Chapitre 25

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Je rentre chez moi puis je ferme la porte avec un bruit sourd. Le choc me traverse comme un courant électrique, une secousse qui m'arrache à la réalité. Il fait froid dans le hall de l'entrée, mais je n'ai pas la force de réagir à cette sensation. J'ai l'impression que l'air autour de moi a changé. Qu'il est devenu plus lourd, plus épais, comme si chaque souffle que je prenais était empoisonné par ce que j'ai appris. Katerina, la voyante, m'a dit des choses... des choses que je n'arrive pas à croire, et pourtant, je les sens profondément ancrées en moi, comme une vérité crue, impossible à ignorer.

« Seren n'est pas Seren. »

Le frisson qui me parcourt à cette pensée est glacé, sourd. J'ai toujours aimé mon mari pour sa douceur, son regard calme, la manière dont il se plongeait dans son art, et la manière dont il m'a regardée, des années durant, comme si j'étais tout ce qu'il avait toujours recherché. Mais Katerina... elle a dit que ce n'était pas lui. Qu'il n'était pas le vrai Seren.

Elle a parlé de ce frère jumeau, de l'ombre qui s'était emparée du corps de l'autre, l'avait remplacé, usurpé son identité. Que son frère, ce monstre, avait pris sa place pour assouvir sa soif de pouvoir, de gloire et de succès. Le vrai Seren, celui que j'ai aimé, celui que j'ai épousé, serait, selon Katerina, prisonnier de ce corps étrange, nourri, maintenu en vie par le sang et la volonté du jumeau maléfique.

« Je n'y crois pas. »

J'essaie de me convaincre que tout cela n'est qu'une folie, une illusion dans laquelle Katerina m'a entraînée. Elle a toujours eu cette façon de parler, de flirter avec la frontière entre la vérité et la supercherie. Elle m'a dit que le seul moyen de sauver Seren était de couper ce lien macabre, de faire en sorte que le jumeau maléfique disparaisse, d'arracher à ce corps le pouvoir qu'il tire du sang volé. Mais comment ? Comment pourrais-je... comment pourrais-je faire ça ?

Je n'arrive pas à penser clairement. Une part de moi refuse catégoriquement d'accepter cette idée, mais une autre, plus sombre, semble s'en emparer avec une force insidieuse.

Et si c'était vrai ? Et si Seren n'était pas celui que je croyais ? Et si tout ce que j'avais vécu à ses côtés n'était qu'une illusion ?

Le bruit de mes pas résonne dans la maison, me rappelant la solitude de ce moment. Il est là, je le sais. Il doit être là, dans son atelier, à travailler sur une nouvelle toile. Seren... ou ce qu'il en est devenu. Une partie de moi, la plus fragile, a envie de courir, de fuir, de tout laisser derrière moi. Mais une autre partie, plus lucide, me dit que je n'ai pas le choix. Je dois comprendre. Je dois savoir.

Je pousse la porte de la cave et l'appelle. Il est là, comme je l'avais imaginé, plongé dans son travail, l'un des tableaux qui encombrent la pièce. Il ne lève pas la tête, absorbé par ses pinceaux, ses coups de couleurs sur la toile. Je reste là, figée un instant, l'observant. Ses mouvements sont fluides, précis, comme toujours. Mais quelque chose cloche. Quelque chose dans son regard, dans sa posture, dans la manière dont il se tient. Ce n'est pas la même chose, pas tout à fait. Je n'arrive pas à définir ce qui a changé, mais je le sens. Il y a comme une ombre derrière ses yeux, un voile que je n'avais jamais remarqué auparavant.

-Seren, je murmure, presque sans y penser.

Il tourne la tête vers moi. Ce sourire... ce sourire que j'ai vu tant de fois, ce sourire qui m'a toujours apaisée, m'arrête dans ma course. Mais ce soir, il me glace le sang. Il y a quelque chose dans la façon dont il me regarde, une lueur étrangère dans ses yeux, comme si quelque chose...

Quelque chose n'allait pas.

-Tu as passé un bon après-midi, chérie demande-t-il, d'un ton si naturel qu'il me fait frissonner. Comme si tout allait bien, comme si rien n'avait changé. Comme si Katerina n'avait pas tout démoli dans ma tête, comme si je n'avais pas découvert la vérité la plus horrible qu'on puisse imaginer.

Éclaboussures écarlates Où les histoires vivent. Découvrez maintenant