayé de se défendre, de sortir des excuses qui n'avaient aucun sens. J'avais senti la honte m'emporter, comme si je portais le fardeau de ses échecs.
Je suis restée là, dans l'ombre, observant ma mère se débattre avec ses démons, mais aussi avec la réalité que nous avions construite ensemble. C'était un mélange de rage et de tristesse qui m'envahissait. À cet instant, je savais que je devais grandir, que je ne pouvais plus être une enfant.
***
Je voulais que mes lecteurs ressentent ce même choc, cette dévastation, que chaque mot soit une clé pour déverrouiller les portes de ces souvenirs douloureux.
Je me plonge dans l'écriture, le stylo dans ma main tremblante. Je mets en scène ma mère, sa lutte, son échec. Je parle de cette nuit où elle était trop ivre pour réaliser que j'étais là, cachée derrière la porte, écoutant les cris et les insultes.
-Sale petit ! avait-elle hurlé à mon frère, lui balançant un verre qui s'était brisé au sol.
Chaque mot que j'écrivais me rapprochait un peu plus de la paix. Je voulais que mes lecteurs ressentent la chaleur de la colère, le froid de la solitude. Je voulais qu'ils comprennent ce que c'était d'être un enfant dans un monde chaotique, où l'amour était remplacé par la peur. J'écrivais pour toutes ces nuits passées à pleurer en silence, à porter le poids des responsabilités qui m'avaient été imposées trop tôt.
En tournant les pages de mon histoire que j'écrivais avec connaissance de cause, je savais que je dévoilais non seulement mon passé, mais aussi la force que j'avais trouvée dans la vulnérabilité. Peut-être que ce roman serait une lumière dans l'obscurité, une voix pour ceux qui n'ont jamais eu le courage de s'exprimer. Écrire, c'était ma façon de briser le cycle, de regarder mes souffrances en face et de leur redonner un sens.
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Éclaboussures écarlates
Mystery / ThrillerDita est une femme connue dans le monde de l'écriture. Depuis son adolescence elle connaît Seren, son mari, peintre. Lui, n'a pas de succès, alors il ne cesse de désespérer jusqu'à connaître la popularité dans son milieu. Un jour, il décide d'adopte...